France

Gares délaissées, guichets clos... Les craintes liées à la réforme du rail se confirmeraient-elles?

Répondant aux exigences européennes en termes de libéralisation du rail, la réforme de la SNCF a été entérinée au début de l'été 2018, malgré les craintes exprimées par l'opposition, notamment au sujet des lignes «non rentables». Qu'en est-il ?

Près de cinq mois après l'adoption à l'Assemblée nationale de la réforme de la SNCF, que sont devenues les inquiétudes des usagers des petites lignes quant à l'avenir d'une partie du réseau ferroviaire français, dont l'existence était directement menacée par le rapport Spinetta (celui-ci ayant en partie inspiré la réforme du rail) ? 

Malgré l'engagement d'Edouard Philippe, qui avait promis, le 26 février 2018, que la réforme de la SNCF n'engendrerait pas la fermeture des lignes «non rentables», d'aucuns pointent aujourd'hui un lien entre l'abandon progressif du service public et ladite réforme, comme en attestent de récentes mobilisations locales, provoquées par la fermeture de guichets et le manque d'entretien du réseau ferré.

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Aujourd'hui, nous y sommes : c'est l'application concrète de la réforme et du pacte ferroviaire !

Le 31 octobre, réagissant à la suppression de postes et de guichets dans la région Auvergne-Rhône-Alpes, la section PCF de Saint-Flour appelait ainsi à un rassemblement devant la gare de la commune. «Aujourd'hui, nous y sommes : c'est l'application concrète de la réforme et du pacte ferroviaire !» soulignait le communiqué.

Pendant ce temps, dans le Var, plus précisément à Draguignan, l'Association des usagers de la gare des Arcs-Draguignan (Augad) et la CGT se mobilisaient pour préserver l'accueil humain qui, comme l'explique le site d'information Var-Matin, est voué à disparaître au profit des seules bornes automatiques d'ici le mois d'avril 2019. «Dès le 9 décembre, les guichets ne seront plus ouverts qu'entre 8 et 13 heures», précise Var-matin, rapportant les propos du syndicaliste Eric Franciosi.

La SNCF [veut] faire mourir notre gare.

Quelques jours plus tôt, le 27 octobre, c'est dans l'Allier que l'annonce d'une fermeture temporaire des guichets en gare de Commentry provoquait l'indignation du Parti socialiste local : «Portes fermées, circulez il n'y a rien à voir ! [La SNCF] ne veut pas affecter de personnel en réalité et [veut] faire mourir notre gare.»

Le même jour, dans la Haute-Vienne, la commune de Saint-Sulpice-Laurière était le théâtre d'une mobilisation locale, comme en témoigne une vidéo diffusée sur le réseau social Twitter, montrant l'organisation d'un blocage de train, notamment «en réponse à la fermeture partielle du guichet de la gare».

Une réforme qui remet en cause le droit au transport pour tous.

Avant la rentrée de septembre, des mobilisations en gare avaient déjà commencé, comme le 31 août à Hayange, en Moselle, où la fermeture d'un guichet avait rassemblé représentants politiques et syndicats locaux. Le syndicaliste Thomas Portes avait alors qualifié la fermeture dudit guichet de «conséquence directe d’une réforme qui [remet] en cause le droit au transport pour tous».

Une semaine plus tôt, le syndicaliste avait commenté la fermeture d'un guichet en gare de Briouze dans l'Orne, dénonçant «un assèchement des territoires hors grandes métropoles».

Réseau ferroviaire français : un entretien des années 30 ?

Dans un article daté du 1er novembre, le magazine Marianne aborde par ailleurs la question du financement, par des «régions asphyxiées», de l'entretien des petites lignes. Au-delà de l'ouverture de la SNCF à la concurrence, le coût d'entretien du réseau ferroviaire français est cette fois évoqué : «Le sentiment de solitude des régions qui doivent payer ce coût est immense», commente la journaliste, rapportant par ailleurs les propos du syndicaliste Sud Rail, Bruno Poncet : «D'ici à 2021, 40% des petites lignes risquent de fermer si la puissance publique ne met pas la main à la poche pour financer ces infrastructures [...] l'Etat s'est complètement lavé les mains du dossier [...] certaines voies n'ont pas été entretenues depuis les années 70, parfois même depuis les années 30 !»

L’économie liée à la fermeture des petites lignes pour le système s’élèverait a minima à 1,2 milliard d’euros annuels.

Concrétisations directes de la réforme de la SNCF ou concours de circonstances ? Les fermetures de guichets inquiètent quoi qu'il en soit les usagers concernés. Doit-on l'interpréter comme une étape de l'abandon progressif des petites lignes ? L'«économie» liée à leur fermeture n'avait en tout cas pas échappé au rapport Spinetta : «L’économie liée à la fermeture des petites lignes pour le système s’élèverait [...] a minima à 1,2 milliard d’euros annuels», précisait ainsi le texte.

Si la réforme du rail français s'inspire en partie du rapport Spinetta, celui-ci répondait précisément aux attentes formulées dans le dernier d'une série de quatre «paquets ferroviaires» prévue par la Commission européenne. L'objectif visé par ce quatrième «paquet» est la libéralisation totale du transport des voyageurs par le rail en Europe, une expérience tentée à partir de 1993 au Royaume-Uni avec des résultats mitigés.

Fabien Rives

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