France

Un «Conseil de déontologie journalistique» va voir le jour en France

Un «Conseil de déontologie journalistique et de médiation», annoncée en grande pompe par un collectif de professionnels, verra le jour en décembre et pourra être saisi notamment en cas de couverture controversée d'un événement par un média.

L'Observatoire de la déontologie de l’information (ODI, réunissant associations, syndicats et entreprises du monde des médias) a annoncé sur son site internet le 25 novembre la création, en accord avec plusieurs organisations, d'un «Conseil de déontologie journalistique», dont l'assemblée générale fondatrice se tiendra le 2 décembre.

Initié par un «collectif» d'«organisations de journalistes, d’éditeurs, d’agences de presse et des représentants du public», réuni par l'ODI, ce conseil de presse se donne pour mission de combler un manque dans le pays, puisqu'une centaine de pays sont doté de «conseils de déontologie journalistique, ou conseils de presse» dans le monde. 

L’ODI revendique la création de cet «organe professionnel d’autorégulation, indépendant de l’Etat». Son rôle sera notamment de servir d'«instance de médiation et d’arbitrage entre les médias, les rédactions et leurs publics», et constituera un espace «de réflexion et de concertation pour les professionnels et de pédagogie envers les publics», par exemple en matière de lutte contre les fausses informations.

Ni un «ordre des journalistes», ni une «instance étatique»

Anticipant les critiques qui pourraient être adressées à ce type d'initiative, l'ODI précise que ce conseil ne sera en aucun cas un «ordre des journalistes, un tribunal de la pensée ou une instance de censure», ni une «instance étatique ou administrative».

Il est par ailleurs précisé que ce comité, qui pourra être saisi ou s'auto-saisir de cas problématiques, «rejette toutes les plaintes concernant la ligne éditoriale ou les choix rédactionnels, qui restent libres et demeurent l’apanage des rédactions sous l’autorité du directeur de publication». Aucune sanction ne pourra être prononcée par le conseil, qui se contentera d'émettre des avis. 

Dans la liste des organisations membres du collectif sous l'égide duquel ce Conseil de déontologie journalistique verra le jour, on trouve des syndicats de journalistes comme le SNJ et CFDT journalistes, des collectifs comme «Informer n’est pas un délit», «Profession : Pigiste» ou la Fédération française des agences de presse.

Jean-Luc Mélenchon salue l'initiative 

Le chef de file de la France insoumise (LFI) Jean-Luc Mélenchon s'est réjoui d'une initiative pouvant «être une belle avancée vers un droit de recours citoyen face aux médias», dans un communiqué. Le député des Bouches-du-Rhône a rappelé qu'il avait lancé en 2017 une pétition pour la création d'un tel conseil, qu'il qualifiait alors de «manque en République».

«Il faut rapidement qu’il gagne en envergure, pour englober tous les grands groupes médiatiques et instaurer un pouvoir de sanction symbolique réel et reconnu», a-t-il ajouté, demandant que ce conseil reçoive au passage «l’appui du gouvernement et du législateur».

Reste que les missions de ce futur organe suscitent des inquiétudes au sein de la profession : «"Ni un tribunal de la pensée ou une instance de censure", ni "une instance étatique ou administrative" promettent-ils . On en reparlera....», a notamment tweeté la journaliste du Parisien Catherine Gasté. 

Volonté d'indépendance par rapport à l'Etat 

En juin dernier, plusieurs journalistes, dont des pontes de la profession, s'étaient insurgés contre l'idée avancée par le secrétaire d'Etat au Numérique Cédric O, de créer un «Conseil de l'ordre des journalistes». «Je considère qu’il doit y avoir un Conseil de l’ordre des journalistes, des journalistes entre eux, qui prennent des décisions et qui disent à l’Etat : "Vous devez retirer l’agrément de tel ou tel canard, mettre des avertissements."», avait-il déclaré auprès de Reuters en juin 2019. 

«C’est aux journalistes de le faire, ce n’est pas à l’Etat de le faire. S’ils ne le font pas, ce sera l’Etat qui le fera, au bout du bout», avait-il averti dans cette même interview où Cédric O. avait par ailleurs mis en cause RT France.

Devant le tollé provoqué par ses propos, le secrétaire d'Etat avait vite rectifié le tir, évoquant «des paroles malheureuses» qui ne reflétaient pas «la position du gouvernement». 

Ces paroles prononcées par Emmanuel Macron pendant la campagne de 2017 avaient alors refait surface dans la presse : «Je vois le projet [évoqué à l'époque par un élu régional FN], qui a été ébruité, d'un ordre des journalistes, qui est une pratique intéressante, que je vous recommande, mais moi depuis l'Italie des années 30, je n'avais pas vraiment croisé ça», avait déclaré le futur président sur BFMTV le 2 mai 2017, entre les deux tours du scrutin. 

Lire aussi : RT est-il un média ? Sibeth Ndiaye s'interroge sur le fonctionnement de la carte de presse