France

Affaire Benalla : le gouvernement fait face à deux motions de censure

Point d'orgue de l'offensive de l'opposition sur l'affaire Benalla, le gouvernement fait face ce 31 juillet à deux motions de censure, de droite et de gauche, dont le rejet attendu ne garantit pas la fin des répercussions politiques du scandale.

Mardi 31 juillet

L'Assemblée nationale a rejeté la deuxième motion de censure, déposée par les trois groupes de gauche à l'Assemblée nationale.

Majorité requise pour l'adoption : 289

Pour : 74 voix

La motion de censure n'est donc pas adoptée.

Seuls 74 députés, socialistes, communistes, Insoumis, plus 10 non inscrits, dont les élus RN ou encore Delphine Batho, mais aussi deux LR, Eric Diard et Arnaud Viala, y ont apporté leurs suffrages. Le groupe LR avait décidé de ne pas la voter.

Bruno Questel de La République en Marche explique que les motions de censure «sont bonnet blanc et blanc bonnet». «Vous n'auriez pu en faire d'ailleurs qu'une», précise-t-il.

Ciblant les oppositions, le député marcheur déclare sur l'affaire Benalla : «Contrairement à vos déclarations mensongères et tapageuses, il n'y a eu aucune volonté de masquer, aucune volonté de mentir, aucune volonté d'excuser.»

François de Rugy annonce mettre aux voix la motion de censure. La séance est de nouveau suspendue.

Mathilde Panot, La France insoumise, matraque : «Vous êtes le gouvernement des violents et des passe-droits.»

L'élue du Val-de-Marne charge la majorité : «Nous ne sommes plus dans un régime démocratique mais dans une assemblée monolithique composée de petits soldats du macronisme, prêts à tout pour éviter le débat et la discussion.»

Le socialiste Olivier Faure rappelle que cette motion de censure ne vise pas à faire tomber le gouvernement.

Il dénonce l'attitude du gouvernement durant l'affaire Benalla. Il pique Emmanuel Macron : «Le président joue les matamores en suggérant de venir le chercher alors qu'il se sait inconstitutionnellement intouchable. Où est passée la République exemplaire ?»

En destinant ses mots aux différentes oppositions, Isabelle Florennes (Modem) s'étonne «d'une union de la carpe et du lapin que vous avez scellée».

Débute une nouvelle séance avec les explications de vote pour la deuxième motion de censure (proposée par les trois groupes parlementaires de gauche). Le député communiste Sébastien Jumel intervient. Il s'alarme que cette «affaire révèle une présidence Macron qui s’occupe de tout et du reste, pratique la confusion des pouvoirs, organise un Etat de déférence et de révérence, qui, au-dessus du gouvernement passé à l’ombre, orchestre un gouvernement-bis au mépris de l’esprit de nos institutions».

Il ajoute : «En votant cette censure nous sommes sensibles à la colère» du peuple.

Concernant la motion de censure proposée par Christian Jacob (LR), les députés ont massivement voté contre.

Majorité requise pour l'adoption : 289

Pour : 143 voix (les voix pour : les députés LR, les 17 Insoumis et 14 communistes, mais aussi 11 non inscrits, dont Marine Le Pen).

La motion de censure n'est donc pas adoptée.

La séance est suspendue, le temps du vote de la motion de censure proposée par Christian Jacob. Le vote s'effectue dans les salons voisins de l'hémicycle.

Bastien Lachaud pour La France insoumise regrette que la «monarchie présidentielle rende irresponsable le président».

«Ce scandale a fait éclater une crise institutionnelle majeure», complète-t-il en proclamant notamment : «Nous voulons la République, ils veulent l’oligarchie. Nous voulons l’harmonie, ils veulent la compétition sauvage. Nous voulons l’Etat de droit, ils veulent l’Etat des passe-droit.» «Nous voulons que la lumière soit faite», précise Bastien Lachaud.

Il déclare que La France insoumise votera la motion de censure de Christian Jacob (LR).

Le socialiste David Habib monte à la tribune pour la Nouvelle gauche.

Il pointe les «failles morales de la majorité».

«L'affaire Benalla ne s'arrêtera pas avec ces motions de censure», prévient-il, en assurant qu'il ne «demande pas de têtes». Toutefois, il argumente que la Nouvelle gauche ne souhaite pas voter la motion de censure LR car «le but d'une motion de censure c'est de faire tomber un gouvernement pour le remplacer par une nouvelle majorité». «Or, dans le cas présent, ce n'est ni notre objectif, ni celui des Républicains», argumente-t-il.

