Alors que les citoyens semblent logiquement de plus en plus préoccupés par l'écologie et le dérèglement climatique, La République en marche ne se rend-elle pas coupable de promouvoir la pollution ?
En prévoyant la fermeture totale de la centrale nucléaire de Fessenheim, le 30 juin, avec l'arrêt de son second réacteur (dans la nuit du 21 au 22 février, le premier réacteur a déjà été débranché), le gouvernement, appuyé par sa majorité, semble aller contre le sens de l'histoire en entamant la réduction progressive du nucléaire. Jusqu'à présent, la France faisait en effet figure de bonne élève par rapport à ses voisins européens pour sa capacité à émettre peu de gaz à effet de serre, et cela grâce au… nucléaire, une énergie pilotable bas carbone – c'est-à-dire pouvant répondre à une demande changeante quelles que soient les conditions climatiques, et en émettant très faiblement des gaz à effet de serre.
Fermer la centrale de Fessenheim pour des raisons de sécurité, un argument non valable
A Fessenheim, les élus sont particulièrement en colère. Il y a cette impression que le dogmatisme l'a emporté sur la raison, dans l'objectif de plaire à un électorat antinucléaire, comme celui d'Europe Ecologie Les Verts. Les macronistes actent ainsi un décret de l'ancienne ministre de l'Environnement, Ségolène Royal, datant de 2017. A écouter les élus locaux, la fermeture de la plus ancienne centrale de France relèverait davantage du symbole pour le gouvernement. «Il n’y avait aucune raison valable de fermer la centrale de Fessenheim», maugrée le président de la communauté de communes du Pays Rhin-Brisach (dont fait partie Fessenheim), sans étiquette, Gérard Hug, interviewé par nos soins.
Sauf que les antinucléaires brandissent régulièrement les catastrophes de Tchernobyl en URSS en 1986 ou de Fukushima au Japon en 2011, à la suite d'un tsunami, pour agiter un chiffon rouge. Or, avec Fessenheim, la France était-elle sous une menace d'accidents graves ? Non, à écouter les experts et les élus du territoire de Fessenheim. «Il est évident que la centrale nucléaire de Fessenheim a été sacrifiée, car c’est la plus ancienne de France», déplore Gérard Hug. «L’Autorité de sûreté nucléaire, l'ASN, nous répond que c’est l’une des plus sûres de France», poursuit l'élu alsacien.
La France dispose effectivement d'une autorité indépendante, l'ASN, chargée de contrôler quotidiennement les centrales françaises. L'ASN réalise en outre une expertise décennale pour prolonger ou non et améliorer les réacteurs. Sur Fessenheim, l'ASN soutient auprès de RT France que de constantes améliorations ont été apportées, notamment pour garantir la sécurité des réacteurs en cas de séisme. «Si vous prenez Fessenheim maintenant, elle est beaucoup plus sûre que Fessenheim lors de sa création», appuie l'adjoint au chef de la division de l’ASN Strasbourg, Vincent Blanchard.
Dès qu'un incident mineur ou un doute intervient, l'ASN n'hésite pas du reste à imposer à EDF l'arrêt d'un réacteur. Cela s'est par exemple passé en 2016 lorsque l'ASN s'est interrogée sur la qualité d'un équipement. Le réacteur a pu redémarrer lorsque le doute a été levé, en 2018. L'ASN nous décrit également, avec transparence, les incidents mineurs qui ont eu lieu en 2014 et 2015 liés à des éléments de la tuyauterie. L'instance de contrôle certifie que ces incidents «ne concernaient pas du tout des équipements nucléaires ou dans la partie nucléaire de l’installation». Le problème de 2014 avait certes conduit EDF, de manière préventive, à arrêter un réacteur, une inondation ayant provoqué des coulures sur des armoires d’un local électrique.
