France

Le traitement de la crise des Gilets jaunes au cœur du Festival international du journalisme

La 4e édition du festival international de journalisme, organisé par le groupe Le Monde, se tenait du 12 au 14 juillet à Couthures-sur-Garonne. L'occasion pour journalistes et Gilets jaunes d'échanger leurs points de vue. RT France était sur place.

Discuter «de l'actualité sans tabou dans une ambiance conviviale et un cadre exceptionnel», telle était la promesse de la quatrième édition du festival international de journalisme, organisé par le groupe Le Monde, qui se tenait du 12 au 14 juillet à Couthures-sur-Garonne. Au programme : conférences thématiques, rencontres avec des représentants du gratin de la presse française tels Florence Aubenas, Pierre Haski, Claude Askolovitch, ou des anciens ministres comme Jean-François Copé, Najat Vallaud-Belkacem ou encore Cécile Duflot, mais aussi baignade et dégustation de produits locaux. 

«Trump vs New York Times» ; «Dans la vraie vie : être trans aujourd'hui» ; «Concours d'éloquence : l'écologie doit-elle réinventer la démocratie ?» ; des thèmes politiques, sociaux, sociétaux chers à la presse de ces dernières années étaient proposés au public. Mais au terme d'une saison 2018/2019 particulièrement éprouvante pour le milieu journalistique, c'est bien l'ombre des Gilets jaunes qui planait au dessus d'une partie conséquente des débats. En particulier : «Journalistes, pourquoi tant de haine(s) ?» ou «Les journalistes sont-ils au dessus des lois ?» 

Face-à-face : Gilets jaunes et journalistes

Quelques Gilets jaunes, principalement originaires de la région, avaient d'ailleurs fait le déplacement pour l'occasion, ayant alors l'opportunité de confronter leur point de vue à celui des journalistes : «Je leur fais confiance pour dire des mensonges pour certains, et pour [exprimer] une diversité pour d'autres», a par exemple témoigné Frédéric, rencontré sur le festival le 13 juillet. 

Plus tard, interpellée à plusieurs reprises par ces militants au cours d'une table ronde, la directrice de la rédaction de BFMTV Céline Pigalle s'est livrée à plusieurs mea culpa sur la façon dont sa chaîne a pu traiter la crise des Gilets jaunes : «La question du chiffrage [des manifestants] si il y a un échec pour nous dans la couverture de ce mouvement, c'est celui là», a-t-elle déclaré. Elle a pour autant fait valoir que le mouvement étant national et sans organisation, la seule source de chiffrage possible était le ministère de l'Intérieur. Plus tard, elle a ajouté être «obligée de reconnaître» que la chaîne avait tardé à mettre en perspective un «chiffre qui n'avait pas de pendant». 

Sur les violence policières, même constat, l'ampleur du phénomène aurait été mal comprise le premier mois du mouvement : «Ceux qui ont été victimes de ces violences ne nous ont pas trouvés pour les écouter dans un premier temps», a-t-elle reconnu, tout en démentant toute complaisance de sa chaîne envers la police.

Pour le journaliste du média Brut Remy Buisine, le face-à-face entre journalistes et Gilets jaunes à l'occasion du festival était bénéfique : «Il y en a certains qui sont en colère, qui ont une défiance légitime envers notre travail [...] je pense que quand on est journalistes on doit aussi rendre des comptes.» 

Inquiétudes autour de la loi Avia sur les «fake news» et la réforme de la loi de 1881

Le temps fort de la dernière journée du festival était une table ronde sur la loi Avia sur les «fake news» et sur la réforme de la loi de 1881. Des mesures que les journalistes et festivaliers interrogés par RT France perçoivent comme des menaces pour la liberté de la presse et la liberté d'expression.

Pour Freddy Mulongo, un journaliste congolais, «si on commence à travailler en ayant la peur au ventre [...] ce n'est plus de la liberté». Et d'ajouter : «Je pense que la France doit garantir la liberté aux journalistes, car c'est ça qui fait sa fierté, c'est ce qui fait aussi son patrimoine».

La proposition de loi LREM de lutte contre la haine sur internet, portée par la députée de Paris Laetitia Avia a été validé à l'Assemblée et passera à la rentrée au Sénat. Elle contraint les plateformes en ligne à retirer ou déréférencer dans un délai de 24h tout contenu «manifestement» illicite, après notification par un ou plusieurs utilisateurs, sous peine d'être condamnés à des amendes allant jusqu'à 1,25 million d'euros. Sont visées les incitations à la haine, à la violence, les injures à caractère raciste ou encore les injures religieuses. Cette proposition de loi suscite notamment l'appréhension de la Commission nationale consultative des droits de l'homme, qui dénonce notamment une «approche répressive».

Autre sujet d'inquiétude dans le milieu journalistique : le 15 juin, dans un entretien au Journal du dimanche (JDD), le Garde des Sceaux Nicole Belloubet a déclaré qu'elle pourrait sortir l'injure, mais aussi la diffamation à caractère raciste ou antisémite, du seul texte régissant la liberté de la presse – la loi du 29 juillet 1881 – au nom de la lutte contre la haine. Cette loi instaure un régime dérogatoire permettant aux journalistes de protéger leurs sources et de livrer des informations d'intérêt général en prenant le risque, parfois, de la diffamation publique.

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