France

Selon Florence Parly, la France est un «modeste» fournisseur d'armes à l'Arabie saoudite

Alors que la polémique fait rage sur la politique à tenir vis-à-vis de l’Arabie saoudite en pleine affaire Jamal Khashooggi, la ministre française des Armées, Florence Parly, a minimisé le volume des ventes d’armes françaises au Royaume.

La ministre des Armées, Florence Parly, interrogée le 30 octobre sur BFMTV, s’est employée à exonérer la France de toute responsabilité dans la guerre au Yémen à laquelle participe la coalition menée par l'Arabie saoudite depuis 2015. Des propos contre lesquels s’inscrit en faux Hélène Legeay, consultante en droits humains, interviewée par RT France. «La France est l'un des premiers vendeurs d’armes de l’Arabie saoudite», rappelle-t-elle.

Mais pour Florence Parly, les ventes doivent être considérées à l'aune du relativisme : «La France est un des fournisseurs parmi bien d'autres [...] La France est un fournisseur modeste de l'Arabie saoudite.» 

Nous vendons des armes à des partenaires qui sont engagés comme nous dans la lutte contre le terrorisme

A entendre la ministre, les ventes auraient pour objectif de garantir la sécurité de la France. «Si on vend des armes, c'est qu'il y a des raisons sérieuses, comme une raison de sécurité géopolitique [...] Nous vendons des armes à des partenaires qui sont engagés comme nous dans la lutte contre le terrorisme», a précisé le chef des Armées, insistant sur le caractère légal des ventes, l'autorisation n'étant selon elle «délivrée [qu'] après un examen extrêmement rigoureux et minutieux».

Selon la chef des Armées, la France n'est pas non plus impliquée dans les morts civiles provoquées par le conflit yéménite, qui constitue la pire crise humanitaire actuellement dans le monde, selon l'ONU. «Nous avons vendu il y a longtemps des armes à l'Arabie saoudite et aux Emirats arabes unis», assure-t-elle. «Les armes que nous avons vendues récemment à l'Arabie saoudite ne sont pas utilisées contre les populations civiles, à ma connaissance», a-t-elle estimé.

1,38 milliard d'euros en 2017 : une livraison «modeste» ?

Ces propos sont battus en brèche par la consultante Hélène Legeay : «Madame Parly se retranche toujours derrière le même argument, consistant à dire que la France a fourni des armes il y a 20 ans. Or nous reprochons ce qui a été fourni depuis le début du conflit» avec le Yémen. «En 2017, il y a un record toutes années confondues de livraisons d'armes, comme l'atteste le rapport annuel du ministère des Armées», révèle-t-elle. Sur les 5,2 milliards d'euros d'armes livrées par la France en 2017, 1,38 milliard d'euros ont pris la direction de l'Arabie saoudite.

La ministre dit que le matériel livré ne se retrouve pas sur le terrain. Mais quelle preuve détient-elle ?

Et selon la consultante, la France pourrait bien être impliquée dans des crimes de guerre au Yémen. «La ministre dit que le matériel livré ne se retrouve pas sur le terrain. Mais quelle preuve détient-elle ?», se demande Hélène Legeay. Et la consultante d'énumérer des contre-exemples, comme la livraison récente par la France de pods pour mieux cibler les points de frappe. «L'Arabie saoudite pratique le ciblage quasi systématique de civils depuis le début de la guerre. Comme si elle allait faire attention aux droits humains et ne les utiliser que pour frapper les [rebelles] Houthis !», s'exclame-t-elle. Elle évoque également les contrats de maintien en condition opérationnelle visant des frégates et hélicoptères français vendus à Riyad. «Des dizaines d'attaques sont menées par la flotte et les hélicoptères de la coalition contre les bateaux de pêcheurs yéménites qui veulent nourrir la population», explique Hélène Legeay.

La consultante rejette aussi l'argument des armes défensives, expliquant que l'utilisation des canons César vendus par la France pouvait être détournée pour cibler les populations civiles.

Pour elle, les traces laissées par le type d'armes livrées par Paris sur le champ de bataille au Yémen sont plus difficiles à identifier, ce qui expliquerait qu'aucune preuve n'ait encore été apportée. Mais Hélène Legeay estime que la France viole le traité sur le commerce des armes des Nations unies, ainsi que la position commune européenne. «Le traité prévoit que l'autorisation d'exportation ne soit pas donnée s’il existe un risque que ce matériel puisse être utilisé pour commettre une violation grave du droit international humanitaire, comme le crime de guerre [...] Pour nous, on ne peut donc rien vendre à l'Arabie saoudite», conclut-elle.

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