Vincent Blanchard raconte cet épisode : «Dans ce local, il y avait certains systèmes qui servaient à piloter le réacteur. Il y avait un risque de dysfonctionnement. Quand EDF s’est rendu compte de ce défaut, il a arrêté le réacteur. Ils ont ensuite nettoyé et réparé. Ça a donné lieu à un renforcement des contrôles sur l’étanchéité des installations.» Il note par ailleurs que «le système d’arrêt d’urgence fonctionnait bien et que la sûreté du réacteur était maintenue», ajoutant que, de toute manière, «la sûreté d’un réacteur ne repose jamais sur un seul équipement». «On souhaite avoir un certain nombre d’équipements diversifiés pour toujours être en mesure de pouvoir ramener le réacteur en état sûr», rajoute-t-il.
Quand on a visité toutes ces installations et que l'on voit tous les systèmes de sécurité mis en place, je conseille au responsable des dégâts d'EDF de communiquer là-dessus. On ne vous entend pas, on n’entend que les antinucléaires !
Pour maintenir un niveau de sécurité élevé et prévenir de tous les défauts, s'ajoutent aux contrôles de l'ASN, les Commissions locales d'information (Cli), composées entre autres d'organisations antinucléaires. Elles sont chargées d'étudier les risques et la sécurité des centrales. Elles mandatent parfois des contre-expertises. Vincent Blanchard de l'ASN est catégorique : «Ces expertises ont toujours rassuré. S’il y avait eu un doute, l’ASN aurait suspendu le fonctionnement du réacteur. On écoute toutes les expertises. Le doute profite toujours à la sûreté. C’est un peu le principe de précaution.» Gérard Hug donne d'ailleurs un conseil à EDF, l'exploitant de la centrale de Fessenheim : «Quand on visite toutes ces installations et que l'on voit tous les systèmes de sécurité mis en place, je conseille au responsable des dégâts d'EDF de communiquer là-dessus. On ne vous entend pas, on n’entend que les antinucléaires ! Vous avez de quoi amener les réponses.»
Et contrairement à certains discours antinucléaires comme ceux tenus par Greenpeace, Fessenheim, en service depuis 1977, n'a pas une durée de vie se limitant à 40 ans. La réglementation française ne fixe pas de durée de vie maximale des réacteurs. Tous les 10 ans, l'ASN formule ses préconisations «sur les derniers standards» pour chaque réacteur afin de décider de les prolonger ou non de 10 ans. L'ASN exige souvent d'apporter d'éventuelles modifications et des améliorations «basées sur les meilleures techniques» pour poursuivre l'activité de celui-ci. A titre d'exemple, aux Etats-Unis, la méthode est différente : la Commission de réglementation nucléaire a récemment permis de prolonger la durée de vie de deux réacteurs, datant de 1972 et 1973, jusqu'à 80 ans...
Fermeture de Fessenheim : une menace pour l'industrie et la vie économique du bassin
Fessenheim n'est-elle pas finalement le symbole de cette France périphérique subissant des décisions punitives de Paris par idéologie ? Gérard Hug peste : «C’est vrai qu’on aura une perte économique importante, avec une perte d’emplois. Tout cela se fait sur une volonté nationale ! Quand une entreprise ferme sur décision économique, la raison est économique. Là, ce ne sont pas des raisons économiques, mais des raisons politiques qui ont décidé de l'arrêt de Fessenheim !»
C’est une perte importante. On sait qu’il y avait à peu près 80 millions d’euros de masse salariale qui était redistribuée sur l’ensemble du territoire
Du côté du gouvernement, on atteste que la fermeture de Fessenheim ne fera perdre aucun emploi. Si Gérard Hug ne conteste pas le fait que les agents d'EDF seront bel et bien replacés dans d'autres structures EDF en France, la centrale de Fessenheim fait, pour sa part, vivre tout un bassin : «On essaie d’anticiper. On ne connaît pas encore toutes les conséquences économiques. Beaucoup de salariés de la centrale nucléaire vont être obligés de déménager… C’est une perte importante. On sait qu’il y avait à peu près 80 millions d’euros de masse salariale qui était redistribuée sur l’ensemble du territoire. On peut penser qu’une partie de cette masse salariale allait dans les commerces locaux, dans l’immobilier local, dans la vie culturelle, associative… On a du mal à peser les conséquences du départ massif des salariés et des moyens financiers de ces gens-là. Ils avaient tout de même un niveau de salaire plus élevé que la moyenne.»
