France

Revirement : quand Nathalie Loiseau dénonçait le «réflexe populiste» des anti-ENA

Directrice de l'ENA de 2012 à 2017, Nathalie Loiseau s'opposait à la suppression d'une institution trop souvent «bouc-émissaire» selon elle. Quatre ans plus tard, elle se dit «soulagée» de sa suppression annoncée par Emmanuel Macron.

La prestigieuse Ecole nationale d'administration (ENA) a-t-elle à ce point changé en seulement quelques années pour que celle qui en était la directrice de 2012 à 2017 en vienne à soutenir sa suppression... après s'y être opposée ? Le revirement de Nathalie Loiseau sur ce sujet, désormais tête de liste La République en marche (LREM) pour les élections européennes, a en effet de quoi surprendre.

«Je suis soulagée qu'on donne un coup de pied dans la fourmilière», déclarait-elle en effet le 28 avril, alors que le président de la République avait annoncé, lors de sa conférence de presse trois jours auparavant, la suppression de l'institution. Déplorant sur Radio J «le manque de diversité» des énarques, elle était alors revenue sur les difficultés nombreuses auxquelles elle s'était heurtée en voulant réforme l'ENA, évoquant des défauts structurels et brossant un portrait peu reluisant de l'école.  

Le 29 avril, l'ex-ministre des Affaires européennes d'Emmanuel Macron revenait à la charge. Elle expliquait avec amertume s'être sentie exclue au sein de l'institution, alors qu'elle en était la directrice : «Je n'ai pas été accueillie avec des fleurs en n'étant pas ancienne élève de l'ENA, femme et moins de 50 ans, j'avais l'impression d'être une romanichelle quand je suis arrivée à la tête de l'ENA.» Cette dernière expression avait par ailleurs suscité une certaine indignation. 

Mais Nathalie Loiseau n'a pas toujours adopté ce point de vue. Dans un entretien accordé au Figaro en 2015, alors directrice de l'ENA, elle défendait son projet de réforme, n'hésitant pas à balayer de la main les critiques adressée à l'institution : «Lors de périodes difficiles, on cherche toujours des boucs émissaires, et l’ENA en est un», expliquait-elle. Elle allait même plus loin, accusant les responsables politiques de jouer trop facilement la carte de l'anti-élitisme : «Cette mauvaise image se transmet également par certains tics de langage chez les politiques ou les journalistes. C’est un réflexe populiste ou démagogique.»

Ceux qui critiquent l’Ena ne connaissent pas l’école

Ironiquement, c'est désormais Emmanuel Macron, lui-même énarque, qui s'en prend à l'ENA. Et certains propos de Nathalie Loiseau, remontant à la même époque, ne semblent plus raccord avec la nouvelle ambition présidentielle. En 2015 toujours, réagissant dans La Dépêche des Communes à une proposition de loi déposée par un député UDI afin de supprimer l'école, Nathalie Loiseau allait jusqu'à rejeter toute critique à l'égard de l'établissement qu'elle dirigeait : «Ceux qui critiquent l’ENA ne connaissent pas l’école», assurait-elle. «Contrairement aux idées reçues, seuls 1% des élèves font de la politique au niveau national et seuls 5% effectuent une carrière dans le secteur privé», se défendait-elle.

Nathalie Loiseau semble coutumière des revirements politiques. Une récente polémique, déclenchée par une révélation de Mediapart, avait mis au jour sa présence, lors de ses années d'études à Sciences Po, sur une liste d'un syndicat étudiant très ancré à droite, aux côtés notamment d'un futur conseiller de Marine Le Pen. «J'avais complètement oublié cet épisode», s'est depuis défendue l'ancienne ministre.

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