France

Parti turc, pirates, Nolan le «gifleur»... : ces candidatures étonnantes aux législatives

Un parti qualifié d'«officine d'Erdogan», un mouvement des 18-25 ans, un ancien présentateur météo, des monarchistes... : coups de com' ou véritables ambitions politiques, certaines candidatures aux législatives suscitent l'étonnement.

Les législatives sont des élections particulièrement propices à la multiplication des candidatures indépendantes, émanant de partis méconnus ou proprement insolites. Si peu d'entre eux ont de réelles chances de franchir le seuil des 12,5% de suffrages nécessaires pour accéder au second tour, l'occasion d'acquérir un peu de notoriété que leur offre cette échéance électorale constitue une motivation suffisante pour les conforter dans leur démarche. Petit tour d'horizon de ces candidats qui sortent du lot.

Egalité et justice, «officine d'Erdogan» en France ?

C'est une première pour des élections législatives : le parti Egalité et justice (traduction littérale du nom de l'AKP, formation politique turque présidée par Recep Tayyip Erdogan), a investi 52 candidats en France. Espérant franchir la barre des 1% pour obtenir un financement public, le parti, fondé en 2015, dit vouloir assurer la défense des «classes populaires, populations issues de la diversité et déçus du système». Il demande en outre un «moratoire sur la laïcité». Présentant notamment des candidates arborant le voile sur leurs affiches, le parti a beaucoup fait réagir les réseaux sociaux ces derniers jours.

Cette formation politique a été accusée d'être une «officine d'Erodgan» par plusieurs personnalités, dont le secrétaire national du Parti communiste français (PCF) Pierre Laurent, qui a dénoncé une ingérence de la Turquie dans les élections législatives dans les colonnes de L'Humanité. «Il s'agit sans aucun doute de la part du président Erdogan et de son parti, l'AKP, de peser sur les orientations de notre politique internationale», a déclaré le sénateur communiste de Paris, affirmant que l'organisation comptait en son sein «des islamistes et des fascistes».

Le Parti Egalité et justice avait été créé à l'occasion des élections départementales de 2015, suscitant déjà à l'époque des craintes au sein de la classe politique.

Allons enfants!, le parti des 18-25 ans

Le parti Allons enfants! fait ses premiers pas électoraux à l'échelle nationale. Créé en 2014 à l'occasion des municipales dans la ville de Saint-Cloud, cette organisation ne présente certes que 59 candidats, mais elle entend «renouveler la politique» en promouvant des figures jeunes. Tous les candidats sont âgés de 18 à 25 ans et ont le point commun de n'être «ni de gauche ni de droite, mais un peu des deux». 

«Nous sommes par exemple pour le versement d’une dotation de 5 000 euros aux jeunes dès 18 ans, pour les aider à financer leurs études ou à entreprendre», explique à La Voix du Nord Léa Deturche, candidate à Lille, âgée de 21 ans. La campagne législative d'Allons enfants! a bénéficié d'une opération de financement collaboratif lancée sur internet. 

La 11e circonscription de l'Essonne : le tournoi de l'insolite

On connaît les déboires de Manuel Valls, ancien Premier ministre ayant échoué à obtenir l'investiture de La République en marche (LREM) et qui se présente sans bénéficier du soutien officiel du Parti socialiste (PS). La bataille électorale qu'il livre dans son fief de la 11e circonscription de l'Essonne l'oppose au chanteur Francis Lalanne, qui se présente en tant que suppléant d'un restaurateur de la ville, sous les couleurs du Collectif 100%, un mouvement «écologiste et citoyen».

Pour ajouter du piquant à cette situation déjà insolite, l'humoriste Dieudonné a également annoncé qu'il se présenterait face à Manuel Valls dans cette même circonscription. Plus ubuesque encore : son suppléant n'est autre que Nolan Lapie, le jeune homme qui avait giflé l'ancien Premier ministre en Bretagne. Un goût de revanche pour l'humoriste, dont Manuel Valls avait fait interdire le spectacle alors qu'il était ministre de l'Intérieur.. Malgré l'absence de concurrents issus de LREM ou du PS, Manuel Valls serait en grande difficulté face à sa concurrente de La France insoumise (LFI), Farida Amrani, contre laquelle il arriverait à égalité au second tour, selon un récent sondage.

Le Parti pirate cherche à s'implanter en France

Créé en France en 2006, le Parti pirate défend notamment «le partage de la culture et de l’information», portant une attention toute particulière aux questions du numérique. Dans certains pays, cette formation politique connaît un succès fulgurant, comme en Allemagne, où elle est parvenue à faire élire un eurodéputé, plusieurs dizaines de candidats dans des parlements régionaux et à occuper jusqu'à 10% des sièges au Sénat de Berlin.