Pour pallier cette perte, le gouvernement projette la création, dans la même ville, d'un technocentre pour le recyclage de matériaux métalliques radioactifs. Si Gérard Hug voit «d'un bon œil» le technocentre – qui n'est pour l'heure qu'au stade de projet –, il s'inquiète des perspectives économiques sur le court terme. Et puis, Paris pourrait de nouveau subir et se faire influencer par les injonctions des antinucléaires. Ce qui n'est pas sans inquiéter l'élu du Haut-Rhin : «On se méfie un peu, car on voit déjà monter des prises de parole des antinucléaires, disant qu’on sera la poubelle de l’Europe. Il y a un gros travail d’explication à fournir par EDF pour démontrer qu'il s'agira d'une usine qui recyclera des métaux très faiblement radioactifs. Il faut en effet éviter d’entrer dans des fantasmes que certains pourraient mettre en avant.»
Réduire le nucléaire ne fera pas baisser les émissions de gaz à effet de serre… au contraire
En face, le gouvernement a bien du mal à justifier cette fermeture au-delà d'une optique électoraliste. Le 29 février, la secrétaire d’Etat à la Transition écologique, Emmanuelle Wargon, a justifié bien maladroitement : «On ferme la centrale électrique nucléaire de Fessenheim […] parce qu'on a trop de nucléaire dans notre production électrique.»
Sur les 58 réacteurs que compte la France aujourd'hui, 12 réacteurs doivent en conséquence être arrêtés d'ici à 2035, sans toutefois entraîner la fermeture totale d'une centrale comme à Fessenheim. Le maire de Biesheim, Gérard Hug, alerte l'opinion publique sur le choix stratégique de fermer Fessenheim puis, progressivement, des réacteurs d'autres centrales nucléaires. Il demande de fait aux antinucléaires et écologistes français si cela «ne les dérange pas d’acheter du courant fabriqué avec du charbon, qui pollue et qu’on va payer cher».
Dans l'opinion publique, les diverses fuites de tritium relevé dans les environs des centrales de Tricastin et du Bugey n'améliorent pas l'image du nucléaire. Contacté par RT France, l'ingénieur de recherche senior à EDF (ayant travaillé sur les matériaux pour les centrales, particulièrement sur les problèmes d’irradiation et le vieillissement de la cuve), retraité, Jacky Ruste, estime que ces fuites en France ne représentent pas de dangers pour l'environnement et la santé publique : «Ces réacteurs produisent relativement peu de tritium. Quand il y a des fuites, elles sont minimes. Pour une personne qui vit à proximité [à 80 kilomètres] d’une centrale nucléaire, la dose reçue par an est légèrement inférieure à celle emmagasinée lorsque vous mangez une banane. Une centrale thermique représente quant à elle trois bananes. Une centrale thermique, d’un point de vue radioactivité, est trois fois plus polluante qu’une centrale nucléaire.»
Si Emmanuel Macron a dit qu'il souhaitait la fermeture de centrales thermiques à charbon en France, la France a besoin de l'un ou l'autre (voire du gaz, mais cette énergie est aussi émettrice de CO2) pour assurer sa production électrique.
Alors qu'il reste toujours quatre centrales à charbon en France, fortement émettrices de CO2, la décision de fermer en priorité la centrale nucléaire de Fessenheim surprend Sauvons le climat. Cette association a des positions à contre-courant des organisations écologistes, en défendant notamment le nucléaire pour la préservation du climat face à son réchauffement. «Ils sont plus antinucléaires que défenseurs du climat !», réagit avec vigueur le vice-président de Sauvons le climat, Gérard Pierre, à l'attention des macronistes. «Pour produire de l’électricité décarbonée, on n'a rien d’autre en magasin que le nucléaire pour l’instant», confirme le professeur honoraire de physique de l’université de Bourgogne, en évoquant l'énergie pilotable, c'est-à-dire pouvant permettre à un pays, à l'aide d'un bouton, d'augmenter ou de réduire la production électrique selon les besoins. Ce que ne peuvent faire l'éolien et le solaire, deux énergies dites intermittentes, ayant besoin respectivement du vent et du rayonnement du Soleil pour produire de l'électricité.
