Finalement, Richard Ferrand quittera bien le gouvernement d’Edouard Philippe, selon les informations du Monde. Le 19 juin, le président Emmanuel Macron a demandé au ministre de la Cohésion des territoires de renoncer à ses fonctions, profitant d'un remaniement technique, formalité d'usage après des élections législatives. Une manière plutôt discrète d'exfiltrer Richard Ferrand. L'annonce devrait avoir lieu dans la journée du 20 juin.
Une sanction en réaction à l'affaire judiciaire à laquelle Richard Ferrand est mêlé ? Pas tout à fait : ce dernier s'est vu proposer de briguer la présidence du groupe La République en marche (LREM), après avoir été réélu député en Bretagne le 18 juin dernier. Cette sanction-promotion, soigneusement organisée après la réélection de Richard Ferrand à l'Assemblée nationale, a d'ores et déjà fait réagir bon nombre de personnalités politiques.
La plupart s'indigne et dénonce le double discours de LREM, à l'instar des Républicains. Dans un communiqué, le parti estime qu'Emmanuel Macron «tourne le dos à son objectif d’exemplarité dès le lendemain des élections». «Dans ces conditions, nous pouvons nous interroger sur la sincérité de l’exécutif à restaurer la confiance dans notre vie démocratique, qui fera pourtant l’objet du premier projet de loi qui sera soumis à la nouvelle Assemblée», poursuit Bernard Accoyer, secrétaire général des Républicains (LR) et auteur du texte.
Daniel Fasquelle, député LR du Pas-de-Calais, déplore que Richard Ferrand, qui n'est pas jugé «digne» de conserver ses fonctions ministérielles, se voit néanmoins «recyclé à la présidence du groupe LREM». L'élu de droite y voit le signe d'un «mépris pour l'Assemblée nationale».
Certains, comme Pierre-Henri Dumont, député-maire LR de Marck (Pas-de-Calais), soulignent les conditions avantageuses dans lesquelles le départ du ministre de la Cohésion des territoires a été organisé. Ce dernier bénéficierait en effet ainsi d'une immunité parlementaire le mettant potentiellement à l'abri des poursuites judiciaires liées à l'affaire qui porte désormais son nom.
Le Front national (FN) livre une analyse similaire de la situation. Florian Philippot, secrétaire national du parti, estime que Richard Ferrand a en réalité été «promu», ce qui ne correspond pas, d'après lui, aux objectifs de moralisation de la vie publique affichés par LREM.
Joffrey Bollée, conseiller régional d'Ile-de-France du FN, s'interroge même sur d'éventuels «dossiers» dont disposerait Richard Ferrand au sujet d'Emmanuel Macron pour se voir ainsi épargner une démission forcée.
Les parlementaires LREM accepteront-ils sans broncher ?
L'attitude des nouveaux élus LREM siégeant à l'Assemblée nationale vis-à-vis de cette décision prise par l'Elysée confirmera-t-elle leur indépendance, comme ils l'ont assuré au cours de la campagne des législatives, ou respecteront-ils la discipline de parti ? Car c'est bel et bien à eux qu'appartient la décision de désigner leur président de groupe par un vote.
Jean-Christophe Cambadélis, ancien premier secrétaire du Parti socialiste (PS), voit dans cet épisode un «test pour la majorité» et s'interroge sur la capacité des députés LREM à faire preuve d'indépendance en s'opposant éventuellement à l'élection de Richard Ferrand à leur tête.
Pour l'ancien député LR de la 11e circonscription des Français de l'étranger Thierry Mariani, une docilité des députés LREM qui accepteraient de confirmer par leur vote le reclassement de Richard Ferrand constituerait une «perte de toute crédibilité morale», conduisant à une Assemblée de «godillots».
Manuel Bombard, ancien directeur de campagne de Jean-Luc Mélenchon et candidat aux législatives de la France insoumise (FI), souligne également la responsabilité qui incombe désormais aux députés de la majorité présidentielle. Selon lui, il s'agit là d'une occasion pour eux de «montrer leur liberté» en proposant une autre candidature que celle décidée par Emmanuel Macron.
De son côté, Richard Ferrand ne semble pas changer sa ligne de défense, continuant à clamer son indépendance et à mettre en l'avant le fait qu'il n'a pas, pour l'instant, été mis en examen. «Si le Procureur souhaite m'entendre, il m'entendra, pas question d'immunité parlementaire», a-t-il assuré au micro de RTL le 20 juin au matin, semblant ainsi faire pleinement confiance à l'indépendance de la Justice.
Le nom du remplaçant de Richard Ferrand au ministère de la Cohésion des territoires sera connu dans l'après-midi du 20 juin, lorsque le remaniement opéré par Edouard Philippe sera officiellement annoncé. Quant aux parlementaires, ils ont jusqu'au 26 juin pour élire leurs présidents de groupe. Pour l'heure, l'ordre semble régner dans les rangs LREM et du MoDem, puisque aucun des 350 députés de la majorité présidentielle n'a encore émis de réserve quant à une éventuelle présidence de leur futur groupe par le ministre démissionnaire.
L'affaire Ferrand est devenu le premier couac de la présidence d'Emmanuel Macron depuis les révélations du Canard enchaîné le 24 mai dernier. Selon l'hebdomadaire satirique, Richard Ferrand, ex-secrétaire général d'En Marche! et ministre du gouvernement d'Edouard Philippe, aurait favorisé la signature, par les Mutuelles de Bretagne dont il était directeur général entre 1993 et 2012, d'un bail immobilier au profit de sa compagne, Sandrine Doucen. Le 30 mai, c'était au tour du journal Le Monde de publier de nouveaux éléments embarrassants. Selon le quotidien du soir, le ministre de la Cohésion des territoires aurait depuis une vingtaine d'années favorisé plusieurs de ses proches ainsi que ses intérêts personnels dans un véritable «mélange des genres» entre vie publique et affaires privées.