France

Quatre suicides, deux décès à Fleury Mérogis : malaise dans les prisons françaises

En un mois, six morts à Fleury Mérogis, dont quatre suicides, témoignent du marasme qui affecte l’univers carcéral dans toute la France, surpeuplé, insalubre et en proie à la violence, à la veille de la réforme de la justice.

En un mois, la prison de Fleury Mérogis, la plus grande maison d’arrêt d’Europe aux 4 100 détenus, a eu à déplorer quatre suicides et deux morts. Un prisonnier incarcéré pour une courte peine a été roué de coups la veille de sa sortie durant une promenade pour semble-t-il une dette liée à une affaire de stupéfiants. Il est mort quelques jours plus tard des suites de ses blessures.

Le second détenu, qui avait besoin de soins médicaux, n’a pas été pris en charge à temps. Pris de vomissements, il avait vu un médecin qui n’avait rien détecté, puis son malaise avait repris pendant la nuit. Mais son compagnon de cellule n’a pas réussi à joindre un médecin de garde. «Derrière les barreaux, la médecine générale est sinistrée. Fleury est pourtant un des établissements les moins mal dotés en professionnels de santé, il y a un médecin de garde toute la nuit, mais encore faut-il qu’il soit disponible et surtout appelé par les surveillants », a pourtant déclaré François Bès, coordinateur du pôle enquêtes à l'Observatoire international des prison (OIP). Ces deux drames feront l’objet d’enquêtes.

Les morts et les suicides ne sont pas que l'apanage de Fleury Mérogis. A la prison de Seysse, à Toulouse, un suicide a eu lieu mi avril, ainsi que le 18 avril à la prison d’Arras.

Ces décès révèlent des dysfonctionnements des prisons dont les organismes de contrôle et les associations des droits de l’homme se font souvent l’écho.

A la veille de la présentation de la réforme de la justice par la garde des Sceaux Nicole Belloubet, ces événements graves survenus en prison illustrent le malaise affectant l’univers carcéral en France. 70 367 personnes étaient détenues en France au 1er avril, un chiffre record ; le nombre de prévenus est au plus haut depuis 12 ans, tandis que la surpopulation en prison atteint 118%.

L’OIP a ainsi communiqué en avril sur plusieurs problématiques. Il a noté que la ministre de la Justice n'avait pas vraiment répondu à la Sénatrice Esther Benbassa qui l’avait alertée sur des cas de maltraitance des détenus par des surveillants à la prison de Villefranche, dénoncée par plusieurs organismes de contrôle.  

Egalement épinglées, les conditions de promenade dans la prison de Fresnes, sans surveillance ni points d’eau ou urinoirs, dans des cours à la superficie trop réduite. Le tribunal administratif de Melun a jugé le 6 avril qu'un détenu qui avait saisi la justice pour que la cour soit mise aux normes avait raison et que la prison aurait dû faire des travaux de réfection.

Il a statué que «les conditions dans lesquelles se déroulent les promenades des détenus du centre pénitentiaire de Fresnes [excédaient] le niveau inévitable de souffrance inhérent à la détention et [étaient], dès lors, attentatoires à la dignité des intéressés».

Anne L., une femme médecin intervenant en prison a même tweeté que le papier toilette était rationné pour les femmes, un fait épinglé par le Canard Enchaîné.

Conditions de détention indignes, surveillants à bout, violences, indigence… Le milieu carcéral français semble au bord de l'implosion. Le Comité de prévention de la torture inspectera les prisons en France en 2019 afin d’évaluer la manière dont les détenus sont traités. 7 500 places supplémentaires ont été promises par Emmanuel Macron durant son quinquennat sur les 15 000 promises initialement. Le président de la République souhaite une justice qui abandonne la préférence carcérale pour d'autres «punitions», en partie inspirées des pays du nord de l'Europe.

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