Eoliennes, panneaux solaires : les énergies renouvelables, une fausse bonne idée pour l'écologie
Dans le discours écologiste habituel, il y a cette idée que l'éolien et le photovoltaïque (ENR) pourraient remplacer à terme les énergies pilotables. Sauf que l'exemple allemand a démontré que l'éolien ne pouvait se passer d'une pilotable. Leur choix s'est tourné vers le charbon avec une vision, de ce fait, totalement contre-productive au niveau de l'écologie. D'autant plus que l'Allemagne revoit finalement sa copie sur la transition énergétique avec un coup de frein à… l'éolien.
Ils mettent tout l’argent sur la recherche sur le renouvelable, ce qui est complètement idiot, parce qu’il n’y a plus grand-chose à rechercher sur le renouvelable
Sauvons le climat, par la voie de Gérard Pierre, craint justement les mêmes orientations du gouvernement français : «Ils mettent tout l’argent dans la recherche sur le renouvelable, ce qui est complètement idiot, parce qu’il n’y a plus grand-chose à rechercher sur le renouvelable. On va peut-être améliorer un tout petit peu les rendements des panneaux solaires et sur les éoliennes – lorsque les vents sont faibles. Mais ce sera peanuts par rapport à ce que peut faire une centrale nucléaire.»
Actuellement, les réacteurs français ont une puissance nette de l'ordre de 900 à 1500 mégawatts électriques (MWe). A titre de comparaison, une éolienne n'a qu'une puissance nette allant de 1 à 3 MWe, et elle ne peut produire qu'en cas de vent suffisant et en dessous de 90 km/h. Par là même, le facteur de charge (mesurant l'efficacité et donc la rentabilité de la production électrique) du parc nucléaire est situé autour de 75%, quand celui d'une éolienne avoisine les 20% et le solaire aux alentours de 14%. Pour assurer la production électrique d'un pays, les ENR ne peuvent suffire et le pays a besoin d'un backup, c'est-à-dire d'une énergie pilotable pour répondre à la consommation.
Lorsque le nucléaire est délaissé, et l'hydraulique insuffisant pour satisfaire la demande, comme en Allemagne, le backup est alors produit avec une énergie fossile émettrice de CO2 (tels que le charbon ou le gaz). En augmentant les ENR pour remplacer le nucléaire sur son territoire, le pays se tourne par voie de conséquence vers une énergie pilotable polluante. Dans tous les cas, et l'Allemagne en est l'exemple, l'éolien et les énergies renouvelables ne permettent pas de réduire drastiquement les émissions de CO2.
Une fronde anti-éolienne se fait en outre de plus en plus jour. Des citoyens, voisins d'éoliennes, protestent contre la dégradation du paysage et l'ensemble des nuisances. L'ex-secrétaire d'Etat à l'Ecologie, devenu ministre chargé des Collectivités territoriales, Sébastien Lecornu, reconnaissait en janvier 2018 que près de 70% des projets éoliens ont été l’objet d'un recours juridique, de la part notamment de collectifs locaux. De fait, contrairement à certaines idées reçues, l'éolienne ne remplirait pas son rôle écologique.
Si on voulait remplacer toute la production d’électricité du monde par des éoliennes, il faudrait multiplier par trois la production mondiale d’acier, de béton, de cuivre, etc.
Le docteur-ingénieur, spécialisé en génie-physique, Jacky Ruste note qu'une éolienne a besoin de 600 à 1000 tonnes de béton ferraillé dans le sol, quasi impossible à détruire et ne pouvant resservir à une autre éolienne. Qui plus est, selon lui, une éolienne a une durée de vie limitée à une vingtaine d'années et ses pales ne sont pas recyclables. Cet ancien ingénieur de recherche constate d'autre part qu'une éolienne a besoin de «plusieurs centaines de kilogrammes de terres rares [groupe de 17 métaux] nécessaires», et que chaque kilogramme de terres rares «génère environ un kilogramme de déchets radioactifs, rejeté dans la nature». Jacky Ruste s'étonne que les écologistes ne soient pas opposés à cette pollution de l'environnement, comme en Chine où sont extraits une partie des terres rares. Si des écologistes pro-éoliens ont tenté de montrer que celles-ci n'étaient pas essentielles pour les éoliennes, l'argument fait sourire Jacky Ruste : «Si on ne met pas de terres rares, on aura des aimants beaucoup moins efficaces, les éoliennes seront encore moins performantes. Les terres rares permettent aussi de ne pas demander de maintenance.»
