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Loi Schiappa : «Un gros bluff», déplore Arash Derambarsh, avocat de la protection de l'enfance

La loi contre les violences sexuelles permettra de juger certains viols comme de simples délits «d'atteinte sexuelle». Interviewé par RT France, l'avocat Arash Derambarsh dénonce un texte qui ne prend pas en compte la présomption de non-consentement.

«Je ne sais pas ce qu’est ce délit, pour moi, c’est un viol et donc un crime !», s'insurge l'avocat Arash Derambarsh, de l'association Innocence en danger, au sujet de l'article 2 du projet de loi Schiappa qui prévoit de créer un nouveau «délit d'atteinte sexuelle avec pénétration».

Adopté dans la nuit du 15 au 16 mai 2018, l'article controversé du projet de loi porté par la secrétaire d'Etat à l'Egalité entre les femmes et les hommes a son lot de détracteurs.

Plus de 120 000 citoyens ont signé en moins de deux jours une pétition, intitulée «Monsieur le Président, vous ne pouvez pas faire du viol un délit. Supprimez l’article 2», pour réclamer le retrait de cet article. Parmi ses opposants, Benoit Hamon, ex-socialiste et fondateur de Génération.s, avait fait part de son incompréhension. «Comment un viol sur mineur peut il être rétrogradé de crime à simple délit puni de dix ans d'emprisonnement par le gouvernement ?», s'était-il interrogé sur Twitter le 14 mai.

L'article 2 réintroduit l'idée que parfois le mineur est consentant en cas de rapport sexuel

Lui aussi indigné, Arash Derambarsh s'est confié à RT France. «Le gouvernement dit : "On a durci les peines", mais c’est un gros bluff», juge-t-il. Il explique que le projet de loi initial, qui prévoyait selon lui de spécifier qu'aucun consentement n'était possible pour un rapport sexuel en dessous de 15 ans, a été abandonné. Arash Derambarsh estime que le gouvernement ouvre ainsi la voie à la décriminalisation d'un grand nombre de viols. «[L'article 2] réintroduit l'idée que parfois le mineur est consentant en cas de rapport sexuel», explique-t-il. Et l'avocat de déplorer : «Au lieu d'aller aux assises, le tribunal prévu pour les infractions graves, le cas deviendra un délit et partira en correctionnelle et la peine sera de dix ans de prison au maximum.» 

Abandon de la question du consentement 

C'est précisément la question du consentement de la victime qui pose le plus problème aux yeux d'Arash Derambarsh. Marlène Schiappa avait décidé de réformer la loi au plus vite après un scandale provoqué par deux affaires de viols de jeunes filles jugées en 2017. Dans l'une d'elles, un homme avait été acquitté, la cour estimant que l'enfant, âgée de 11 ans, n'avait pas subi de «contrainte».

Or, la loi Schiappa ne change rien à ce point. Elle prévoit en effet de définir comme viol tout acte sexuel exercé avec, selon les termes choisis, «violence, surprise, menace ou contrainte».

Quand un homme de 40 ans pénètre un enfant de 5 ans ou de 14 ans, ce n'est pas une atteinte, c'est un viol

Aussi Arash Derambarsh pointe-t-il l'absence de la notion de présomption de non-consentement de la victime mineure, élément clé dans les affaires de violences sexuelles sur les enfants. «Mais de quelle civilisation parle-t-on ?», martèle l'avocat. «Quand un homme de 40 ans pénètre un enfant de cinq ans ou de quatorze ans, ce n'est pas une atteinte, c'est un viol. Un enfant n'a jamais été pénétré, il ne sait pas ce qu'est un rapport sexuel, il ne peut avoir un consentement éclairé lorsqu'il se fait imposer un rapport sexuel», dénonce-t-il.

«De plus, en termes symboliques, quand un mineur subit un viol, et que le cas est envoyé en correctionnelle, cela minimise les faits. C'est très mauvais pour la reconstruction psychologique des victimes et on amoindrit la peine», poursuit l'avocat, affirmant que 80% des enfants mineurs victimes de violences sexuelles conservent des séquelles. «Avec des cas de suicide, d'anorexie, les enfants abusés peuvent aussi devenir déviants sexuels et devenir ensuite eux-mêmes violeurs», ajoute-t-il. 

Un mineur ne peut avoir un consentement éclairé lorsqu'il se fait imposer un rapport sexuel

L'encombrement des tribunaux, un obstacle à la protection de l'enfance ?

Pourquoi alors autant de réticence de la part des autorités publiques à reconnaître qu'en dessous de 15 ans il ne peut y avoir consentement à un rapport sexuel chez un mineur, ce qui constitue donc automatiquement un viol et permettrait de protéger tous les enfants agressés ? Pour l’avocat, «il y a beaucoup de lobbying de la part des magistrats qui ne veulent pas encombrer plus avant les tribunaux d'assises avec des histoires de viols, alors qu'il y a des meurtres à juger». «Un procès d'assises se met en place en deux ou trois ans, et nécessite beaucoup de moyens alors qu'un procès en correctionnelle se met en place en quelques mois», explique-t-il.

L'article 2 de la loi a été adopté par 81 voix, en majorité La République en marche, contre 68. A cause de la défection de très nombreux députés, ayant laissé l'Assemblée quasi vide, l'opposition n'a pas réuni suffisamment de voix pour le retrait de certaines dispositions du texte.

Loin de fixer un âge de consentement sexuel à 15 ans, comme évoqué un temps, le projet de loi prévoit d'introduire dans la définition du viol une protection particulière pour les mineurs de moins de 15 ans. Les notions de contrainte et de surprise, constitutives d'un viol, pourront ainsi être caractérisées «par l'abus de vulnérabilité de la victime ne disposant pas du discernement nécessaire pour consentir à ces actes».

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