La proposition de référendum d'initiative populaire (RIP) sur la privatisation d'Aéroports de Paris (ADP) a enregistré au 1er juillet 10% des signatures exigées d'ici mi-mars 2020. Les partis à son initiative ont salué un résultat «encourageant» et appelé «à poursuivre la mobilisation».
«Au 1er juillet, 480 300 soutiens ont été enregistrés sur le site du ministère de l'Intérieur dédié à cette procédure», a ainsi annoncé le 1er juillet le Conseil constitutionnel, chargé de contrôler les opérations.
Il s'agit du premier pointage des Sages depuis le 13 juin à minuit, date de lancement de la phase de recueil des soutiens. Pour être validée, la proposition de loi référendaire doit être approuvée par un dixième des électeurs inscrits, soit 4 717 396 personnes (17 000 signatures par jour) d'ici neuf mois.
Le nombre de signatures validées par le Conseil constitutionnel prend en compte à la fois les soutiens enregistrés sur le site mis à disposition par le ministère de l'Intérieur, et ceux déposés dans environ 2 000 communes ou dans les consulats, précisent les Sages.
Le ministère de l'Intérieur a répondu le 1er juillet à la polémique sur l'absence de comptage sur son site, jugé préjudiciable à la mobilisation citoyenne par des parlementaires, en expliquant qu'il revenait «au Conseil constitutionnel et à lui seul de communiquer sur le nombre de soutiens valablement déposés».
Un résultat salué par de nombreux politiques
Quelque 250 députés et sénateurs (de La France insoumise aux Républicains, avec le soutien du Rassemblement national) avaient enclenché début avril la procédure de RIP, introduite dans la Constitution en 2008 mais jamais utilisée jusqu'alors, pour s'opposer à la privatisation d'ADP, l'un des principaux opérateurs aéroportuaires mondiaux avec 3,6 milliards d'euros de chiffre d'affaires en 2017.
Cela fait 26 000 signatures en moyenne par jour
«Les chiffres du référendum sont très bons», s'est félicitée auprès de l'AFP la présidente du groupe Parti socialiste (PS) à l'Assemblée nationale Valérie Rabault, à l'origine du projet de RIP, qui dit espérer «un effet d'entraînement». Sur Twitter, elle explique qu'à ce rythme, les partisans du référendum pourraient obtenir sept millions de signatures.
«Il y a une vraie volonté du peuple dans sa diversité de ne pas se laisser confisquer cette question», a salué auprès de l'AFP Sébastien Jumel (Parti communiste français). «Ce chiffre doit nous encourager à continuer la mobilisation», a-t-il ajouté.
«Cela fait 26 000 signatures en moyenne par jour», a souligné à l'AFP le député insoumis Eric Coquerel, invitant à «remettre une pression très forte en septembre, après le creux de l'été, pour maintenir un rythme correct». «10% des Français en deux semaines, c'est plutôt pas mal», a également salué le député (LR) Philippe Gosselin, y voyant le «signe d'une mobilisation» contre la privatisation d'ADP.
Référendum qui plane, embarras de l'exécutif
L'activation de la procédure du RIP par des parlementaires est une épine dans le pied du gouvernement, qui avait réussi à faire voter par sa majorité la privatisation d'ADP dans le cadre de la loi PACTE adoptée le 11 avril.
En conséquence, la privatisation a été suspendue par l'exécutif le temps de la procédure référendaire, et beaucoup s'interrogent sur son éventuel abandon. «Je ne vais pas dire ce que je vais faire» sur ADP, a éludé le président Emmanuel Macron, se disant «très vigilant» pour que l'initiative «démocratique» du RIP aille à son terme.
Toutefois, estime Philippe Gosselin, «quand bien même le RIP n'obtiendrait que trois millions de signatures, je vois mal le gouvernement passer outre, faire comme si de rien n'était».
Dans leur communiqué, les Sages précisent avoir demandé à l'Intérieur des améliorations pour «faciliter les démarches des personnes souhaitant déposer leur soutien», après des réclamations visant des bugs constatés au démarrage. Sur le fond, ils rappellent que si le législateur n'a pas prévu de prise en charge financière par l’Etat, rien n'empêche les partis ou groupements politiques de réaliser des actions pour informer le public sur le projet référendaire. En outre, si la loi n'oblige pas les médias de service public à en parler, il revient «aux sociétés de l'audiovisuel public de définir elles-mêmes [...] les modalités d'information des citoyens [...] à toute initiative référendaire».
Plusieurs parlementaires ont regretté le silence de l’Etat sur le déroulement de la procédure. Valérie Rabault a annoncé avoir écrit à France télévisions et au CSA pour s'étonner de l'absence de traitement du RIP dans les journaux télévisés du service public.
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