France

Ecriture inclusive: 314 profs refusent d'enseigner que «le masculin l'emporte sur le féminin»

314 professeurs et universitaires français ont déclaré avoir cessé ou s'apprêter à cesser d'enseigner la règle grammaticale française selon laquelle «le masculin l'emporte sur le féminin» dans une tribune publique.

Ils dénoncent une règle grammaticale qui n'est «pas linguistique, mais politique». 314 enseignants de tous les niveaux ont affirmé haut et fort le 6 novembre dans les colonnes de Slate, leur refus de perpétuer la règle, bien connue des écoliers, selon laquelle, pour les accords, «le masculin l'emporte sur le féminin». Cette pratique, formalisée au XVIIe siècle puis généralisée avec la naissance de l'instruction publique obligatoire au XIXe siècle, ne répond pas selon eux à un impératif «linguistique, mais politique». 


Perpétuer un «ordre de valeur» inégalitaire

Les signataires, dont certains enseignent dans des établissements universitaires de haut niveau, jugent qu'il est désormais urgent de faire cesser une «formule qui résume la nécessaire subordination du féminin au masculin». Ils estiment ainsi que l'école pousse les élèves à «accepter la domination d'un sexe sur l'autre» en persistant à enseigner cette règle de grammaire. 

«La lutte contre les stéréotypes de genre, qui est essentielle au progrès de l'égalité réelle des femmes et des hommes, ne peut être efficacement menée si cette maxime [le masculin l'emporte sur le féminin] n'est pas mise au ban de l'école», peut-on ainsi lire dans ce texte, évoquant ici une notion phare de ce que certains qualifient de «théorie du genre», mais dont l'existence est controversée. Elle reposerait sur l'idée que l'éducation transmet, de façon involontaire, des stéréotypes de sexe dès l'enfance. Accusée d'avoir tenté d'introduire cette théorie au sein de l'Education nationale au cours du quinquennat de François Hollande, la ministre Najat Vallaud-Belkacem s'en était toujours défendue en son temps. 

Les enseignants signataires proposent désormais de repenser des techniques d'accord plus anciennes, issues du latin, qui étaient utilisées notamment par des auteurs anciens tels Corneille ou Ronsard. 

«D’autres mesures travaillant à l’expression d’une plus grande égalité dans la langue sont nécessaires, mais le plus urgent est de cesser de diffuser cette formule», conclut la tribune, sans détailler plus les prochains combats à mener dans l'enseignement pour plus d'égalité. 

Le débat autour de l'écriture inclusive, dont la remise en cause de la règle de l'accord n'est qu'un des nombreux éléments, fait rage en France notamment depuis la sortie du premier manuel scolaire entièrement rédigé en écriture inclusive publié par Hatier fin septembre. Les réticences du ministre de l'Education, qui estime que cette méthode d'écriture «abîme notre langue», et la levée de bouclier de l'Académie française, qui a dénoncé un «péril mortel» dans un communiqué, ont enflammé le débat. 

La ministre du droit des femmes Marlène Schiappa s'était de son côté déclarée «pas forcément favorable à la généralisation de l’écriture inclusive», lors de l'émission C politique de France 5 du 22 octobre, bien qu'elle ait, plus tôt dans le mois, proposé aux entreprises de bannir le qualificatif «mademoiselle» de l'entreprise et de féminiser les noms de postes alloués aux femmes –autant de mesures préconisées par l'écriture inclusive.

 
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