Plan anti-drogue : pour un ancien des stups «c'est de la gesticulation, de l'affichage politique»
Les ministres de l'Intérieur, de la Justice et des Comptes publics sont à Marseille pour présenter la création de l'Ofast, un organisme spécialement dédié à la lutte contre le trafic de stupéfiants à partir du 1er janvier. Simple plan de com' ?
Une nouvelle organisation pour «mutualiser les forces» et «frapper fort», selon les mots de Christophe Castaner ce 17 septembre à Marseille, où il s'est rendu en compagnie du garde des Sceaux, Nicole Belloubet et du ministre des Comptes publics, Gérald Darmanin, pour présenter la nouvelle réforme du gouvernement en matière de lutte contre le trafic de stupéfiants. En conférence de presse, le ministre de l'Intérieur a également adopté un lexique martial pour s'adresser aux narcotrafiquants : «La France ne sera pas leur terrain de jeu.»
Un acronyme chasse l'autre : l'Ofast pour remplacer l'Ocrtis
Mesure phare : la création de l'Ofast, un organisme pour remplacer l'ancien Ocrtis à partir du 1er janvier 2020 et afin de «coordonner l'action de tous les acteurs dans la lutte anti-stupéfiants au niveau local et national». Selon les informations du Parisien, cet office «remanié» resterait dans le giron de la direction centrale de la police judiciaire (DCPJ). L'organisme ainsi créé associera pour la première fois dans sa gouvernance, police, gendarmerie, douanes et magistrats et il sera dirigé par une commissaire, actuellement conseillère justice d'Eric Morvan, directeur général de la police nationale (DGPN), Stéphanie Cherbonnier. Les effectifs compteront 150 enquêteurs ventilés sur 16 antennes territoriales en métropole et dans les outre-mers.
Le Parisien précise que l'objectif de l'Ofast est également de «faire taire les rivalités entre les services» et de mettre en commun les bases de renseignements en centralisant les informations. Au total la réforme se décline en 55 mesures. Un chiffre ronflant qui démontre, s'il le fallait, la détermination du gouvernement de marquer le coup sur le volet sécuritaire. Une plateforme d'appel sera également mise en place qui permettra aux citoyens de signaler les points de vente de stupéfiants. Le garde des Sceaux a également annoncé sa volonté de rendre «opérationnelle courant 2020» l'amende forfaitaire de 200 euros sanctionnant l'usage.
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Un ancien des stups n'y croit pas
Ancien commandant de police, Jean-Pierre Colombies, a été enquêteur pendant dix ans à la brigade des stupéfiants, dont cinq à Paris (aux fameux 36, depuis transféré au Bastion dans le XVIIe arrondissement de la capitale) puis cinq ans à Marseille. Contacté par RT France, il estime que le phénomène du trafic de stupéfiants n'est pas considéré de la bonne manière par le ministère de l'Intérieur : «Ce plan antidrogue ne résoudra jamais rien tant que ce gouvernement ne raisonnera qu'en terme de fric et de répression. On parle de toxicomanie, mais le ministre de la Santé n'est pas présent, alors que c'est en réalité un sujet de santé publique. De toute façon, je rappelle que la détention de stupéfiants est déjà punie dans le droit français, il faudrait relire l'article L.627 du code pénal ! Par ailleurs, pour information, il y avait 50 fonctionnaires aux stups de la Sûreté départementale à Marseille en 1993 et il y en a une trentaine aujourd'hui. Si Castaner s'intéresse tant que ça à Marseille, il pourrait réfléchir à cette donnée-là.»
C'est de la démagogie motivée par la peur de passer pour des mous et de laisser le terrain sécuritaire au Rassemblement national
L'ancien policier va plus loin et considère que l'usage des drogues doit également être considéré comme un marqueur social : «La consommation de stup, c'est le baromètre d'une société qui va mal, au même titre que la consommation d'antidépresseurs et il n'aura échappé à personne que les Français en consomment beaucoup. Ce plan, c'est de la gesticulation, de l'affichage politique. Pendant ce temps, on a des quartiers entiers qui vivent de ça et qui se considèrent comme des quartiers retranchés... Alors les mesures de ce type se succèdent, mais elles ne résoudront jamais rien si on ne travaille pas en profondeur. Il faut dénoncer le malaise social qui sous-tend cette consommation. Pour mettre fin à la crise de l'héroïne dans les années 1980, on a eu recours aux produits de substitution sous contrôle médical et ça a fonctionné parce qu'on a pris en compte les utilisateurs au lieu de chercher à faire du chiffre. Ce que je vois là, c'est de la démagogie motivée par la peur de passer pour des mous et de laisser le terrain sécuritaire au Rassemblement national dans les urnes.»
Antoine Boitel