France

Le Parlement adopte définitivement la loi controversée contre la «manipulation de l'information»

Par un ultime vote de l'Assemblée nationale le 20 novembre, le Parlement a adopté la loi contre la «manipulation de l'information», après des mois de débats. Malgré deux rejets par le Sénat, la proposition de loi passe finalement en force.

Ce 20 novembre, le Parlement a définitivement adopté, par un ultime vote de l'Assemblée, les deux propositions de loi controversées contre la «manipulation de l'information» en période électorale.

Le premier texte a été voté par 183 voix contre 111, avec l'appui de la majorité LREM-MoDem. Le second a été approuvé par 347 voix contre 204. Droite et gauche ont voté contre ou se sont abstenues, dénonçant des lois «inutiles» et pointant «un risque» notamment pour la liberté d'expression. Ces textes avaient déjà, auparavant, été jugés «inefficaces» ou encore «liberticides» par leurs opposants.

Signe de leur nature polémique, le Sénat avait rejeté les deux propositions de lois – l'une organique, l'autre ordinaire – à deux reprises, mais c'est l'Assemblée nationale qui a eu le dernier mot. Lors de la séance du 20 novembre, les partisans du texte, notamment le ministre de la Culture Franck Riester ou la député Naïma Moutchou ont rappelé leurs arguments, en l'espèce qu'une nouvelle loi était, selon eux, nécessaire pour protéger la démocratie face à ses ennemis.

Motion de rejet de la France insoumise

Le parti de Jean-Luc Mélenchon, la France insoumise, a pour sa part soumis une motion de rejet préalable au texte, qui a été refusée. Lors de sa prise de parole, le député Michel Larive (LFI) a rappelé qu'une loi existante prévoyait déjà de sanctionner la diffusion de fausses informations et a souligné que son parti avait proposé la création d'un conseil de déontologie des médias, un dispositif permettant selon lui de régler le problème sans menacer la liberté d'expression.

Puisque vous ne voulez pas de Russia Today en France, il n'y aura plus de France 24 en Russie

Il s'est en outre étonné que le texte proposé par le gouvernement cible uniquement «les entreprises étrangères, particulièrement russes». «Pourquoi ne pas étendre [les mesures envisagées] aux médias nationaux ?», s'est-il interrogé, évoquant les partis pris et les erreurs de certaines chaînes d'information nationales. «Nous vivons en état d'insécurité informationnelle», a-t-il encore déploré.

Jean-Luc Mélenchon, dans une prise de parole ultérieure, a évoqué l'impossibilité, selon lui, de définir ce qu'était une fausse nouvelle. Il a ensuite loué le pluralisme de l'information, se disant satisfait de pouvoir trouver dans la presse des points de vue de droite et de gauche. Il a souligné que les médias russes, RT et Sputnik, étaient selon lui visés par cette loi. «Méfiez-vous du jour où quelqu'un dira [...] "Puisque vous ne voulez pas de Russia Today en France, il n'y aura plus de France 24 en Russie"», a-t-il remarqué.

Le groupe des Républicains a expliqué qu'il votait en faveur de la motion de rejet, de même que les socialistes. Le groupe Modem, de même que l'UDI, a refusé de voter la motion.

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«Protéger la démocratie», selon Macron

Lors de la séance, le ministre de la Culture, Franck Riester, s'est défendu, affirmant vouloir améliorer la «transparence» des contenus. «Le CSA est une autorité administrative indépendante», a-t-il lancé à Jean-Luc Mélenchon, qui avait émis des doutes quant à la capacité de cet organe à trancher efficacement.

En janvier, lors de ses vœux à la presse, Emmanuel Macron disait vouloir «faire évoluer [le] dispositif juridique pour protéger la vie démocratique de ces fausses nouvelles».

Si le texte porté par la majorité présidentielle faisait initialement référence à la lutte contre les «fausses nouvelles» ou «fake news», il a changé d’intitulé au printemps, pour cibler plus précisément la «manipulation de l'information».

Les deux lois visent à permettre à un candidat ou parti de saisir le juge des référés pour faire cesser la diffusion de «fausses informations» durant les trois mois précédant un scrutin national. Elles imposent aux plateformes numériques (Facebook, Twitter, etc.) des obligations de transparence lorsqu'elles diffusent des contenus contre rémunération.

Elles prévoient également des dispositions relatives à l'éducation aux médias et à l'information. Le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) pourra suspendre la diffusion de services de télévision contrôlés «par un Etat étranger ou sous l'influence» de cet Etat s'ils diffusent «de façon délibérée de fausses informations de nature à altérer la sincérité du scrutin». 

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