«Un gouvernement qui penche de plus en plus à droite [...] qui privilégie les options libérales», dénonce-t-il par ailleurs.

Patrick Mignola pour le Modem regrette que les oppositions voient des «complots partout, des défaillances et des couvertures.» «Monsieur Larrivé quitte la commission d'enquête et vous vous muez en Zorro redresseur de torts», ajoute-t-il en jouant sur un jeu de mots : «Zorro est Larrivé.» «Cela peut faire une chanson mais cela ne fera pas une motion de censure», soutient-il. «Derrière Benalla vous cherchez une vengeance», accentue-t-il.

Le député communiste Stéphane Peu assure que le groupe GDR votera les deux motions de censure par «cohérence» : «Il en va de l'honneur de la politique de voter des motions comme des lois, non pas en jugeant ceux qui les portent, mais en jugeant ce qu'elles signifient.»

Il se scandalise que le gouvernement, la majorité LREM et les propos d'Alexandre Benalla mettent en cause unanimement l'institution policière. «La start-up nation ne peut pas être disruptive au point de saper les institutions républicaines», poursuit-il.

Les explications de vote débutent. Elles commencent par celles concernant la motion de censure déposée par le député LR Christian Jacob.

Pour Les Républicains, Guillaume Larrivé, co-rapporteur de la commission d'enquête à l'Assemblée nationale, défend cette motion de censure. Il accuse Emmanuel Macron : «Le président n'agit pas en chef d'Etat mais en chef de clan.»

«Ce que révèle l'affaire Benalla c'est la pratique dévoyée d'un pouvoir qui se croit au dessus de tout, des règles, du droit...», ajoute l'élu de l'Yonne.

Le président du groupe de La République en marche, Richard Ferrand, prend la parole.

Il évoque des «manœuvres politiciennes» pour décrire les deux motions de censure contre le gouvernement. «Rances» et «marécageuses», insiste-t-il.

Il cible d'ailleurs la droite et Les Républicains : «A droite, on tente de faire de la faute d’un homme, un scandale, voire une affaire d’État [...] Vous tentez désormais de mettre à jour un complot qui n'existe pas, vous parlez d'une police parallèle, telle un Service d’Action Civique, dont la droite connaissait jadis, en effet, toutes les méthodes.»

Il dénonce l'alliance entre les différentes oppositions sur l'affaire Benalla : «Il ne s'agit pas d'une affaire d'Etat mais d'une manipulation grossière qui se révèle au grand jour.»

Richard Ferrand s'en prend à La France insoumise : «Vous mettez vos espoirs dans l’agitation politique et médiatique, dans la fédération des appareils et non du peuple parce que le peuple a dit non à vos déclarations et à vos mirages érigés en bannières.»

Socialiste jusqu'en 2017 avant de rejoindre LREM, Richard Ferrand a été également très offensif contre les socialistes dont il dénonce qu'ils n'ont «ni projet, ni mémoire».

Il est alors ovationné par les députés LREM pour cette critique sur les socialistes. Richard Ferrand a aussi maintenu son approbation à la politique gouvernementale.

Le député du Rassemblement national Sébastien Chenu, pour les non-inscrits, assure qu'ils (les élus RN) soutiendront les deux motions de censure. Il dénonce «une dérive autoritaire dans notre pays».

«Les Français ont compris qui vous étiez, personne n'est dupe dans cette affaire», ajoute-t-il en s'adressant au gouvernement.

Jean-Luc Mélenchon assure que «Benalla n'est pas la cause du problème, c'est le symptôme», en dénonçant la monarchie présidentielle. D'ailleurs, Jean-Luc Mélenchon répond à Emmanuel Macron, après son intervention du 24 juillet : «Le président a dit : "Qu'ils viennent me chercher." Quel est ce vocabulaire ? Quelle est cette bravacherie ? Qui est censé venir le chercher ? Nous y sommes prêts.»

En outre, il accuse toute la politique gouvernementale : «Quel que soit le sujet, vous n'aimez pas l'État. Vous n'aimez pas les fonctionnaires. Vous leur préférez des bandits de rencontre.» «À cette heure, qui doit mener le monde ? Le marché ou la vertu ?», demande-t-il au gouvernement.

Il demande également un référendum sur la réforme constitutionnelle.

Enfin, Jean-Luc Mélenchon déclare : «Nous vous censurons.»

Le député insoumis Jean-Luc Mélenchon prend la parole.

