Si les mises en examen du cimentier pour «financement du terrorisme», «violation d'un embargo» et «mise en danger de la vie» d'anciens salariés d'une usine en Syrie contre le groupe Lafarge ont été maintenues, la cour d'appel de Paris a annulé ce 7 septembre la mise en examen pour «complicité de crimes contre l'humanité» de Lafarge. Le groupe français était accusé d’avoir financé des groupes terroristes en Syrie pour maintenir l'activité d'une de ses usines, selon des avocats cités par l'AFP.
«La chambre de l'instruction a fait le même constat que nous, à savoir qu'il n'existe pas d'éléments justifiant la mise en examen de Lafarge SA pour ce crime», se sont félicités les avocats du cimentier, Christophe Ingrain et Rémi Lorrain. «La cour reconnaît que Lafarge n'a jamais participé ni de près ni de loin à un crime contre l'humanité [et] corrigé une décision totalement infondée» des juges d'instruction des pôles financier et antiterroriste du tribunal de Paris, ont-ils ajouté.
Des mises en examen de Lafarge pour d'autres motifs maintenues
En revanche, la chambre de l'instruction de la cour d'appel a maintenu les mises en examen du cimentier pour «financement du terrorisme», «violation d'un embargo» et «mise en danger de la vie» d'anciens salariés de son usine de Jalabiya.
En outre, dans le cadre de l'information judiciaire ouverte en 2017 après des plaintes de plusieurs associations et du ministère de l'Economie, huit cadres de Lafarge au total été mis en examen, pour «financement d'une entreprise terroriste» et/ou «mise en danger».
La mise en examen pour «complicité de crimes contre l'humanité» du groupe français, qui a fusionné en 2015 avec le suisse Holcim, avait suscité de vives réactions dans le monde économique. Selon l'ONG Sherpa, il s'agissait d'une première mondiale pour une entreprise.
Suspicions de versements à des groupes armés en Syrie
Lafarge est suspecté d'avoir versé entre 2011 et 2015 plus de 12 millions d'euros à des groupes armés en Syrie, dont Daesh, pour continuer à faire tourner sa cimenterie de Jalabiya dans le nord du pays malgré la guerre.
Depuis la plainte déposée par Bercy fin décembre 2016, dans le cadre de l'interdiction d'acheter du pétrole en Syrie, Lafarge a été accusé de vouloir saboter des preuves exploitables dans le cadre de l'enquête. Ainsi, le 12 décembre 2017, l'association Sherpa, qui avait également déposé plainte contre le groupe, affirmait que «des ordinateurs [avaie]nt été passés à l'eau de javel pour empêcher la justice de travailler».
L'année suivante, après avoir eu accès aux procès-verbaux de l'audition du directeur de la sûreté du cimentier Lafarge, Libération révélait la participation, entre 2012 et 2014, de l’Elysée et du Quai d’Orsay à des discussions stratégiques sur l’envoi de soldats dans l’usine Lafarge en Syrie, alors occupée par des combattants de Daesh.