Emmanuel Macron a-t-il (de nouveau) jeté de l'huile sur le feu avant une importante grève interprofessionnelle prévue le 5 décembre ? Au cours d'une visite à Amiens, répondant à des questions d'étudiants à l'inauguration du nouveau site de l'université, le président a ainsi déclaré : «On a l'impression si on s'écoute collectivement, si on branche la radio ou qu'on allume la télé, que tout est terrible […] En ce moment notre pays est, je trouve, trop négatif sur lui-même.»
Le chef de l'Etat a déploré les «violences dans la rue», après celles dans les universités et pour le premier anniversaire des Gilets jaunes. A l'approche du mouvement du 5 décembre, surveillé de très près par l'exécutif qui veut éviter une coagulation des revendications, Emmanuel Macron a d'ailleurs décidé d'alléger son programme international autour de cette période.
«Il n'y a pas de liberté sans ordre public dans la rue, il y a une liberté de manifester, il y a une liberté d'exprimer son opinion, mais il y a pas de liberté de casser», a insisté le président. Après l'acte désespéré d'un étudiant de 22 ans, qui a tenté de s'immoler par le feu à Lyon, il a affirmé que ce drame «nous rappel[ait], sans nous le faire découvrir, les difficultés de la vie étudiante». Il a aussi reconnu la difficulté pour certains jeunes de «se loger, se chauffer, parfois se nourrir».
Emmanuel Macron reconnaît traîner «comme un boulet» la baisse des APL
Mais quand «on parle des conditions étudiantes, comparons la France aux autres pays», a-t-il ajouté face à quelque 200 étudiants, en insistant sur les mesures prises depuis le début du quinquennat, comme la suppression de 217 euros de cotisation à la sécurité sociale étudiante. Il a estimé que cette somme était nettement supérieure à la baisse de cinq euros des APL (Aides personnalisées au logement), qu'il a reconnu traîner «comme un boulet».
Emmanuel Macron a débuté son allocution en se disant «très heureux, pour des raisons intimes», de revenir dans la ville où il est né le 21 décembre 1977 et a vécu son enfance. Au premier rang de l'auditorium, était d'ailleurs discrètement assis son père, Jean-Michel Macron, professeur de neurologie à l'université pour encore une année.
Il s'agit de sa première visite à Amiens depuis un court déplacement en octobre 2017 ayant suivi celui de l'entre-deux tours de la présidentielle de 2017, tous deux marqués par le sort de l'ancienne usine Whirlpool, l'un des principaux sites industriels de la ville.
Cinq mois après son élection, Emmanuel Macron visitait fièrement l'usine avec un repreneur, largement aidé par l'Etat, qui devait sauver une partie des emplois. Deux ans plus tard, c'est la liquidation de WN, la société choisie pour reprendre le site, désormais devenu une «usine fantôme», selon Patrice Sinoquet, représentant CFDT.
«À Whirlpool, Macron viendra contempler le fiasco de SA politique : celle qui ne met aucune limite à la mondialisation sauvage et qui abandonne l’industrie française», a d'ailleurs tweeté son adversaire à la présidentielle Marine Le Pen, qui avait défié Emmanuel Macron chez Whirlpool lors de l'entre-deux tours en 2017.
A quelques kilomètres de l'université, une petite centaine d'anciens salariés de l'usine, des Gilets jaunes, lycéens, militants CGT et Sud-Solidaires se sont rassemblés dans le calme. «Whirlpool fabrique des chômeurs», pouvait-on lire sur la banderole de tête. Dans ce contexte, la rencontre prévue le 22 novembre au matin entre Emmanuel Macron et les ex-salariés s'annonce rude. «On va lui demander des comptes !», ont-ils prévenu.
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