«Heureux comme un antisémite en France» : tel est le titre de la courte tribune publiée le 6 mai dans le journal L'Obs et signée par plusieurs juristes et personnalités, dont les présidents de la LICRA, de SOS racisme et du MRAP. Tous font part de leur indignation devant la décision par la justice de faire appel, faute de base légale, du mandat d'arrêt prononcé contre l'essayiste controversé Alain Soral, condamné à un an de prison ferme pour négationnisme.
Le polémiste, condamné à plusieurs reprises, notamment pour incitation à la haine raciale ou pour diffamation, a en effet été de nouveau condamné mi-avril à une peine de prison assortie, fait inédit, d'un mandat d'arrêt censé l'envoyer directement derrière les barreaux.
«Chacun pouvait alors espérer qu’une étape était franchie et que la République avait enfin atteint son seuil de tolérance contre les obsédés de la haine des Juifs», peut-on lire dans la tribune.
Cependant, quelques jours après cette condamnation, le parquet a fait appel de ce placement en détention au motif que la loi de 1881 sur la presse, en vertu de laquelle l'écrivain controversé a été condamné, ne pouvait donner lieu à une incarcération séance tenante, réservée aux seuls délits de droit commun ou d'ordre militaire.
Alain Soral doit bien rire de l’impuissance de la justice à le faire condamner
Les signataires dénoncent un «Munich judiciaire»
Une décision vertement contestée par les signataires de la tribune, qui qualifient cette décision de «Munich judiciaire à la faveur duquel, croyant protéger le droit, on finit par protéger les racistes et les antisémites de toute sanction effective et par organiser leur impunité».
«Alain Soral doit bien rire de l’impuissance de la justice à le faire condamner. Lui qui vomit la République et ses principes», peut-on lire plus loin.
L'essayiste controversé, qui fut en 2007 conseiller de Jean-Marie Le Pen pour sa campagne présidentielle après un passage au Parti communiste dans les années 90, y est dépeint comme un homme cherchant à «déstabiliser la démocratie», notamment sur internet, par le biais d'un «prosélytisme numérique très lucratif».
«Alain Soral doit se sentir heureux comme un antisémite en France», concluent les signataires, reprenant l'adage «heureux comme Dieu en France» - formule célébrant au XIXe siècle le fait que la France ait été le premier pays d'Europe à accorder la pleine citoyenneté aux juifs.
Alain Soral, de son vrai nom Alain Bonnet, 60 ans, a été reconnu coupable de négationnisme pour avoir publié sur son site les conclusions litigieuses de son avocat dans une autre affaire. Ce dernier, Damien Viguier, a lui aussi été condamné à 5 000 euros d'amende pour complicité de ce délit, en raison du contenu de ces conclusions.
Dans cette précédente affaire, le polémiste controversé avait été condamné à 10 000 euros d'amende, avec possibilité d'emprisonnement en cas de non-paiement, pour la publication sur son site d'un dessin intitulé «Chutzpah Hebdo», représentant le visage de Charlie Chaplin devant l'étoile de David, avec dans une bulle, la question «Shoah où t'es ?», en référence à la une polémique du magazine Charlie Hebdo après les attentats de Bruxelles, «Papa où t'es?».
L'appel du parquet ne concerne que l'émission du mandat d'arrêt prononcé à l'encontre de l'écrivain, et ne remet pas en question sa condamnation à un an de prison. Alain Soral a annoncé vouloir faire appel.