Jacky Ruste remet ainsi en cause le terme d'énergie renouvelable pour décrire l'éolien : «Si on voulait remplacer toute la production d’électricité du monde par des éoliennes, il faudrait multiplier par trois la production mondiale d’acier, de béton, de cuivre, etc. Sur le long terme, ce type d'énergie ne pourra jamais dépasser un certain pourcentage d’électricité, ne serait-ce que par les matériaux.» Pour le panneau solaire, même discours : «Pour rendre efficaces les panneaux solaires, on va faire appel à des matériaux high tech. Cela coûte cher et on ne pourra pas en produire des quantités gigantesques. Le solaire produit de l'électricité de manière assez aléatoire durant quatre heures autour de midi. Cela produit très peu en dehors de cet horaire. Il suffit de voir les pics de production sur une année, c'est très fluctuant un jour sur l’autre.»
Les ENR font grimper les factures
En France, les promoteurs de l'éolien rassurent pourtant, rappelant que l’électricité éolienne devenait de plus en plus compétitive sur le marché. Cependant, ces soutiens oublient que, contrairement au nucléaire, la compétitivité de cette électricité intermittente est relative puisqu'elle ne l'est qu'à travers des subventions. La Cour des comptes en 2018 avait particulièrement alerté sur le coût disproportionné des aides publiques, de plusieurs milliards d'euros chaque année, pour des ENR peu efficaces.
Le rapport 2019 de la commission des Finances de l'Assemblée nationale sur le volet de la transition écologique est tout autant éloquent. «Le coût total s’établit, hors coûts induits, entre 72,7 et 90 milliards d’euros» concernant le soutien à l'éolien, avec une projection jusqu'en 2028.
Il faut dire que le démantèlement d'une éolienne tous les 15 à 20 ans est coûteux. Jacky Ruste constate qu'«on récupère environ 60 000 euros de matériaux dans le recyclage de l’éolienne, en sachant que le démantèlement d’une éolienne coûte entre 400 à 600 000 euros».
La poursuite du programme de réduction de la part du nucléaire dans le mix électrique coûtera entre 350 et 850 euros supplémentaires par an et par foyer
En fait, chaque citoyen subventionne les ENR à travers une taxe, la Contribution au service public de l'électricité (CSPE). «L'écologie punitive» se voit donc sur la facture de chaque Français, représentant environ 16% de la facture moyenne d'électricité, à laquelle s'ajoute une TVA à 20%. A ce titre, les énergies renouvelables coûtent cher aux contribuables français, d'après un rapport de juillet 2019 de Sauvons le climat basé sur les prévisions, entre autres, de RTE (Réseau de transport d'électricité) : «En 2017, chaque foyer français payait (par la contribution CSPE) un surcoût sur sa facture d'électricité de 154 euros par an pour financer les producteurs d'électricité éolienne et photovoltaïque. La poursuite du programme de réduction de la part du nucléaire dans le mix électrique coûtera entre 350 et 850 euros supplémentaires par an et par foyer.» L'Etat a en effet affiché sa volonté de réduire à 50% la part du nucléaire dans le mix électrique français d'ici 2035 pour promouvoir l'éolien. Or, c'est bel et bien le poids encore important du nucléaire (près de 70% de l'électricité française) qui permet à la France de disposer d'un bas tarif par rapport à ses voisins, comme l'Allemagne. Le faible coût de la matière première importée (uranium) et la production des centrales françaises sont des atouts pour la facture finale, comme l'explique Gérard Pierre : «Le nucléaire est bon pour le commerce extérieur de la France. Notre pays importe environ 300 à 500 millions euros d’uranium par an et exporte pour plus de 2 milliards d’euros d’électricité.»
