Emmanuel Macron la bouche ensanglantée, Christophe Castaner et Marlène Schiappa éborgnés, ou encore Edouard Philippe le visage rouge de sang : des affiches choc sont apparues, collées par-dessus des panneaux publicitaires, notamment à Bordeaux. L'objectif ? Sensibiliser l'opinion publique aux blessures, parfois lourdes, subies par des Gilets jaunes lors des manifestations qui se succèdent depuis plusieurs semaines aux quatre coins de la France.
Si l'on ignore qui a lancé cette campagne d'affichage choc, des images de celle-ci ont été photographiées par un internaute qui couvrait l'acte 9 des Gilets jaunes à Bordeaux, le 12 janvier. Les visuels sont rapidement devenus viraux sur Twitter, où ils ont été abondamment partagés, et notamment repris par le journaliste de Libération Vincent Glad.
Sous les visages faussement mutilés des membres du gouvernement, des légendes dressent le parallèle avec des cas réels de manifestants blessés, notamment par des tirs de lanceurs de balle de défense (LBD40) de la police lors des différents actes du mouvement. «Fiorina, mutilée le 08/12/2018 par un tir de flashball», peut-on notamment lire en référence à une jeune étudiante picarde de 20 ans qui avait perdu l'usage de son œil gauche lors d'un rassemblement de Gilets jaunes à Paris.
ATTENTION, LES IMAGES QUI SUIVENT PEUVENT HEURTER LA SENSIBILITE
D'autres montages ramènent au cas de David, Gilet jaune des Yvelines, touché par un tir de LBD40 lors d'une manifestation parisienne en décembre.
Membres arrachés, os fracturés, plaies à la tête : au moins 82 blessés graves
Depuis le début du mouvement de contestation le 17 novembre, 11 personnes ont perdu la vie en lien avec des actions des Gilets jaunes, selon les chiffres communiqués par le ministère de l'Intérieur. La grande majorité de ces victimes ont été renversées près des ronds-points, épicentres de la contestation des manifestants, dont l'objet s'est étendu des prix du carburant à d'autres revendications, comme par exemple l'organisation d'un référendum d'initiative citoyenne (RIC). L'une des personnes décédées, Zineb Romdhane, octogénaire algérienne de Marseille, a été heurtée par une grenade lacrymogène tandis qu'elle fermait ses volets lors d'une manifestation.
Toujours selon la place Beauvau, le bilan (avant l'acte 9 du mouvement) serait en outre de 1 700 blessés parmi les manifestants contre environ un millier chez les forces de l'ordre.
Alors que les images des blessures occasionnées lors des manifestations qui inondent les réseaux sociaux peuvent dans certains cas être difficilement authentifiables, le journaliste de Libération Jacques Pezet a pour sa part décompté le nombre de blessés graves parmi les manifestants qu'il a pu identifier avec certitude : 82. Parmi les blessures graves, le journaliste a retenu les «membres arrachés, les organes ayant perdu leur fonction principale, les os fracturés, les pieds et jambes incrustés de bouts de grenades, les brûlures graves, mais aussi toutes plaies ouvertes au niveau de la tête».
Des chiffres qui ne prennent pas en compte les autres blessés graves dénombrés lors de l'acte 9 des Gilets jaunes le 12 janvier. Ceux-ci seraient au moins cinq, selon le journaliste David Dufresne, qui répertorie les cas de violences policières présumées sur Twitter depuis le début du mouvement.
Et pour cause, le 12 janvier n'a pas fait exception à la règle et a été marqué par des épisodes de violences et d'affrontements entre forces de l'ordre et manifestants. A Bordeaux, un Gilet jaune a été blessé à la tête par un tir de lanceur de balle de défense ou de grenade lacrymogène. A Paris, trois manifestants ont été touchés à la tête par des tirs de LBD40. Autre exemple, à Strasbourg, un adolescent d'une quinzaine d'années a été touché à la mâchoire.
Allô, Beauvau ?
Comme l'expliquait Eric Morvan, le patron de la Direction générale de la police nationale, sur France Inter le 11 janvier, l'inspection générale de la police nationale (IGPN) a été saisie dans 78 dossiers liés à des violences policières lors de rassemblements des Gilets jaunes. Environ 200 signalements ont été transmis, mais aucun membre des forces de l'ordre n'a pour l'heure été suspendu.
Quant aux autorités, à commencer par le ministère de l'Intérieur, elles ont plutôt été enclines à dénoncer les violences commises contre les forces de l'ordre, qu'à apporter un mot de soutien aux manifestants blessés, voire mutilés. Christophe Castaner avait par exemple dénoncé l'attaque «aussi lâche qu'intolérable» de gendarmes par l'ancien boxeur Christophe Dettinger à Paris.
Ce 12 janvier encore, le premier flic de France saluait sur Twitter «l'action ferme et déterminée des forces de l'ordre qui a permis de contenir les débordements et les violences».
Louis Maréchal