France

Retraites agricoles : les sénateurs s'indignent contre le coup de force du gouvernement

Afin d'éviter que ne soit portée à 85% du Smic la retraite des non-salariés agricoles, l'exécutif a enclenché la procédure du «vote bloqué» prévue par l'article 44-3 de la Constitution. Sénateurs communistes, de droite et de gauche sont vent debout.

Le gouvernement utilise une «kalachnikov pour tuer un ver de terre». C'est par cette métaphore que la sénatrice socialiste Monique Lubin s'est élevée le 8 mars contre la manœuvre du gouvernement qui a utilisé la procédure du «vote bloqué» afin d'empêcher le Sénat d'entériner la revalorisation à 85% du Smic des retraites des non-salariés agricoles votée à l'Assemblée nationale par l'ancienne majorité socialiste.

La commission des finances du Sénat avait pourtant rendu un avis favorable sur cette proposition de loi émanant du groupe communiste. Dans le détail, il s'agit de porter à environ 990 euros par mois le montant de la pension des non-salariés agricoles, soit 85% du Smic contre 75% actuellement. Mais le gouvernement, qui s'oppose au coût de la mesure, souhaite que cette discussion se fasse dans le cadre de la future réforme du système de retraites car «ça n'est pas la feuille de route du gouvernement de créer 400 millions de taxes supplémentaires». Le financement envisagé pour cette mesure était le prélèvement de 0,1% sur toutes les transactions financières en Bourse, qui a affiché des profits records en 2017. Ce qui revenait à 0,3 ou 0,4 centime par action échangée.

L'amendement déposé par le gouvernement repousse l'application de la réforme à 2020

Le «vote bloqué» mis en place par l'exécutif sur ce texte prévoit que les sénateurs ne puissent le voter qu'en ne prenant en compte les amendements gouvernementaux. En l'occurrence, alors que son application devait être immédiate, avec un effet rétroactif au 1er janvier 2018, l'amendement déposé par le gouvernement repousse son application à 2020.

Mis devant le fait accompli, les sénateurs communistes ont effectué un rappel à l'ordre, suivi par les groupes politiques centristes, socialistes et radicaux. Déjà échaudés par le recours aux ordonnances et la réforme du droit d'amendement envisagée par Matignon, les locataires du Palais du Luxembourg digèrent mal cette nouvelle entrave au pouvoir décisionnel des parlementaires.

Cet élément de procédure a déjà été utilisé en 2013 pour la loi sur la sécurisation de l’emploi ou en 2010 pour la réforme des retraites. Mais c'est la première fois depuis 1993 que le gouvernement l’utilise concernant une proposition de loi déposée par un groupe au moment où ils ont la main sur l’ordre du jour. De nombreuses personnalités politiques se sont exprimées sur Twitter pour signifier leur mécontentement.

Le sénateur Les Républicains et président de la commission des lois Philippe Bas a fustigé le procédé employé par le gouvernement.

C'est aussi le cas d'Esther Benbassa, sénatrice EELV, membre de la commission des lois. 

La sénatrice radicale Nathalie Delattre a elle déploré un «gâchis».

Pour la sénatrice LR Elisabeth Doisneau, «c'est un mépris du monde agricole, surtout des retraités qui sont en réelle difficulté, et c'est un mépris du Parlement».

Le sénateur communiste et secrétaire national du parti communiste Pierre Laurent a dénoncé un «oukase inadmissible».

De son côté, Valérie Boyer, députée et secrétaire générale adjointe des Républicains, évoque la vaste opération de communication au Salon de l'agriculture «qui prouve encore que les promesses de Macron n'engagent que ceux qui le croient».

Cette revalorisation est une revendication très ancienne des retraités agricoles français, à qui l'on promet depuis de nombreuses années que leur pension sera fixée par la loi à au moins 85% du Smic.

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