Les musulmans de France ne se considèrent pas bien représentés par les instances actuelles et notamment par le Conseil français du culte musulman (CFCM), selon les résultats de la consultation lancée en mai par Marwan Muhammad, ex-directeur du Collectif contre l'islamophobie (CCIF), et publiés ce 30 septembre. Lors du lancement de sa consultation, celui-ci avait fustigé «l'interminable déshérence du CFCM», jugeant que «les musulmans n'[avaient] toujours pas d'instance représentative d'ampleur nationale».
La consultation nationale des musulmans de France qu'il a initiée a été réalisée sur internet et sur le terrain, à travers 57 villes du pays. Les résultats obtenus ont été analysés par un comité de huit scientifiques. «Nous n’en sommes qu’au début de l’analyse, le plus gros reste à venir, il faut étudier au cas par cas les réponses données et développées dans les questionnaires», a expliqué à La CroixMarwan Muhammad ce 30 septembre.
«Rompre avec la conflictualité des débats sur l’islam»
S'appuyant sur les résultats de sa consultation, Marwan Muhammad a rapporté que les musulmans espéraient que l'Etat «saura[it] rompre avec la tentation récurrente d’imposer aux communautés musulmanes ses choix, sa vision, ses interlocuteurs, sans prendre en compte les réalités de terrain et les besoins exprimés par les premiers concernés». Selon l'instigateur de la consultation, «les autorités ont ici l’occasion historique de rompre avec la conflictualité des débats sur l’islam, en faisant confiance aux musulmans pour s’organiser eux-mêmes et en se tenant à disposition pour prendre en charge ses responsabilités, sur les questions techniques et administratives qui le concernent».
Première préoccupation : améliorer l'image de l'islam dans les médias
Menée du 10 mai au 20 juin dernier, son enquête a mobilisé 27 000 participants : 24 000 personnes ont répondu à un questionnaire en ligne et les autres ont été rencontrées dans les associations et mosquées de 57 villes. Une méthodologie qui présente des faiblesses, reconnaît Marwan Muhammad auprès de l'AFP, «car on ne sait pas qui a répondu au questionnaire en ligne», mais aussi des atouts vu le «nombre de participants» et la «libération de la parole».
Les résultats sont sans appel : les personnes interrogées y affirment à plus de 80% ne pas se sentir représentées par les instances actuelles, que ce soit le CFCM ou la Fondation de l'islam de France présidée par Jean-Pierre Chevènement.
Selon les préconisations révélées par la consultation, si une nouvelle instance devait voir le jour, elle devrait d'abord avoir pour objectif de «représenter les musulmans dans les médias», puis de «lutter contre l'islamophobie», d'«enseigner l'islam» et quatrièmement de «certifier et contrôler l'abattage rituel». Pour donner suite à ces résultats, Marwan Muhammad a énuméré sept actions à venir. Il propose entre autres de créer une «plateforme indépendante des associations et mosquées» et d'installer des groupes de travail sur tous les «projets qui comptent» comme le halal et le statut des imams, comprenant cadres religieux, société civile et professionnels.
Dans un récent rapport sorti mi-juillet, l'Institut Montaigne, un think tank libéral, avait pour sa part fait plusieurs propositions sur l'organisation du culte et insisté sur la lutte contre le discours salafiste sur les réseaux sociaux. Commentant ce rapport, Marwan Muhammad a estimé que celui-ci analysait l'islam uniquement «sous le prisme du terrorisme et du paradigme sécuritaire». «Notre consultation, elle, propose une lecture de l’islam du réel», a-t-il précisé.
L'enquête de ce statisticien de 40 ans est rendue publique alors que le gouvernement a tenu jusqu'à mi-septembre des «assises territoriales» dans chaque département pour réformer l'organisation du culte musulman, avant des annonces d'Emmanuel Macron attendues d'ici le début 2019. D'autre part, le CFCM, instance élue mais souvent critiquée sur son efficacité, promet une réforme interne d'ici la mi-2019 pour mieux représenter la société civile (femmes et jeunes notamment) et prévoit un «congrès des musulmans de France» à la mi-novembre.
Lire aussi : La formation des imams confiée à un anti-laïque dénonçant une «islamophobie d'Etat»