Et comme nous l'avait démontré avec ironie le physicien climatologue François-Marie Bréon en novembre 2018 : «Tous les pays qui ont développé des énergies renouvelables en Europe ont, curieusement, l’électricité la plus chère.»
Les éoliennes offshore, une menace pour les océans et les poissons ?
Le gouvernement planche désormais sur le développement de l'éolien en mer, offshore, pour calmer les réticences des Français vivant à proximité des éoliennes terrestres. Le premier parc devrait voir le jour et sortir de la mer en 2022. L'ingénieur Jacky Ruste confirme que l'éolien offshore aura un rendement légèrement meilleur que sur terre. Mais, là aussi, l'éolien offshore provoquerait un désastre écologique. Il s'inquiète du bétonnage des fonds marins mettant en péril la faune marine, comme les réserves françaises de coquilles Saint-Jacques, et par conséquent la pêche. Il avertit également sur les infrasons produits par ces éoliennes : «Avec les éoliennes terrestres, les infrasons se propagent déjà sur 10 kilomètres. Dans l’eau, la propagation sera supérieure. Cela va poser des problèmes pour les cétacés, par exemple.»
Les futures centaines d'éoliennes en mer rejetteront des milliers de tonnes d’alliage d’aluminium chaque année. Et cet aluminium se retrouvera dans les poissons
Autre problème écologique pour Jacky Ruste, «des anodes» composées d'aluminium seront installées sur les éoliennes offshore afin «de limiter la corrosion». La conséquence pour cet ingénieur ? «Les futures centaines d'éoliennes en mer rejetteront des milliers de tonnes d’alliage d’aluminium chaque année. Et cet aluminium se retrouvera dans les poissons.»
Les écologistes français ne devraient-ils pas regarder l'orientation politique de leurs homologues en Finlande ? Les Verts finlandais ont depuis deux ans bouleversé leur programme politique en renonçant à l'abandon du nucléaire. «Nous n’avons pas de position dogmatique. Seule une petite minorité d’électeurs a voté catégoriquement contre l’énergie nucléaire», a même déclaré, le 17 juin 2018, l'ancien président du parti Vert, Touko Aaltoa, pour justifier ce positionnement au quotidien finlandais Helsingin Sanomat. «Si vous regardez où va le capital privé, il ne va pas vraiment dans les projets nucléaires», argumentait-il. Certains membres de ce parti préconisent même une recherche dans les petits réacteurs nucléaires (SMR) pour le chauffage urbain.
L'avenir de l'écologie sera nucléaire ou ne le sera pas
L'intermittence des éoliennes et la réduction du nucléaire conduisent l'Etat à devoir rechercher une énergie pilotable de substitution, les éoliennes ne fonctionnant que par intermittence. Sauf que, dans un objectif de réduction du CO2 et des gaz à effet de serre, les solutions ne sont pas nombreuses.
Deux projets peuvent être notés. Le premier d'entre eux est Iter, dont le projet international est situé à Cadarache. Il vise à utiliser la fusion nucléaire, c'est-à-dire à reproduire la réaction se déroulant au cœur des étoiles pour produire de l'électricité. «C’est une technologie nucléaire. Sauf qu’au lieu d’être de la fission, c’est de la fusion. On fusionne des noyaux légers alors que, dans les réacteurs actuels, on fissionne des noyaux lourds», décrit Gérard Pierre de Sauvons le climat.
Pour l’instant, Iter n’est qu’un laboratoire de recherche, et Gérard Pierre prévoit une technologie qui ne sera maîtrisée que dans une centaine d'années pour assurer une production électrique à grande échelle. Un constat qui est partagé par Jacky Ruste.
Sur le plus court terme, une autre technologie pourrait remplacer les centrales nucléaires actuelles afin de produire de l'électricité, moins polluante en matière de déchets, et avec des ressources naturelles quasi inépuisables pour assurer la production française pendant plusieurs milliers d'années : les centrales à neutrons rapides (RNR). Problème, la France a lâché ce projet entamé dans les années 1950. Le dernier prototype en fonctionnement, Superphénix, a été abandonné au début des années 2000, sous la pression des Verts, pendant le quinquennat de la gauche plurielle. Le prototype était vu comme trop coûteux pour le gouvernement de l'époque et présentant trop de risques pour les antinucléaires.
