Les agriculteurs français ne veulent pas plus d’argent mais plus de courage politique

Les agriculteurs français ne veulent pas plus d’argent mais plus de courage politique© Jacky Naegelen Source: Reuters
Est-ce la fin d'un modèle agricole?
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La profession agricole est en colère et tient à le faire savoir à Paris où sont attendus 1365 tracteurs. La Confédération paysanne ne s'associe pas à ce mouvement lancé par la FNSEA, et dénonce «le populisme» de son président Xavier Beulin.

RT France: Pourquoi la Confédération paysanne ne s'est-elle pas jointe à la manifestion des agriculteurs aujourd'hui à Paris?

Laurent Pinatel (L.P.)Nous ne nous sommes pas joints à ce mouvement car il nous semble, à la Confédération paysanne, que les solutions proposées par la FNSEA et Xavier Beulin, ne sont pas celles qui seront utiles pour sauver l'agriculture. Nous avons l'impression au contraire qu'ils demandent une accélération de la disparition des paysans, sous couvert de trouver des revenus. Nos revendications sont autres, nos méthodes aussi. Par exemple, nous allons en ce moment même à la rencontre des citoyens partout en France. Nous sommes plus aujourd'hui sur de la sensibilisation du citoyen, de l'explication sur pourquoi il faut revoir aujourd'hui le système agricole dans son ensemble. Nous ne sommes pas sur des mesures à court terme. Nous revendiquons une réorientation des politiques publiques.

On a l'impression que le gouvernement a essayé de voir comment contenter et calmer les paysans mais aujourd'hui il faut leur dire la vérité: le système dans lequel ils se sont développés depuis des décennies est périmé, il a vécu. On est allé au bout du productivisme et il faut revoir complétement l'agriculture française dans son ensemble et en profondeur. Ce n'est pas avec des plans d'aides à un ou deux ou trois milliards que tout va changer. Au contraire. Nous ne demandons pas plus d'argent, nous demandons du courage politique!

RT France: Que supposerait cette redéfinition du modèle agricole?

L.P.: Faire une agriculture de production de qualité et sur des créneaux qui valorisent les savoirs-faire, qui valorisent les territoires et qui créent de l'emploi. Il ne faut pas être dupe: l'agrandissement de la taille des exploitations va forcément se faire au détriment du nombre des paysans. Si on dit aujourd'hui à un paysan qui a une exploitation de 30 vaches, qu'il faut maintenant passer à 50 vaches pour s'en sortir, forcément à côté de chez lui, un paysan qui va disparaître. Nous réclamons un revenu pour tous les paysans et refusons de dire «mangez-vous les uns les autres pour pouvoir vous en sortir». 

Xavier Beulin récupère le mécontentement et le désarroi des paysans pour proposer au final un grand plan de licenciement de toute la profession paysanne.

RT France: Vous avez dénoncé «une reprise en main populiste» de Xavier Beulin. Qu'entendez-vous par là?

L.P.: Xavier Beulin a récupéré des mouvements qui sont partis malgré lui, dans son dos. Il récupère le mécontentement et le désarroi des paysans pour proposer au final un grand plan de licenciement de toute la profession paysanne. Nous trouvons extrêmement populiste de récupérer ainsi la tristesse et le désarroi des gens, qui sont réels, de profiter de tout cela pour accélerer le mouvement de disparition de l'agriculture, à travers son industrialisation et sa financiarisation. On a l'impression que Xavier Beulin veut appliquer à l'agriculture française ce qu'il a appliqué à Avril-Sofiprotéol, le groupe agro-industriel dont il est PDG.

RT France: Vous décrivez là un modèle agricole qui semble être celui d'une agriculture prédatrice...

L.P.: Complétement et c'est aussi une agriculture du passé. Les solutions qui sont revendiquées depuis ce matin par la FNSEA c'est toujours plus de: «donnez-nous les moyens d'investir, donnez-nous les moyens de grossir, de ne pas respecter les normes environnementales pour pouvoir utiliser des nouvelles technologies du vivant. Bref, laissez-nous faire». Or c'est ce qu'on fait depuis les années 60 et cela ne marche pas. Il va vraiment faloir que le gouvernement prenne la mesure de ce constat car si ça ne marche pas, il faut changer de modèle pour orienter l'agriculture vers des produits de qualité, vers l'occupation de l'espace. En schématisant, je dirai que la FNSEA est sur un modèle d'agriculture industrialisée, qui va se surmoderniser et nous sommes, à la Confédération paysanne, pour une agriculture avec des paysans.

Tous ces plans d'urgence ne changent rien à la situation de l'agriculture française. C'est comme si on essayait de remplir d'eau une bassine percée sans se préoccuper qu'il va falloir un jour ou l'autre boucher le trou

RT France: Que pensez-vous dés lors des mesures d'aides ponctuelles prises par le gouvernement français cet été, rééchelonnement de la dette, prises en charge des cotisations sociales etc...

L.P.: Ce sont ces mesures habituelles, ces mesures qui ne marchent pas. Un récent rapport de la Cour des comptes avait eu des conclusions très intéressantes sur ce sujet. Ce rapport établissait que tous ces plans d'urgence ne changeaient rien à la situation de l'agriculture française. En résumé, c'est comme si on essayait de remplir d'eau une bassine percée sans se préoccuper qu'il va falloir un jour ou l'autre boucher le trou; or cela fuit toujours. Nous avons rencontré François Hollande la semaine dernière et c'est ce que nous lui avons demandé: boucher ce trou. Plus clairement, il faut changer le modèle agricole car les paysans n'en peuvent plus. Ils en ont assez qu'on leur mente. Une nouvelle fois, on leur fait croire qu'on va s'en sortir par l'agrandissement, en travaillant plus et c'est faux. Il faut tout reprendre et leur dire: Vous vous êtes faits piégés dans un système par les politiques publiques. On arrête tout et on réoriente l'agriculture vers la production localisée, de qualité. Est-il normal aujourd'hui que la grande majorité de la production porcine soit concentrée en Bretagne? Ne consommons-nous pas du porc partout en France? Il faut redistribuer cette production au plan local, c'est du simple bon sens.

RT France: Qu'attendez-vous du sommet exceptionnel des ministres de l’agriculture des Vingt-Huit, organisé à la demande de la France, lundi 7 septembre?

L.P.: Nous en attendons une vraie politique agricole européenne. Jusqu'à présent , la dernière réforme de la politique agricole commune (PAC) avait donné énormément de marge de manoeuvre aux Etats. On était revenu à un socle commun minimum et chaque Etat orientait ensuite sa politique agricole comme il voulait. Du coup, on s'aperçoit aujourd'hui qu'il y a une concurrence entre Etats. Il faudrait revenir à une vraie politique européenne qui commencerait par stocker les produits en trop, je pense au porc et au lait notamment. Cettte politique devrait aussi remettre de la régulation. S'il y a trop de tel produit sur le marché, on diminue la production. C'est une mesure indispensable et il va falloir y arriver.     

  

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