Passer d'un système «prison-centré» à une justice qui privilégie d'autres sanctions et que les peines soient réellement et immédiatement appliquées : tels sont les principes de la «refondation» pénale que doit annoncer Emmanuel Macron le 6 mars 2018 à Agen .
L'objectif est non seulement de rendre les peines plus efficaces mais aussi de lutter contre la surpopulation carcérale. Emmanuel Macron s'est rendu à Fresnes (Val-de-Marne) le 2 mars et a pu se rendre compte des conditions de vie des détenus : une cellule de 9m2 avec trois lits, un surveillant pour gérer 100 détenus sur une coursive, un bâtiment vétuste attirant rats et punaises de lit...
Une troisième voie, moins laxiste et moins répressive
Le 6 mars dans l'après-midi, devant l’Ecole nationale d’administration pénitentiaire (ENAP) où il se rend avec le garde des Sceaux Nicole Belloubet, Emmanuel Macron doit présenter sa vision d'une justice qui abandonne la préférence carcérale pour d'autres «punitions», en partie inspirée des pays du nord de l'Europe.
Parmi les annonces attendues, il pourrait écarter l'option de la prison pour les peines les plus courtes et élargir l'éventail des autres peines (bracelet électronique, travaux d'intérêt général) et des formules de probation (mise à l'épreuve).
Ces solutions existent déjà mais restent peu utilisées : en 2016, sur les quelque 550 000 délits sanctionnés, les tribunaux ont prononcé 52% de peines de prisons (dont 19% ferme) et 11% de peines alternatives dont moins de 3% de travaux d’intérêt général.
Il souhaite que le juge favorise des peines alternatives plus variées et s'assure de leur exécution immédiate, plutôt que de laisser ce rôle au juge d'application des peines. Il veut également réduire les délais, qui peuvent atteindre des mois voire des années, entre le prononcé d'une peine et son application. Autre piste, une libération automatique aux deux-tiers de la peine sauf avis contraire du juge.
Reprenant un des engagements forts de sa campagne, Emmanuel Macron a déjà annoncé ces derniers mois vouloir à la fois qu'une peine de prison prononcée soit réellement exécutée et développer de manière «massive» les peines alternatives. Comme une troisième voie entre une gauche taxée de «laxisme» et une droite dite «répressive».
Exécution réelle et immédiate des peines
Emmanuel Macron a également affirmé vouloir qu'une peine de prison prononcée soit effectivement et aussitôt exécutée. «L'emprisonnement ne sera plus la peine centrale», résume la présidence. «Mais est-il souhaitable que, quand on prononce une peine d'emprisonnement, elle soit dans un second temps, par un autre juge, transformée en autre chose ? Non. C'est cela qui est remis en cause».
Le chef de l'Etat devrait donc revenir sur la loi qui depuis 2009 prévoit d'aménager les peines de prison inférieures à deux ans pour les primo-délinquants.
15 000 places de prison supplémentaires
Il devrait aussi détailler sa promesse d'accroître de 15 000 les places de prisons et le «plan pénitentiaire» annoncé mi-janvier alors que de nombreux établissements étaient en partie bloquées par les surveillants, en colère après une série d'agressions.
Si les gardiens de prison ont déjà obtenu fin janvier 30 millions d'euros de revalorisation indemnitaire et la création de quartiers spécifiques pour les détenus radicalisés, les attentes restent immenses face au mal chronique de la détention, la surpopulation.
«La question de l'immobilier pénitentiaire n'a de sens que si on définit qui envoyer en prison», commente l'entourage du président, expliquant que c'est la réflexion sur la peine qui conditionnera la construction de places.
Par ailleurs, la contrôleuse générale des prisons, Adeline Hazan, plaide pour un traitement différent des malades et des «fous» – elle estimait en 2017 que 17 000 détenus auraient dû se trouver à l'hôpital plutôt qu'en prison – et un recours moindre à la détention provisoire – en 2016, le nombre de ces détenus en attente de jugement, donc «présumés innocents», a pour la première fois dépassé le seuil des 20 000.
Avec un taux d'occupation des prisons de 200% en région parisienne et de 120% au niveau national, la France figure parmi les pires élèves d'Europe. Au 1er janvier 2018, 68 974 détenus s'entassaient dans 59 765 places.