Concernant les centrales à neutrons rapides, ce sont désormais les Chinois et les Russes qui sont les leaders dans ce domaine
Le Commissariat à l'énergie atomique (CEA) a bel et bien tenté de relancer et de développer la filière des neutrons rapides, avec le projet Astrid dans les années 2000, en utilisant pour matière première l'uranium 238, en abondance sur le sol français et représentant 99,3% de l’uranium naturel. L'objectif initial était d'aboutir à un réacteur démonstrateur à l'horizon 2039. Ayant coûté près de 700 millions d'euros en neuf ans de recherche pour la construction d'un prototype, Astrid est lui aussi torpillé par l'Etat en 2019. Désormais donc, la France s'est désengagée dans la recherche des RNR. Le CEA reconnaît d'ailleurs en août 2019 que le projet de construction d’un réacteur prototype est reporté pour la deuxième moitié du siècle. «Concernant les centrales à neutrons rapides, ce sont désormais les Chinois et les Russes qui sont les leaders dans ce domaine, avec peut-être les Indiens», regrette Gérard Pierre.
Le gouvernement renonce aux centrales de IVe génération : la faillite de l'Etat stratège
Par cette politique de réduction nucléaire et de sa recherche, l'Etat n'est-il pas en train de mettre en péril le savoir-faire français dans la technologie nucléaire ?
Le risque semble en effet celui de perdre les techniques et le savoir-faire. Le paradoxe pourrait même entraîner la France à acheter ce savoir-faire aux Russes. «Alors qu’on était capable de le vendre au monde entier avant», critique Gérard Pierre. En Russie, une centrale à neutrons rapides de IVe génération produit effectivement de l'électricité. Les Chinois, pour leur part, semblent proches d'avoir une centrale en fonctionnement. L'Inde, quant à elle, est au stade de recherche pour une centrale utilisant non pas principalement de l'uranium, mais du thorium, une matière première abondante sur Terre, et dont ce pays dispose sur son sol. Les centrales au thorium restent malgré tout plus coûteuses, selon plusieurs experts (notamment à cause de la complexité des réacteurs à sels fondus).
En France, les nombreuses ressources en uranium 238 sur son sol devraient pousser le pays à rester sur une technologie utilisant cette matière première. Les centrales à neutrons rapides pourraient dès lors permettre à la France d'éviter d'importer l'uranium 235, certes peu cher, et actuellement utilisé dans nos réacteurs. Sauf que l'Etat a donc, pour l'instant, décidé d'abandonner la recherche sur ces centrales de IVe génération. En période de contrôle des budgets, la majorité présidentielle ne voudrait pas se lancer dans un projet aussi coûteux, sachant que la construction de l'EPR de Flamanville (réacteur de IIIe génération), débutée en 2007 et toujours en cours, fonctionnant comme les centrales d'anciennes générations, voit sa facture flamber à plus de 12,4 milliards d’euros.
Néanmoins, c'est la question de l'Etat stratège qui est posée. Si le cours de l'uranium 235 (combustible utilisé pour les centrales actuelles) est actuellement faible, le temps de la recherche, de la création d'un prototype et d'une construction d'une centrale à neutrons rapides prendra plusieurs dizaines d'années. Or, à l'image d'Astrid, ce type de centrale a pour vocation de produire de l'électricité pour des milliers d'années avec les propres réserves naturelles françaises et, selon les experts interrogés, à considérablement réduire les déchets nucléaires et la durée de vie de ceux-ci. Une technologie qui sera visiblement l'avenir de la production électrique pour assurer les besoins de chacun, tout en respectant les prescriptions d'une énergie bas carbone et écologique. Quel gouvernement osera toutefois remettre plusieurs milliards d'euros pour une recherche et développement qui n'aboutira qu'au bout de plusieurs dizaines d'années ? L'abandon d'Astrid n'est-il pas le reflet d'une politique de l'énergie basée essentiellement sur une vue à court terme et électoraliste, au détriment de l'avenir ?
Bastien Gouly