La joie des défenseurs de la chloroquine aura été de courte durée. Après avoir annoncé le 26 mars la publication d’un décret au Journal officiel (JO), autorisant la prescription de chloroquine aux malades du Covid-19 dans les établissements de santé, le gouvernement a finalement décidé de rectifier son texte dès ce 27 mars.
Si l'hydroxychloroquine et l'association lopinavir/ritonavir peuvent toujours être prescrits par les établissements de santé recevant des personnes infectées au coronavirus, cette médication ne pourra désormais se faire qu’«après décision collégiale, dans le respect des recommandations du Haut conseil de la santé publique et, en particulier, de l'indication pour les patients atteints de pneumonie oxygéno-requérante ou d'une défaillance d'organe», d'après le nouveau décret.
Or, comme semblent l’affirmer plusieurs experts dont le professeur Didier Raoult, plus le traitement est administré tôt, plus il est efficace afin de ne pas déboucher sur une détresse respiratoire qui engendre bien souvent la mort. Une donnée que rappelait il y a quelques jours encore Philippe Douste-Blazy, ancien ministre de la Santé, dans un appel au président de la République et au ministre de la Santé afin d’autoriser les traitements à la chloroquine.
«Cette appel est lancé Monsieur le président pour que vous permettiez à tous les médecins français, qu’ils soient hospitaliers ou libéraux, de prescrire, s’ils le souhaitent, en leur âme et conscience, [de l’hydroxychloroquine] aux malades atteints de Covid-19 symptomatique, sachant que plus tôt le traitement sera donné, plus il sera efficace et de ne pas le réserver comme jusqu’à maintenant aux patients qui ont des formes sévères ou pire un état de détresse respiratoire aiguë, où on le sait il est souvent trop tard», avait fait savoir l’ancien secrétaire général adjoint des Nations unies dans une vidéo.
«Y a-t-il un pilote dans l’avion France ?»
De plus, dans le décret du 26 mars, il est souligné que cette prescription ne peut se faire que «dans les établissements de santé qui les [les patients atteints de Covid-19] prennent en charge, ainsi que, pour la poursuite de leur traitement si leur état le permet et sur autorisation du prescripteur initial, à domicile». Difficile cependant d’imaginer une personne souffrant de «pneumonie oxygéno-requérante ou d'une défaillance d'organe» rentrer chez elle pour la fin de son traitement.
Pourquoi de tels décrets erratiques ? Pourquoi ces revirements permanents et particulièrement anxiogènes pour les malades ?
Comment expliquer cette précision apportée au JO dès le lendemain de la parution du décret ? Contactés par RT France, ni Matignon, ni le ministère de la Santé n'ont souhaité répondre à nos questions.
La décision fait en tout cas déjà grincer des dents. Sur Twitter, la député LR des Bouches-du-Rhône Valérie Boyer a mis en ligne un communiqué de presse sans équivoque. «Pourquoi de tels décrets erratiques ? Pourquoi ces revirements permanents et particulièrement anxiogènes pour les malades ? Le Gouvernement ne peut pas faire du "En Même Temps" permanent. Y a-t-il un pilote dans l’avion France ? Y a-t-il un homme d’Etat à la tête de notre pays ?», a-t-elle tempêté.
Depuis le début de la crise sanitaire, le gouvernement semble naviguer à vue, entre annonces démenties dans la journée et opérations de communication ratées, comme le 7 mars dernier, lorsque le couple Macron s'était rendu au théâtre pour inciter les Français à sortir. Dix jours plus tard, le pays était placé en confinement.
La confiance des Français dans leur pouvoir exécutif s’étiole petit à petit, et selon le dernier sondage d'Odoxa et Dentsu Consulting pour Le Figaro et France info, publié le 25 mars, 69% des sondés estiment que le gouvernement n’est «pas clair» face à la pandémie de Covid-19 et 70% qu’il «ne dit pas la vérité aux Français».
Ce 27 mars, Edouard Philippe a fait savoir que le confinement serait renouvelé en France pour 15 jours, soit jusqu’au 15 avril prochain. D’après le dernier bilan daté du 26 mars, rendu public par le directeur général de la Santé, Jérôme Salomon, 1 696 personnes sont mortes en France des suites du coronavirus, soit 365 décès supplémentaires en 24h, et 13 904 sont hospitalisées (+2 365 en 24 heures) dont 3 375 au sein d’un service hospitalier de réanimation (+548 en 24 heures).
Alexis Le Meur