Le 18 janvier Emmanuel Macron était dans le Lot pour rencontrer les élus locaux à Souillac dans le cadre de sa tournée pour le Grand débat national. Alors que la première étape à Grand Bourgtheroulde, le 15 janvier, avait suscité des critiques pour ses échanges peu musclés, un maire s'est cette fois-ci illustré par le ton très direct avec lequel il s'est adressé au chef de l'Etat.
Ainsi Christian Venries, président de l'association des maires ruraux du Lot, au début de la discussion dans la petite ville de Souillac, a rapidement donné le ton : «Je vous mets en garde, Monsieur le président : il ne faudra pas que ce débat devienne le grand bluff !»
Après ces premiers mots, ce maire sans étiquette de Saint-Cirgues (environ 350 habitants) a dénoncé la déconnexion des projets de lois avec les réalités du terrain : «Avant de prendre des lois dans vos bureaux parisiens, commencez par venir discuter des projets avec ceux qui gèrent le quotidien sur le terrain. Cela vous évitera, vous les élites à nous imposer des lois.»
Applaudi par la salle, Christian Venries a évoqué des mesures prises de Paris aux «effets dévastateurs» sur les territoires ruraux. «Redonnez du pouvoir aux maires. Les mairies sont devenues des coquilles vides [...] alors qu'elles étaient le premier lieu de proximité et de lien avec l'Etat !», a-t-il conseillé au président.
Christian Venries a ensuite lancé une attaque personnelle contre Emmanuel Macron concernant ses différentes prises de parole depuis le début de son existence médiatique alors qu'il était ministre de l'économie sous François Hollande en 2014. «Arrêtez de stigmatiser, d’opposer, de mépriser parce que cela ne fait que générer de l'incompréhension et de la violence», a-t-il osé, écouté par près de 600 maires.
Monsieur le président il faut arrêter de jeter en pâture les plus faibles, les plus précaires, les plus démunis
Reprenant les expressions polémiques des prédécesseurs d'Emmanuel Macron comme le «casse toi pauvre con» de Nicolas Sarkozy, ou les «sans-dents» de François Hollande, il a fait la longue liste des phrases controversées de l'actuel locataire de l'Elysée : «les salariés de Gad, des illettrés qui n'ont même pas de permis, une gare c'est un lieu où on croise des gens qui réussissent et ceux ne sont rien... Non. Vous traitez des gens qui ne sont pas d'accord avec vous de fainéants cyniques et extrêmes... On doit être nombreux. Et cette semaine les gens qui sont en difficulté, on va les responsabiliser car il y a ceux qui vont bien et ceux qui déconnent.»
«Monsieur le président il faut arrêter de jeter en pâture les plus faibles, les plus précaires, les plus démunis», poursuit Christian Venries en décrivant sa situation, celle d'un maire, d'abord «citoyen» et «travailleur social».
Expliquant le fait qu'il côtoie de nombreuses personnes au RSA ou dans la pauvreté, il pose alors une question au président : «Est-ce que vous imaginez que vous pouvez répondre avec 40 euros [par semaine] aux besoins quotidiens de ces personnes-là ?»
La séquence devient légèrement gênante et surprenante. Au même moment, la caméra montre Emmanuel Macron en train de rigoler. Cela n'empêche pas le maire de poursuivre : «Monsieur le président vous ne mesurez pas les incidences de certaines de vos mesures qui ne font que rajouter de la précarité à la précarité.»
Emmanuel Macron a tenu à rassurer le maire. «Je n'ai jamais stigmatisé qui que ce soit. Mais la société dans laquelle nous vivons peut parfois conduire à sortir des phrases de leur contexte», lui a répondu le président de la République.
Le chef de l'Etat a par ailleurs confirmé qu'il était «profondément attaché à l'ensemble de nos concitoyens».