Ce 29 mai, alors qu'il se rendait à l'Elysée pour assister à la conférence internationale sur la Libye, notre reporter Kyrill Kotikov s'est vu refuser l'accès au palais présidentiel. Il était pourtant muni de sa carte de presse, comme le lui avait demandé Marion Beyret, la chargée des relations presse de l'Elysée, avec laquelle RT s'était entretenu la veille au téléphone. Bloqué à l'entrée du palais présidentiel, il n'a donc pas pu couvrir l'événement. Un de ses confrères de la BBC, qui se présentait au même moment, muni lui aussi de sa carte de presse, a toutefois été admis à l'intérieur. La raison invoquée par l'Elysée : les journalistes travaillant chez RT France ne sont pas les bienvenus, selon le président de la République.
La séquence, intégralement filmée par notre reporter, permet de constater qu'après avoir refusé de s'entretenir avec lui en invoquant un manque de temps, la femme chargée de laisser entrer ou non les journalistes lui a fait savoir, par l'intermédiaire d'un gendarme, qu'il s'agissait bien d'une «consigne». «Le président a été clair à ce sujet», annonce le gendarme. «Tant que c'est Russia Today, ou que vous travaillez pour Russia Today, vous ne pouvez pas rentrer», confirme-t-il. «C'est pour ça que Madame refuse la discussion», poursuit-il pour expliquer le silence de la femme qui continue de lui tourner le dos sur le trottoir d'en face.
Kyrill Kotikov est revenu sur cet épisode ce 30 mai sur notre antenne. «Depuis quand un président peut décider de qui est journaliste et de qui ne l'est pas ?», s'est-il interrogé. «Nous ne sommes même pas des journalistes étrangers, mais des journalistes français avec des cartes de presse françaises», a-t-il poursuivi.
Si Emmanuel Macron a tenu des propos plus qu'optimistes quant à l'avenir des relations franco-russes au Forum économique de Saint-Pétersbourg, les journalistes de RT France ne sont toujours pas les bienvenus à l'Elysée. En effet, la justification avancée par la présidence démontre qu'elle campe toujours sur la position qu'avait adoptée Emmanuel Macron à Versailles en mai 2017, lorsqu'il avait accusé RT France d'être un «organe de propagande».
Un incident qui survient en plein débat autour de la loi anti-fake news
Ce n'est d'ailleurs pas la première fois qu'un journaliste de RT France se voit refuser l'accès au palais présidentiel malgré sa carte de presse. Ces incidents rappellent le très fort climat de défiance à l'égard de nos journalistes qui règne à l'Elysée. Après avoir dans un premier temps évoqué de prétendues «fake news», sans jamais citer d'exemple précis, l'entourage d'Emmanuel Macron a ensuite sensiblement modifié son discours . Récemment, Mounir Mahjoubi, secrétaire d'Etat au Numérique, avait finalement reconnu que RT ne relayait pas de fausses informations mais que son «état d'esprit» posait problème.
A quelques jours du début de l'examen par l'Assemblée de la loi de lutte contre les fake news annoncée par Emmanuel Macron, et dont l'exécutif ne nie pas qu'elle vise entre autres notre rédaction, cet incident interroge plus que jamais le rapport qu'Emmanuel Macron entretient avec la liberté de la presse. La veille, le président rappelait pourtant son attachement à la liberté de la presse qui n'avait, selon lui, «pas de prix».