France

Après le choc des élections européennes, Les Républicains peuvent-ils remonter la pente ?

La démission de Laurent Wauquiez laisse un champ de ruines chez Les Républicains : dans l'optique des municipales, la formation de la droite et du centre pourra-t-elle se reconstruire alors que plus rien ne semble lier les deux ailes du parti ?

Après la déroute historique de son parti aux élections européennes, Laurent Wauquiez a annoncé le 2 juin sur TF1 sa démission de la présidence des Républicains. L'épilogue d'une semaine de blues pour la formation de la droite et du centre, tant le score (8,48% des suffrages) obtenu le 26 mai sonne comme une humiliation : c'est la pire défaite électorale de l'histoire du parti mis sur pied en mai 2015 par Nicolas Sarkozy sur les cendres de l'UMP. Si l'élection ne concerne pas des élus nationaux, l'ampleur de la défaite oblige à l'introspection.

Pour autant, LR est-il mort, comme l'analyse nombre de commentateurs au lendemain du scrutin européen ? La droite classique est en tout cas en lambeaux – une lente agonie depuis le maintien de la candidature de François Fillon au 1er tour de la présidentielle de 2017 – et la ligne politique choisie par Laurent Wauquiez depuis son accession à la présidence apparaît aujourd'hui comme un échec.

Reconstruire un projet qui rassemble la droite et le centre

La panique semble s'être emparée de nombreux cadres franciliens des Républicains : la veille de l'annonce de Laurent Wauquiez, des poids-lourds des Hauts-de-Seine tels que le maire de Clichy, Rémi Muzeau ou encore Eric Berdoati, le maire de Saint-Cloud et président du groupe Les Républicains au conseil départemental, ont claqué la porte de LR. D'autres ont suivi, en Ile-de-France comme en province. Une fuite des cadres entamée au lendemain de la victoire d'Emmanuel Macron en 2017.

Deux droites irréconciliables ?

Le président de la région Hauts-de-France, Xavier Bertrand, avait ainsi quitté LR après l'élection de Laurent Wauquiez à la tête des Républicains, sans pour autant rejoindre La République en marche (LREM). Certains comme Franck Riester – aujourd'hui ministre de la Culture – avaient préféré fonder un nouveau parti afin de coopérer avec la majorité présidentielle. Edouard Philippe, Bruno Le Maire et Gérald Darmanin ont quant à eux rejoint Emmanuel Macron sans adhérer à LREM.

A peine les résultats des élections européennes connus, c'est au-delà du simple cadre partisan des Républicains que l'initiative de «reconstruire un projet qui rassemble la droite et le centre» a été lancée par le président LR du Sénat, Gérard Larcher. Souhaitant quitter le parti, il a affirmé qu'il ne laisserait pas en «errance» les deux familles politique qui tentaient de cohabiter au sein des Républicains. Son but ? Une «rénovation» qui doit se dérouler «au-delà des partis, dans la dimension territoriale». Déjà, les présidents des groupes parlementaires Christian Jacob, Bruno Retailleau, Hervé Marseille et Philippe Vigier, ainsi que les ­leaders des grandes associations d'élus François Baroin, ­Dominique Bussereau et Hervé Morin, s'entretiendront le 4 juin à l'hôtel Novotel Tour Eiffel à l'appel de Gérard Larcher. Plusieurs présidents de régions seront également présents, à l'instar de Valérie Pécresse, présidente régionale du Conseil d'Ile-de-France. Comme un acquiescement que LR est désormais une coquille vide, synonyme d'échec depuis 2015 ?

Laurent Wauquiez s'est en tout cas retrouvé isolé sur sa ligne politique. Avec une partie non négligeable du centre parti chez La République en marche (LREM) et certains ex-membres de la «droite populaire» – l'aile droite du parti – comme Thierry Mariani désormais au Rassemblement national, LR est désormais écartelé entre deux courants qui ne se parlent plus. La campagne de François-Xavier Bellamy n'y aura rien fait et LR a, semble-t-il, récolté les fruits amers de ce manque de clarté.