«De cette lamentable situation», il évoque «l'état de délabrement d'un régime qui rend ceci possible, incapable de se réformer pour être à la hauteur de la vertu qu'attendent de lui les citoyens», débute-t-il. Il évoque «les nouveaux pieds-niquelés de l'Elysée». «Il s'agit une cour des miracles installée au sommet de l'Etat, et qui développe une hiérarchie parallèle faite de copinages malsains, nous a-t-on dit, dont les membres ne figurent sur aucune liste...», argumente-t-il.

Il ironise sur la présence du Premier ministre à l'Assemblée nationale : «Je me réjouis de vous voir sur votre banc où nous vous attendions depuis 15 jours, monsieur le Premier ministre. Vous avez préféré le Tour de France.»

Jean-Luc Mélenchon est sévère sur l'attitude d'Edouard Philippe : «Vous n'êtes pas là parce que vous l'avez voulu, vous êtes là parce que vous y êtes contraint. Nous n'avons pas eu d'autre recours que la [motion de] censure pour vous obliger à venir, assumer devant nous vos responsabilités.»

Durant son discours, Jean-Luc Mélenchon est applaudi par certains députés LR, dont le président de groupe Christian Jacob.

La députée socialiste Valérie Rabault pour la Nouvelle gauche (socialistes) prend la parole.

Elle rappelle qu'il y a «une affaire Benalla au niveau de l'Etat» : «Les faits reprochés semblent avoir été couverts par des passe-droits au plus haut niveau de l'Etat.»

«Force est de constater que la motion de censure s’adresse, aujourd’hui encore – et en même temps – au chef du gouvernement que vous êtes et au président de la République dont nous dénonçons la pratique des institutions», précise-t-elle.

Valérie Rabault dénonce également «une dérive monarchique» : «Emmanuel Macron a souhaité exercer une présidence jupitérienne. Cela se traduit par un exercice personnel du pouvoir, faisant fi des assemblées, des syndicats, et plus largement de ce que l’on appelle les corps intermédiaires.»

La députée cible le programme politique du gouvernement et évoque «un Etat invisible» à tous les niveaux.

Valérie Rabault appelle ses collègues à voter la motion de censure proposée par les trois groupes de gauche.

Franck Riester, président du groupe UDI, Agir et indépendants (proche du gouvernement) prend la parole.

Il déplore le «blocage des débats» à l'Assemblée nationale alors même que la commission d'enquête avait été décidée. En outre, il estime que, lors de la commission d'enquête, certains députés de l'opposition se sont «posés en procureur politique». «Mes chers collègues, quel spectacle lamentable nous avons eu», juge-t-il.

En s'adressant à la présidente de la commission des lois, Yaël Braun-Pivet, Franck Riester critique le manque d'auditions de la commission de l'Assemblée nationale et le choix d'une salle trop petite pour accueillir les parlementaires.

Concernant les motions de censure, Franck Riester décrit des «dimensions politiciennes» pour les motions de censure. Il ajoute que c'est «une mascarade», ne comprenant pas, ainsi, l'existence de deux motions de censure.

Par voie de conséquence, son groupe UDI, Agir et indépendants ne votera pas les motions de censure. 

Marc Fesneau pour le Mouvement démocrate (parti allié de La République en marche), explique que les différentes oppositions n'ont toujours pas accepté le verdict des urnes de 2017 : «Finalement, en 2017, c’est une motion de censure du peuple français tout entier que vous, membres de l'opposition, avez reçue. Pas vous individuellement mais le système politique tel qu’il était organisé. Le refus global d’un échec de 30 ans.»

Défendant la politique gouvernementale, Marc Fesneau assure que «déposer une motion de censure relève plus de la théâtralité de notre vie politique que de l’usage grave pour lequel elle a été prévue.»

Sans surprise, le député Modem dit que son groupe ne votera aucune motion de censure car elles «n'ont aucun sens» selon lui.

Alors qu'Edouard Philippe se félicite de toutes les réformes et actions menées par le gouvernement (économiques, santé, école, sécurité) en les énumérant, les députés LREM se lèvent de nouveau pour une ovation. 

«Beaucoup reste à faire», insiste-t-il en évoquant les futures réformes sur les institutions, les retraites, et une volonté gouvernementale à transformer le modèle économique.

Il atteste qu'il ne souhaite pas «ralentir» les réformes. «Nous irons jusqu'au bout de notre projet», conclut-il sous une nouvelle acclamation debout des marcheurs.

Les différents groupes parlementaires prennent désormais la parole.

Edouard Philippe critique les intentions des deux motions de censure : «A travers cette affaire se joue toute autre chose que la recherche de la vérité. L'instrumentalisation politique a fait son ouvrage.»

«Il y a des oppositions de rencontre, [...] ici bien à gauche, ici bien à droite», pointe-t-il du doigt.

