La réforme du code du travail portée par l'exécutif annonce un automne agité pour Emmanuel Macron. Le contenu des modifications qui seront apportées au droit du travail suscite d'autant plus de résistance que le gouvernement a décidé de privilégier les ordonnances sur le débat parlementaire – un modus operandimaintes fois dénoncé par des responsables politiques de tous bords. Sur le papier, la réforme promue par le gouvernement aurait donc de quoi pousser ses opposants à faire bloc dans la rue. Pourtant, entre les hésitations parfois ambiguës des uns et les nuances des appels lancés par les autres, l'opposition à la loi travail se fera en rangs dispersés.
Le 12 septembre : une manifestation syndicale qui divise la gauche
La première journée de mobilisation est prévue le 12 septembre dans plusieurs dizaines de villes en France, parmi lesquelles Paris, Marseille, Lyon, Toulouse ou encore Nantes. Au total, ce sont pas moins de 180 manifestations qui ont été annoncées, à l'initiative principale des syndicats, et notamment de la Confédération générale du travail (CGT), de la Fédération syndicale unitaire (FSU) et de Solidaires. L'Union Nationale des Etudiants de France (UNEF) participera également au cortège. Plusieurs fédérations locales d'autres syndicats, dont les centrales n'ont pas appelé à manifester, comme Force ouvrière (FO), ont pourtant annoncé qu'elles participeraient également à la manifestation, assumant donc une opposition frontale avec leur direction nationale.
Différents partis et responsables politiques ont annoncé qu'ils se joindraient à cette initiative. Tel est par exemple le cas du Parti communiste français (PCF) ou du Nouveau parti anticapitaliste (NPA). Le Mouvement du 1er juillet (M1717), de l'ancien candidat socialiste à la présidentielle Benoît Hamon, a également annoncé qu'il serait dans la rue ce jour-là. Jean-Luc Mélenchon et la France insoumise avaient dans un premier temps laissé planer un certain doute quant à leur participation à cette manifestation du 12 septembre : ils ont finalement précisé qu'ils seraient bien présents.
Du côté du Parti socialiste (PS), un communiqué particulièrement prudent a appelé à soutenir la manifestation sans appeler formellement à y participer, ménageant ainsi les différentes tendances au sein du parti, celui-ci continuant de se diviser quant à l'attitude à adopter face à Emmanuel Macron. Le Mouvement des jeunes socialistes (MJS), le député européen et chef des anciens frondeurs Emmanuel Maurel, ou encore François Kalfon, membre de la direction collégiale du parti ont fait savoir qu'ils seraient présents dans la rue le 12 septembre. A l'inverse, certains socialistes ont clairement annoncé qu'ils ne manifesteraient pas, à l'instar du député des Landes Boris Vallaud. «Le 12 septembre, c'est une manifestation syndicale qui n'est pas unitaire», a-t-il fait savoir au Grand rendez-vous d'Europe 1. La majorité des figures médiatiques du PS n'ont pas fait connaître leur décision, certaines avouant être encore hésitantes, comme Martine Aubry. «Je souhaiterais manifester le 12... je verrai avec les syndicats», a déclaré l'ancienne ministre socialiste du travail.
Plus curieusement, Florian Philippot, vice-président du Front national (FN), n'a pas exclu de participer à la manifestation du 12 septembre, même si sa présence est loin d'être certaine dans un cortège composé quasi-exclusivement d'organisations de gauche. Il a en effet évoqué la possibilité de venir soutenir les forains qui descendront également dans la rue pour protester contre une ordonnance qu'ils accusent de vouloir «ubériser» leur profession.
«Je connais bien les forains, ce sont mes amis et je n’exclus pas du tout d’aller leur passer un salut fraternel de soutien à leur mobilisation contre la loi Travail à Paris. Mais, on verra», a déclaré le numéro 2 du FN sur le plateau de Public Sénat le 11 septembre.
Le parti de Florian Philippot n'ayant pas appelé à manifester contre la réforme du code du travail, le président de l'organisation les Patriotes affirme donc un peu davantage, par cette déclaration, la singularité de la ligne politique qu'il défend au sein de son parti.
Le 23 septembre : Jean-Luc Mélenchon en cavalier seul ?
La France insoumise de Jean-Luc Mélenchon, si elle participera aux manifestations du 12 septembre, a toutefois décidé de poursuivre sa politique de rupture afin de prendre la tête de l'opposition de gauche à Emmanuel Macron. Le mouvement organise ainsi sa propre journée de mobilisation le 23 septembre. La nouvelle dynamique prônée par La France insoumise ne reposerait plus sur le rassemblement de forces et d'organisations différentes, mais sur la mobilisation d'individus et de groupes venus d'horizons différents, quitte à assumer une rupture franche avec d'autres partis de gauche. La manifestation du 23 septembre a d'ailleurs lieu, non en semaine, comme le veut la tradition syndicale, mais un samedi – un fait relativement inhabituel et qui ancre la démarche de la France insoumise dans le terrain politique et dans la volonté d'attirer le plus de monde possible
Pour autant, Jean-Luc Mélenchon ne méprise pas les soutiens ponctuels qui peuvent lui être apportés dans sa démarche. Si aucun syndicat n'a officiellement appelé à grossir les rangs de la manifestation du 23 septembre, les dirigeants de la France insoumise se montrent confiant quant à la présence de militants syndicaux le jour J. Le 11 septembre, c'est au tour de Benoît Hamon d'avoir annoncé qu'il serait présent. «Il a rompu la muraille de confinement politique que les chefs de la "vieille gauche" cherchaient à dresser, je considère sa décision et son appel public comme un événement politique de première importance : il faut saisir sans hésitation la main qui se tend», s'est enthousiasmé Jean-Luc Mélenchon.
Néanmoins, la démarche de la France insoumise apparaît comme une aventure solitaire aux yeux de certains responsables syndicaux qui n'hésitent pas à critiquer le choix de Jean-Luc Mélenchon. Le député des Bouches-du-Rhône se défend pourtant de toute volonté de concurrencer la manifestation syndicale du 12 septembre : «Il y a onze jours d’écart entre les deux, il n’y a pas de compétition». Pour autant, le scénario qui se déroulera en ce mois de septembre est loin d'être habituel, et les dissensions autant que les soupçons mutuels pourraient faire peser sur la mobilisation sociale un risque d'essoufflement, dont le gouvernement pourrait avantageusement tirer profit. Réponse dans la rue.