Dans un entretien publié le 24 novembre par le Journal du Dimanche, Richard Ferrand a exprimé sa satisfaction quant aux orientations politiques du président de la République, se montrant particulièrement optimiste concernant la situation économique et sociale de la France, en dépit de certains indicateurs peu rassurants.
Soyons enthousiastes [...] et pas pleurnichards
S'il a affirmé qu'il ne voulait pas nier «les difficultés et les souffrances» des Français, assurant qu'il fallait au contraire les «combattre», le président de l'Assemblée nationale a aussi et surtout insisté sur des marqueurs plus positifs qui, selon lui, caractériseraient mieux l'évolution de la situation.
«Mesurons aussi le dynamisme de notre pays [...] Nous n'avons jamais connu en même temps la baisse du chômage, la baisse des impôts et la réduction du déficit public», a expliqué Richard Ferrand, prenant également le temps de louer le système de santé du pays : «Soyons enthousiastes pour le maintenir et le développer, et pas pleurnichards», insiste l'ancien ministre, en dépit du profond malaise auquel le milieu hospitalier est en proie depuis le mois d'avril 2019.
La crise sociale que traversent actuellement les hôpitaux français n'est pas sans rappeler d'autres mouvements protestataires, qui se sont accumulés durant l'année : Gilets jaunes, mobilisation des pompiers, contestation étudiante, appels à une grève interprofessionnelle... En outre, les indicateurs sociaux négatifs se multiplient, dépeignant un tableau plus sombre que celui brossé par Richard Ferrand dans les colonnes du JDD.
Les chiffres inquiétants de la montée de la pauvreté en France
Selon un rapport de l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) rendu public le 16 octobre 2019, le «taux de pauvreté monétaire» (la proportion de personnes au niveau de vie inférieur au seuil de pauvreté) aurait augmenté en France de 0,6 point durant l'année 2018 par rapport à l'an précédent, pour atteindre 14,7% de la population, soit 9,3 millions de Français.
Un constat simultanément corroboré par celui de l'organisme européen de statistiques Eurostat, qui a publié, le même jour, une étude mentionnant l'évolution des personnes menacées de pauvreté, ou d'exclusion sociale au sein de l'UE. Selon les données du rapport, la France serait en proie à une augmentation du «risque de pauvreté après transferts sociaux». «Depuis 2008, le pourcentage hexagonal de ces personnes pauvres malgré les aides a augmenté [...] d'un point, quasiment de 12,5% à 13,4% de la population considérée comme pauvre», rapporte alors Le Parisien à ce sujet.
Ces chiffres ne sont pas anodins au regard de la corrélation, démontrée par l'Insee, entre le niveau de vie et l'espérance de vie, l'allongement statistique de cette dernière étant actuellement évoquée par le camp présidentiel à l'approche de la réforme des retraites. «Nous vivons plus longtemps, et en bonne santé», s'est par exemple félicité Richard Ferrand dans le JDD, concluant : «Nous allons tendanciellement devoir travailler plus».
Le nombre de sans-abri morts dans la rue augmente de 15% en 2018
Dans son rapport annuel rendu public le 29 octobre dernier, le collectif Les Morts de la rue a recensé le décès de 612 personnes sans domicile fixe (SDF) sur l'année 2018, soit une augmentation de 15% par rapport à l'année précédente. Des chiffres qui tranchent avec la promesse de «Zéro SDF» émise par Emmanuel Macron, qui s'était engagé en juillet 2017 à «loger tout le monde dignement».
Un constat d'autant plus alarmant que selon Cécile Rocca, coordinatrice du collectif, ce chiffre est très loin d'être exhaustif. L'organisation recense en effet les décès sur base de signalements de ses partenaires et des médias mais de précédentes recherches auraient montré que le nombre réel des SDF décédés était environ six fois plus important que celui qui a été recensé par le collectif.
Sept Français sur dix «préfèrent» avoir froid qu'allumer le chauffage...
Le choix de la formule avait fait tiquer les internautes, qui n'ont guère apprécié la notion de préférence sur une telle problématique. En tout état de cause, selon une enquête Odoxa publiée le 12 novembre, à l'approche de l'hiver, 71% des Français font «le choix» de se passer de chauffage. «En cause, le montant de la facture qui grimpe, à mesure que les températures baissent», rapporte alors Le Figaro.
Comme l'explique l'étude, les citoyens les plus précaires sont les premiers à éprouver des difficultés à se chauffer. En effet, d'après le rapport, 76% des retraités et 79% des foyers gagnant entre 1 500 et 2 500 euros mensuels sont les plus poussés à ce «choix» d'économie, qui s'inscrit dans le phénomène qualifié de «précarité énergétique».
De plus en plus d'étudiants vont aux Restos du cœur
Enfin, comme le rapporte Le Monde ce 26 novembre, les étudiants sont de plus en plus nombreux à grossir les rangs des plus de 900 000 bénéficiaires des Restos du cœur, l'organisme d'aide alimentaire français fondé par Coluche. En 2018, près de 30 000 étudiants y ont ainsi sollicité des distributions de repas.
Selon le quotidien qui cite également l’enquête 2016 de l’Observatoire national de la vie étudiante (OVE), un quart des étudiants expliquaient rencontrer d’importantes difficultés financières, et 5% d'entre eux étaient en situation de «grande précarité». Les Restos du cœur affirment que 80% des étudiants vivent avec moins de 513 euros par mois, soit la moitié du montant du seuil de pauvreté. Et 20% seraient sans ressources.
Signe que la problématique est de taille dans le milieu estudiantin, nombre d'universités ont récemment vu s'organiser des rassemblements contre la précarité, notamment après l'immolation d'un étudiant lyonnais de 22 ans, le 8 novembre, devant un restaurant universitaire. Dans sa lettre, le jeune homme évoquait le manque d'espoir dans l'avenir, accusant les derniers présidents et l'UE de l'avoir «tué».
Contrastant avec le dynamisme français mis en avant par Richard Ferrand, les indicateurs de pauvreté connaissent une tendance à la hausse en France, septième puissance économique mondiale.
Fabien Rives