France

Entre prises de position et passes d'armes, l'humoriste Yassine Belattar au cœur de la polémique

Accusé par certains de complaisance avec l'islamisme, l'humoriste Yassine Belattar estime être victime d'une campagne de calomnie. Mais ses apparitions médiatiques récentes ne font qu'alimenter la polémique.

Vous l'avez peut-être découvert récemment pour sa forte présence médiatique. Humoriste engagé, soutien de François Hollande en 2012 ou d'Emmanuel Macron en 2017, Yassine Belattar s'exprime sur les sujets sociétaux les plus sensibles, et ce au prix de certaines critiques.

Présent le 30 novembre sur France 2 dans L'Emission politique, il avait notamment été invité à débattre avec des personnalités politiques et le philosophe Pascal Bruckner. Et il y a eu ces répliques contre, d'abord, Pascal Bruckner. «Vous avez dit quand même que l'islam est lié à l'islamisme...», critique Yassine Belattar. Effectivement, Pascal Bruckner assume une analyse qui affirme que les islamistes se revendiquent d'un certain islam. Ce qui fera dire à Pascal Bruckner à Yassine Belattar : «Vous êtes dans le déni absolu.»

Vous prenez à chaque fois des faits isolés

Quand l'écrivain rappelle ensuite que les meurtres du Père Hamel, de Ilan Halimi ou de Sarah Halimi ont été perpétrés par des individus se revendiquant justement de l'islam, Yassine Belattar répond : «Vous prenez à chaque fois des faits isolés.» Ce qui n'a pas manqué de choquer sur le plateau comme sur internet.

Puis la passe d'armes aura lieu contre l'ancien ministre Bernard Kouchner.

Un «mon gars» lancé par ce dernier à l'humoriste lors de la même Emission politique accompagné d'un tutoiement auront provoqué l'ire définitive de Yassine Belattar : «Voilà où en est la France avec les gens issus de l'immigration... C'est fini la colonisation», prévient l'humoriste, comparant les Français issus de l'immigration aux «boys» afro-américains du temps de l'esclavage aux Etats-Unis.

Le buzz médiatique décolle alors et ses opposants ressortent les vieux dossiers. Des internautes retrouvent ainsi des archives, comme celle où Yassine Belattar anime un diner du Collectif contre l'islamophobie en France, régulièrement accusé de proximité avec l'idéologie islamiste. D'autres lui reprochent une photo de lui, prise la même soirée, tout sourire avec, en toile de fond, le théologien musulman Tariq Ramadan, accusé par ses détracteurs d'être partisan d'un islam politique.

Accusé de faire la promotion médiatique de l'islamisme ou encore des Frères musulmans, Yassine Belattar, qui se dit musulman mais aussi patriote français, se défend : «Pour ce qui est des Frères musulmans, j’en suis aussi proche que de Batman.»

«Il ne faut pas tout islamiser»

Suscitant des réactions souvent vives après ses passages télévisés, les arguments de Yassine Belattar sur la laïcité ou le terrorisme islamiste embrasent régulièrement la presse et les internautes. «Peut-être que l’on fait appel à moi parce que ça ouvre une perspective dans le débat», reconnaît-il pour 20 Minutes.

Le 13 novembre 2017 sur LCI, l'humoriste avait ainsi apporté un éclairage sur sa pensée sur le plateau de David Pujadas en évoquant les attentats de 2015 : «On ne peut pas tout islamiser.» Il s'était par ailleurs attaqué à tous ceux qui, selon lui, propagent une mauvaise vision de la France : le «sordide Premier ministre Manuel Valls», la féministe Caroline Fourest, l'association de promotion de laïcité du Printemps républicain, le journaliste Mohamed Sifaoui (qui a avoué assimiler l'islamisme au fascisme), ou encore le média Atlantico qui ne reposerait «que sur une colonne, celle de l'islamophobie».

Ses propos lui valent bon nombre d'ennemis, comme Fatiha Boudjahlat, membre de Viv(r)e la République, association de défense de la laïcité, qui reprenant l'expression des «faits isolés» citée plus haut, lui a demandé si la Shoah n'était pas, pour lui, également un «incident isolé». «Totalement scandalisé par de telles accusations», Yassine Belattar annoncera qu'il porte plainte.

Au-delà du terrain juridique, l'humoriste en vient parfois aux insultes pour répondre à ses détracteurs, comme avec Gilles Clavreul, délégué interministériel à la lutte contre le racisme et l'antisémitisme de 2015 à 2017 et membre du Printemps républicain, qu'il qualifie de «colon», ou Nassim Seddiki membre du bureau fédéral du Parti socialiste de Paris et militant de la même association, qu'il traite de «tocard».

Il aurait également échangé de manière fleurie via messagerie privée avec un autre membre du Printemps républicain, l'élu socialiste Amine El-Khatmi.

Ce dernier avait été invité sur le plateau de Salut les Terriens de Thierry Ardisson le 11 mars pour évoquer le communautarisme musulman en France et l'«islamo-gauchisme» du Parti socialiste, émission lors de laquelle Yassine Bellatar avait traité Thierry Ardisson de «chemise brune», en référence aux nazis. Amine El-Khatmi avait alors accusé Yassine Bellatar d'être le nouveau «Mehdi Meklat», autre humoriste dernièrement attaqué pour ses tweets jugés antisémites.

Yassine Belattar s'est fait aussi des ennemis parmi ses collègues humoristes. L'animatrice Muriel Cousin, compagne de Stéphane Guillon, s'était attaquée aux propos de Yassine Belattar qui avait déclaré qu'il n'était «pas Charlie» sur France Info en référence à la polémique entre le journal satirique et Edwy Plenel. Elle avait alors estimé que cela lui rappelait «les débuts de Dieudonné en antisémitisme». Il n'en fallait pas plus à Yassine Bellatar pour répliquer : «Ah, les fachos de gauche... Vous et votre mari, vous êtes la plus grande escroquerie de l'humour français.»

Dernièrement, un article à charge de Marianne intitulé «Yassine Belattar, faux clown, vrai danger» a attisé la colère des soutiens du comédien de stand-up, fort d'une communauté de followers de près de 15 000 membres. Certains ont même évoqué un «lynchage». 

Certaines personnalités des réseaux sociaux comme Madjid Messaoudene, élu sous l'étiquette du Front de Gauche à Saint-Denis, ou l'auteur Rakidd lui ont entre autres prêté main-forte.

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