«Votre premier espoir c'est atteindre le président de la République [...] Vous n'y parviendrez pas», avertit-il également. «Les événements du 1er mai ne disent rien de la présidence de la République», ajoute-t-il.

Le Premier ministre évoque les motions de censure comme «des motions de blocage» contre les réformes du gouvernement.

Edouard Philippe évoque un «dysfonctionnement» et des «fautes individuelles» dans l'affaire Benalla. Il avoue des actes inacceptables pour décrire le comportement d'Alexandre Benalla. Il rappelle que lors de l'affaire Cahuzac, la commission d'enquête avait mis plus de temps pour se mettre en place. Edouard Philippe est lui aussi offensif : «Les faits apparaissent désormais clairement, et ils ne permettent à personne d'évoquer je ne sais quelle milice parallèle et d'alimenter les populismes et les théories du complot». Alors que les députés marcheurs se lèvent de nouveau de leur banc pour applaudir le Premier ministre, Edouard Philippe poursuit : «[Les faits] ne permettent à personne de parler de dérive monarchique, ni d'impunité.»

La parole est donnée au Premier ministre Edouard Philippe. Avant sa prise de parole, les députés LREM l'ovationnent.

André Chassaigne attaque la politique du gouvernement : «Que de cadeaux aux premiers de cordée avec la première loi des finances [...] Après avoir supprimé l'impôt sur la fortune, le président de la République nous a expliqué que le système de solidarité, hérité du Conseil national de la résistance coûtait un pognon de dingue. La réalité c'est que la majorité au pouvoir mène la politique économique et sociale rêvée par les 500 plus grandes fortunes de France».

Il conclut en ayant une pensée pour Jean Jaurès, mort un 31 juillet.

André Chassaigne reproche «une mascarade» pour caractériser la commission d'enquête de l'Assemblée nationale.

Il ajoute que «ce scandale, ce n’est pas une simple affaire policière», qu'elle va «bien au-delà d’une affaire d’été, pour reprendre les propos de Benalla». L'élu communiste dénonce ainsi «l'ultra concentration des pouvoirs aux mains d'un monarque élu qui sape les principes mêmes de la séparation des pouvoirs». Il atteste d'ailleurs que «l'exécutif a menti pour se protéger».

Le député reprend les propos du philosophe Montesquieu, l’un des principaux concepteurs de la séparation des pouvoirs : «Tout pouvoir sans bornes ne saurait être légitime.»

Christian Jacob finit sa motion de censure avec une acclamation debout de la droite de l'hémicycle. Dans une Assemblée particulièrement tendue, André Chassaigne, président du groupe GDR (Gauche démocrate et républicaine) à l'Assemblée nationale se présente au pupitre pour proposer sa motion de censure. Celui-ci évoque un «scandale d'Etat».

Christian Jacob attaque les marcheurs : «L’histoire parlementaire de la Ve République retiendra que […] sans la pugnacité de tous les groupes d’opposition, la commission d’enquête n’aurait jamais vu le jour, que sans notre détermination, les auditions auraient eu lieu à huis clos, que les députés En Marche, membres de la commission d’enquête, sont apparus plus godillots que jamais.»

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Christian Jacob reproche dans l'affaire Benalla «un régime de faveur décidé par Emmanuel Macron lui-même».

«L’éclosion d’une forme de police parallèle au sein de l’Elysée n’a pu se produire qu’avec le soutien du président de la République», ajoute-t-il. «Elle a été favorisée par la connivence et la complicité de votre gouvernement», poursuit-il en s'adressant au Premier ministre Edouard Philippe.

A 15h03, Christian Jacob, président du groupe des députés LR à l’Assemblée nationale, présente la motion de censure pour 15 minutes.

Après dix jours de crise autour de l'ancien conseiller d'Emmanuel Macron, et à la veille de la pause estivale des députés, Christian Jacob (Les Républicains) et André Chassaigne (Parti communiste français) prennent la parole à partir de 15h le 31 juillet pour défendre les premières motions de censure contre le gouvernement depuis l'accession d'Emmanuel Macron à l'Elysée. 

«L'essentiel ce n'est pas l'affaire en elle-même [mais] de se poser la question de savoir pourquoi la pratique du pouvoir par le président de la République encourage ou permet l'impunité de personnes comme monsieur Benalla», a plaidé André Chassaigne avant la discussion.

Alexandre Benalla, mis en examen après des violences contre des manifestants le 1er mai à Paris, revendique dans les médias «une réaction de citoyen» contre des manifestants qu'il qualifie de «casseurs», alors qu'une nouvelle enquête vient d'être ouverte pour d'autres violences le même jour.

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