Les Républicains payent-ils leur ambivalence politique ?

Hasard du calendrier, Marion Maréchal accordait peu avant l'annonce de Laurent Wauquiez une interview à LCI – un exercice rare pour la nièce de Marine Le Pen, en retrait de la vie politique. Elle y appelait de ses vœux une coalition entre le RN et une partie de LR. Selon l'ex-députée de Vaucluse qui a fondé une école de sciences sociales, économiques et politiques à Lyon, Les Républicains «paient une ambivalence de longue date qui est la création de l'UMP, en réalité née d'une grande fusion du centre, l'UDF à l'époque, et du RPR, la droite populaire de l'époque».

«On s'est retrouvé structurellement avec un nouveau mouvement, avec des élus plutôt centristes, donc plutôt proches de La République en marche aujourd'hui [...] et un électorat plus proche du Front national et qui pendant très longtemps, et encore aujourd'hui pour une grande partie d'entre eux, plaidait pour une alliance avec le FN», a poursuivi la plus jeune parlementaire de l'histoire de la 5e République, jugeant que le parti de droite et du centre avait payé «très chèrement» cette ambivalence sur le plan électoral.

Une nouvelle UMP sociale, libérale, européenne

Un constat partagé par des LR historiques... qui en tirent toutefois d’autres leçons. Le président de l'Assemblée des départements de France, Dominique Bussereau, voit ainsi une occasion pour le parti de renouveler sa ligne politique et de changer de stratégie vis-vis de la majorité présidentielle : «Le départ de Laurent Wauquiez permet la création d'une nouvelle UMP [l'ancien acronyme du parti], sociale, libérale, européenne. Mais sans être dans une opposition systématique à Emmanuel Macron et Edouard Philippe.» «Si ce n'était pas le cas, Gérard Larcher sait que je n'en serai pas», a-t-il argumenté en référence à l'initiative du président du Sénat.

Pour la première fois, LR est menacé dans son existence. Les municipales de 2020 en sonnera-t-il le glas ? Si aucun candidat naturel à la succession de Laurent Wauquiez ne semble se dégager, plusieurs dirigeants du parti possèdent leur propre structure ou cadre de réflexion : Valérie Pécresse et son mouvement Libres !, Bruno Retailleau à la tête de Force Républicaine ou encore le premier vice-président du parti Guillaume Peltier, qui essaie de fédérer le courant «populaire» au sein de LR. Mais une nouvelle tête suffira-t-elle à relancer un mouvement au point mort ?

L'aile droite de la majorité présidentielle, elle, redouble pendant ce temps ses coups contre son ancien parti. Le ministre du Budget, Gérald Darmanin, a ironisé sur la réunion prévue entre les dirigeants de droite «dans des halls d'hôtel» pour savoir «qui va réorganiser le parti en attendant la prochaine défaite». Le 2 juin, le secrétaire d’Etat chargé des Collectivités territoriales et ex-LR, Sébastien Lecornu, a enjoint les maires à «quitter LR» en vue des municipales. «Une belle opération d'intimidation», a jugé en réponse le porte-parole des Républicains Gilles Platret. L'intimidation, c'est aussi ce dont est accusé l'eurodéputé LREM Gilles Boyer – ancien fidèle d'Alain Juppé – qui a estimé le 30 mai : «Un maire qui sera réélu sans l'apport de La République en marche et du Modem sera un ennemi du président.»

Reste une inconnue désormais : les municipales achèveront-elles de dépecer la bête ? Ce scrutin local devrait en effet pousser de nombreux candidats à nouer des alliances avec LREM voire d'autres formations politiques – Debout la France ? RN ? Certains, notamment les maires sortants, pourraient toutefois candidater sans étiquette.

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