France

Le rappeur Jo Le Pheno condamné à payer 5 500 euros pour ses clips jugés «anti-flics»

Les clips du rappeur Jo Le Pheno, «Bavure» et «Bavure 2.0» lui avaient valu des poursuites judiciaires, initiées par le ministère de l'Intérieur et un policier. Il a été condamné à deux amendes de 1 000 euros et à verser 3 500 autres euros.

Le rappeur Jo Le Pheno était poursuivi pour incitation à une atteinte volontaire à la vie et injure publique envers une institution publique. Il a été condamné le 8 décembre à deux amendes de 1 000 euros chacune par le tribunal correctionnel de Paris pour la mise en ligne de deux clips jugés «anti-flics», Bavure et Bavure 2.0, diffusés sur internet en 2016 et en 2017. Il devra aussi verser deux fois un euro symbolique à l'Etat. L'artiste doit aussi 3 000 euros de dommages et intérêts à un policier qui s'est reconnu dans la vidéo, ainsi que 1 500 euros au titre des frais de justice.  

Le ministère de l'Intérieur avait porté plainte contre le rappeur, à la demande de plusieurs syndicats de police. Le syndicat Alliance avait par ailleurs dénoncé «la haine anti-flic» exprimée dans ce clip qui, selon lui, «outrage et menace» les policiers. «Le message est clair. Il est ultra-violent. C'est un appel au meurtre et à la haine intolérable», avait commenté le secrétaire national Ile-de-France d'Alliance.

L'un des deux clips incriminés inclut des passages vidéo d’interpellations menées par des policiers, dont certains apparaissaient à visage découvert. On y entend le rappeur insulter copieusement les forces de l'ordre et cracher sur une voiture de police. «Trop de nos frères sont partis à cause d'une bavure policière. [...] Sans hésiter, faut les fumer [les policiers]», chantait-il, par exemple, dans ce morceau dont le clip a été visionné près de 122 000 fois.

Les juges ont dénoncé «une charge violente et directe à l'encontre des forces de l'ordre», une «exhortation» à la portée «résolument violente et mortifère». «La revendication d'un genre artistique [...] ne peut à elle seule être reconnue comme une cause d'exonération de toute responsabilité», a ajouté le tribunal, qui n'a relevé «aucune distanciation fictionnelle» entre le prévenu et l'histoire que raconte la vidéo. Les magistrats ont estimé que la «dénonciation des violences policières» était un «argument prétexte qui ne saurait justifier l'appel généralisé à la violence que comporte le clip».

Le procureur avait requis 3 000 euros d'amende, dénonçant une «incitation à la haine» exacerbée dans un contexte de violences à l'égard des policiers, dont l'assassinat d'un couple de policiers par un djihadiste à Magnanville et les incendies de voitures de police quai de Valmy à Paris et à Viry-Châtillon.

Ça ne m'empêchera pas de continuer à dénoncer, au contraire

«C'est accablant, quand même. Je vais réfléchir à un appel», a déclaré le rappeur à l'AFP en quittant la salle d'audience. «La liberté d'expression des artistes est à géométrie variable», a-t-il regretté, en citant comme exemple la relaxe en appel, l'an dernier, du rappeur Orelsan, poursuivi pour provocation à la violence envers les femmes dans plusieurs chansons. «Ça ne m'empêchera pas de continuer à dénoncer, au contraire», a-t-il assuré.

Un clip violent et polémique, où apparaissent des policiers à visage découvert

Jois Ndjibu, alias Jo Le Pheno, 23 ans, était apparu très calme lors de l'audience, le 27 octobre 2017.

A la barre, il avait déclaré d’une voix basse : «Une accumulation de choses m'ont poussé à écrire ce morceau, comme la violence des forces de l'ordre à l'égard de certains citoyens français. Je voyais beaucoup de violences policières, des mineurs se faire taper par la police. On ne pouvait rien faire. On me disait : "Tu fais du rap, tu devrais essayer d'en parler".» Il a invoqué les affaires Adama Traore ou Lamine Dieng, morts après avoir été interpellés, ou de l’affaire Théo, dans laquelle quatre policiers ont été mis en examen, dont un pour viol avec une matraque.

Le rappeur avait fait valoir la création et la prise de distance artistique lors de sa première audition en septembre 2016. «Faut pas prendre les choses au premier degré. Je ne vais pas pisser sur la justice et la mère du commissaire», avait-il déclaré au sujet de ses paroles.

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