Ils étaient membre du même parti il y a moins de quinze ans : les voilà désormais ennemis jurés. Jean-Luc Mélenchon, leader de La France insoumise, et Manuel Valls, nouveau soutien de La République en marche, s'invectivent régulièrement. Si l'un s'oppose à la politique d'Emmanuel Macron quand l'autre nourrit l'ambition d'en devenir l'un des principaux promoteurs, ce sont surtout leurs positions respectives au sujet de l'islam qui semblent les confronter.
Invité à s'exprimer à l'antenne de RTL le 3 octobre, l'ex-Premier ministre a estimé que le mouvement de Jean-Luc Mélenchon adoptait une attitude «irresponsable» face à la menace terroriste et plus précisément au discours islamiste. Aux yeux du député de l'Essonne, il y aurait en effet «de la complaisance et de l'ambigüité dans le discours de la France insoumise» sur ces questions.
Réagissant aux propos de la députée de la France insoumise Danièle Obono, qui estimait que «la radicalisation n’[était] pas un concept scientifique suffisamment arrêté» et remettait plus généralement en cause la pertinence de la lutte antiterroriste telle qu'entreprise par l'exécutif, Manuel Valls a qualifié le discours du mouvement politique d'«islamo-gauchiste».
Ciblant plus précisément Jean-Luc Mélenchon, Manuel Valls avait déjà déclaré le 21 septembre dernier qu'il se comportait «comme un factieux» et était «dangereux» pour la France. Selon l'ancien Premier ministre, le député de Marseille aurait en effet tendance à «remettre en cause l'élection du président de la République» en critiquant sa légitimité à réformer le droit du travail, notamment parce qu'il affectionne la formule de «coup d'Etat social». «Une chose est de contester une politique, de la remettre en cause, c'est son droit mais il faut être respectueux des institutions et du vote», avait estimé Manuel Valls.
Une «attaque intolérable» et «simpliste»
Dans un billet sur son blog, le député de La France insoumise de Seine-Saint-Denis, a rapidement réagi à ce qu'il a qualifié d'«attaque intolérable» de la part de l'ancien Premier ministre. «Etre considéré en 2017 comme étant pro-islam est d’autant plus grotesque que je fais partie de ceux, comme Jean-Luc Mélenchon, qui sont favorables à l’interdiction des signes religieux dans les écoles : cette position de principe m’a valu parfois d’être affublé par certains du nom de laïcard», écrit-il pour rejeter l'accusation sur le fond.
Mais la forme employée par Manuel Valls afin de critiquer la France insoumise n'a pas non plus manqué de susciter l'indignation des membres de cette dernière. «Sans doute, les responsables du FN pensent ainsi, mais comment un homme comme Manuel Valls peut-il alimenter cette idéologie, si ce n’est au prix de sa dignité ?», s'interroge Alexis Corbière. «C’est là qu’est la perversion des auteurs de l’expression "islamo-gauchiste" : pour eux, quiconque s’oppose au racisme anti-musulman est montré comme un allié des fondamentalistes et des violents : on ne peut bâtir une société complexe avec des arguments aussi simplistes», estime-t-il.
Poussant plus loin la comparaison, Antoine Léaument, responsable de la communication numérique de Jean-Luc Mélenchon a, quant à lui, jugé que les «insultes» proférées par Manuel Valls relevaient entièrement du vocabulaire employé par le Front national. Publiant un extrait d'article daté de 2013, dans lequel Jean-Luc Mélenchon estimait que Manuel Valls avait été «contaminé» par la rhétorique frontiste, il y voit le signe que l'analyse alors formulée par son mouvement se voit désormais confirmée.
Si les dissensions politiques entre Manuel Valls et La France insoumise sont profondes et que leurs opinions paraissent parfois irréconciliables, la contestation de son élection dans l'Essonne par Farida Amrani, son opposante de La France insoumise lors des législatives de juin dernier, n'est sans doute pas étrangère à la défiance que nourrit Manuel Valls à l'égard du mouvement politique de Jean-Luc Mélenchon.