France

Européennes : le pari risqué d'Emmanuel Macron

Mis en avant sur l'affiche de campagne, le président s'engage personnellement dans des élections intermédiaires. Mais cette forte implication d'Emmanuel Macron pour les européennes n'est-elle pas un risque pour la majorité ?

L'affichette de La République en marche (LREM) illustre la nouvelle dynamique que tente d'imposer la liste de Nathalie Loiseau pour les élections européennes. Sur la première page de leur tract, le président Emmanuel Macron est ainsi clairement mis en avant, avec une photo imposante, reléguant les membres de la liste au second plan.

Dans la pratique, Emmanuel Macron semble copier le «modèle» Nicolas Sarkozy du scrutin européen de 2009. Le président de l'époque s'était lui aussi engagé en personne dans la campagne, s'affichant sur la profession de foi du parti UMP. Il avait, en outre, tenu plusieurs meeting. Lors du scrutin, la liste UMP était alors arrivé en tête avec 27,88 % des suffrages exprimés.

Moi, je suis patriote français et européen, ils sont nationalistes [et veulent] la déconstruction de l'Europe

Emmanuel Macron copie-colle-t-il Nicolas Sarkozy ? Il s'est en tout cas exprimé au sommet européen de Sibiu (Roumanie), le 9 mai, afin d'évoquer sa vision des enjeux. Pour lui, l'élection doit se résumer à une lutte entre les progressistes et les nationalistes. «Est-ce qu'on veut encore construire ensemble l'Europe, même différemment et en améliorant les choses, ou est-ce qu'on veut la déconstruire ou la détruire et revenir au nationalisme ?», questionne-t-il, avant de définir l'adversaire à combattre : «Je mettrai toute mon énergie pour que le Rassemblement national ne soit pas en tête.»

«Moi je suis patriote français et européen, ils sont nationalistes [et veulent] la déconstruction de l'Europe», poursuit-il. Cette simplification du débat n'a rien d'étonnant. Depuis sa prise fonction, Emmanuel Macron n'a eu de cesse de développer son projet européen, fédéraliste, comme lors de son discours à la Sorbonne le 26 septembre 2017, en agitant le chiffon rouge des nationalismes : «Nationalisme, identitarisme, protectionnisme ont allumé les brasiers où l’Europe aurait pu périr, les revoici sous des habits neufs.»

Depuis, Emmanuel Macron est dans une sorte de pré-campagne pour les élections européennes du 26 mai. Avec la progression de certains mouvements européens eurocritiques, comme en Hongrie ou en Italie, le président a lui-même poursuivi la simplification intellectuelle dans un débat qui se réduirait à une lutte entre les nationalistes et les progressistes.

Qu'il fasse comme le général de Gaulle : s'il perd cette élection, alors il devra partir

Aussi engagé, Emmanuel Macron ne nourrit-il pas volontairement l'envie de provoquer un référendum sur sa personne et sa politique ? Son intervention depuis la Roumanie le 9 mai a en tout cas suscité la réaction immédiate du leader du Rassemblement national (RN), Marine Le Pen, sur LCI : «Cela devient donc un référendum pour ou contre Emmanuel Macron, cette élection européenne. J'accepte cela, mais dans ces conditions, il faut qu'il fasse comme le général de Gaulle : s'il perd cette élection, alors il devra partir.»

Une source à l'Elysée, contactée par l'AFP, a confirmé qu'Emmanuel Macron pourrait se mettre en scène lors de prochains meetings : «Les formes d'engagement sont ouvertes, il choisira la façon dont il reparle d'Europe.»

Emmanuel Macron va-t-il sauver la candidate Loiseau ?

En plateau sur BFM TV, le 9 mai, Nathalie Loiseau a affirmé qu'elle «serait ravie» qu'Emmanuel Macron fasse un meeting en sa compagnie. «Les militants seraient aussi très heureux et enthousiastes», a-t-elle ajouté. L'ancienne dirigeante de l'ENA a également relayé les arguments de certains opposants, en fermant l'élection à un référendum sur la politique actuelle du chef de l'Etat, attestant que «sa liste prolonge[ait] l'action d'Emmanuel Macron».

Pourtant, en coulisses, Nathalie Loiseau serait moins optimiste quant à une éventuelle participation publique du président de la République. D'après les informations de RTL diffusées le 9 mai, elle aurait dit en privé ne pas la souhaiter : «Ce que vous allez en retenir c'est qu’Emmanuel Macron est plus le chef d'un parti que le chef de l’Etat et ça c'est douteux.»

Mais le point de vue officieux de l'ancienne ministre chargée des Affaires européennes ne serait pas partagé au sein du gouvernement. La secrétaire d'Etat chargée de l'Egalité entre les femmes et les hommes, Marlène Schiappa, considèrerait par exemple que «les gens ont besoin d’entendre [la] voix [d'Emmanuel Macron]».

Bastien Gouly

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