Paul François, un agriculteur de Bernac, en Charente, est sorti de l'audience à Lyon contre le géant de l'agrochimie Monsanto dans l'après-midi du 6 février, plus abattu que d'ordinaire, estimant ses chances de gagner à seulement 50%.
Depuis 2007, l'homme cherche à faire reconnaître son préjudice après l’inhalation de vapeurs de Lasso, herbicide très toxique fabriqué par la firme et qui l'a entraîné dans un véritable marathon judiciaire. La Cour rendra sa décision le 11 avril.
«C'est lamentable», a-t-il lâché, critiquant la défense de Monsanto qui s'est appliquée à nier les troubles dont il est victime. «On s'habitue aux coups mais quand même... Il me tarde maintenant de rentrer chez moi», s'est-il désolé. Les avocats de la firme de pesticides ont argué que deux experts judiciaires n'avaient pas confirmé les problèmes de santé de l'agriculteur. «Ça ne peut pas exister», a même prétendu Eve Dumini, une des avocates du groupe, ajoutant qu'aucun témoin ne pouvait raconter l'accident, et qu'il n'existait aucune preuve.
François Lafforgue, l’avocat de l'agriculteur, a répliqué que les deux experts judiciaires en question étaient des «consultants payés par Monsanto».
L'agriculteur Paul François se bat sans relâche depuis douze ans contre l'industriel aussi puissant que procédurier Monsanto, dont l’existence est jalonnée de scandales retentissants et aujourd’hui racheté par l'allemand Bayer.
En 2004, l'agriculteur a respiré accidentellement du Lasso en nettoyant une cuve. Immédiatement conduit à l'hôpital, Paul François a été frappé de graves troubles neurologiques, passant très près de la mort. De violents maux de têtes récurrents et des pertes de mémoire l'accablent depuis. L'agriculteur affligé a alors intenté un procès à Monsanto en 2007, arguant du fait que la dangerosité du produit n’était pas mentionnée sur le flacon.
En 2012, Monsanto est condamné à l’indemniser par le tribunal de Grande instance de Lyon, une première mondiale. Le géant des pesticides a fait appel, mais le jugement initial favorable à Paul François a été confirmé en 2015. Pourtant ce jugement a été cassé par la Cour de cassation en 2017. Elle a estimé que la Cour d'appel aurait dû statuer sur «la base du régime de responsabilité des produits défectueux».
L’avocat François Lafforgue avait quant à lui déclaré au préalable : «Monsanto multiplie les consultants, tout en essayant d’asphyxier judiciairement et financièrement les demandeurs en multipliant les procédures. Mais ça ne nous a pas empêché de gagner deux fois.»
De son côté, le groupe Bayer avait informé dans dans un communiqué être «attaché à une juste compréhension des situations»et a rappelé que «l'utilisation de produits phytosanitaires ne [présentait] pas de risque pour la santé humaine lorsque ceux-ci [étaient] utilisés dans les conditions d'emploi définies dans le cadre de leur autorisation de mise sur le marché».
Dans mon cas, on prouve bien que Monsanto a délibérément caché la dangerosité du produit
Un argument réfuté par Paul François, devenu président de l'association Phyto-victimes, lors d'une conférence de presse précédant l'audience : «La responsabilité, ils la renvoient à l’utilisateur, alors que dans mon cas, on prouve bien que Monsanto a délibérément caché la dangerosité du produit». Il rappelle qu’en 1985, le Canada a retiré le Lasso, produit spécifique à l'agriculture du mais et du soja du marché, que parce qu'il avait été estimé «trop dangereux».
«On se moque un peu de nous : ils ont continué délibérément à vendre un produit qui exposait des professionnels. […] En 2007, la Commission européenne a retiré ce produit car trop dangereux pour utilisateur. Si c’était vrai en 2007, c’était vrai avant et Monsanto ne pouvait pas l’ignorer», a-t-il avancé.
«Je suis déterminé, motivé mais fatigué de tout cela. J'ai vraiment aussi envie que si on gagne, cela montre aux entreprises, à ces multinationales, qu’un simple citoyen comme moi peut les faire condamner, qu’ils ne soient plus impunis. Et peut être que d’autres victimes […] vont accepter de parler de ce qui leur arrive», a conclu Paul François.
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