Présents à l'occasion de ces législatives dans seulement 75 circonscriptions, les pirates ne prennent pas pour autant ces candidatures à la légère, détaillant un programme ayant pour ambition d'obtenir le dépassement des «intérêts privés, commerciaux ou politiques». Très actifs sur les réseaux sociaux, leurs militants et leurs membres espèrent parvenir à implanter ce parti dans le paysage politique français. 

Le centriste de Corrèze converti au rap

Jean-Marc Comas est candidat indépendant dans la deuxième circonscription de Corrèze, terre qui donna à la République française deux de ses présidents sous la Ve République. Foin de tradition pour ce médecin, adjoint à la Culture au maire de Brive-la-Gaillarde : pour se faire connaître, ce centriste ayant échoué à obtenir l'investiture de l'Union des démocrates et indépendants (UDI) a décidé de se mettre au rap. Sa prestation a suscité l'engouement des réseaux sociaux.

Las de «ces politicards qui changent de costards comme on prend Blablacar», Jean-Marc Comas ne mâche pas ses mots : «Si vous saviez mes frères où sont les vraies racailles», n'hésite-t-il pas à dénoncer, attaquant «l'oligarchie» de Corrèze dans un style résolument moderne et novateur qui semble faire mouche auprès des jeunes.

L'ancien monsieur météo converti au centrisme

Tout Français disposant d'un poste de télévision et ayant vécu la fin du millénaire dernier connaît Patrice Drevet, l'un des présentateurs phares de la chaîne France 2, dont la bonhomie et la sympathie accompagnèrent les prédictions télévisées de Météo-France pendant plusieurs années. Candidat dans la première circonscription de l'Hérault avec le soutien de l'UDI, l'ancienne star de la télévision espère capitaliser sur ses attraits télégéniques afin de pouvoir siéger au palais Bourbon. 

Patrice Drevet est déjà conseiller municipal de Pézenas dans l'Hérault et président du club de pétanque de Neuilly-sur-Seine, en région parisienne. C'est sur demande expresse de Jean-Louis Borloo, l'ancien président de l'UDI, qu'il avait consenti à se présenter aux législatives en 2012... avant que l'alliance des centristes avec l'UMP (ancien nom des Républicains) ne rende caduque son investiture. Il avait alors rejoint un parti écologiste pendant plusieurs années, estimant que «l'avenir est le présent le plus précieux que nous faisons à nos enfants». Une formule devenue depuis sa devise en politique

L'Alliance royale, les monarchistes modérés

Fondée en 2001, l'Alliance royale entend «sortir du sortilège républicain» tout en rejetant l'éventualité d'une prise du pouvoir par la force. Pour ce parti, présidé par l'ancien député Pierre Bernard, les élections législatives ne sont pas seulement une occasion de gagner un peu de visibilité : leur projet entend bel et bien s'appuyer sur les institutions républicaines existantes pour mettre en place une monarchie constitutionnelle. 

L'Alliance royale présente près de 15 candidats dans la France entière, même si la plupart sont présents dans des circonscriptions proches de Paris, de Chartres ou dans l'ouest de la France. Il est à noter que le parti prend soin de ne pas se positionner sur la très épineuse question de la succession, disputée entre orléanistes et légitimistes depuis la mort du comte de Chambord en 1883. «L’Alliance royale ne se prononce pas sur le prince parce que les conditions et le contexte du retour du roi sont inconnus», est-il précisé sur le site internet du parti qui prophétise : «L'Histoire décidera.»

Catherine Deneuve candidate à Rochefort

Fondé en 2016, le parti animaliste, qui prône l'abolition du spécisme et la reconnaissance d'un droit animal, présente une certaine Catherine Deneuve... à Rochefort. Curiosité homonymique, cette enseignante de 60 ans, par ailleurs conseillère municipale d'un village des environs, défendra les couleurs de son parti dans la ville où fut tourné le célèbre film de Jacques Demi Les Demoiselles de Rochefort, avec comme vedette principale la comédienne du même nom. «Je n'ai pas été parachutée !», précise-t-elle au Parisien, confirmant ainsi que le hasard faisait bien les choses et que sa candidature dans cette ville ne devait rien à une quelconque manœuvre communicationnelle.

Cindy Lee, candidate pour le plaisir

Les férus de politique la connaissent bien : Cindy Lee, chef de file du Parti du plaisir, se présente à la députation dans la septième circonscription de Paris – où se trouve par ailleurs la fameuse rue Saint-Denis, haut lieu interlope de la capitale. 

Cette ancienne strip-teaseuse est une farouche partisane de l'«épanouissement sexuel». Militant pour la transparence en dévoilant sa poitrine devant l'Assemblée nationale, ce qui lui avait valu une arrestation en bonne et due forme par la police, elle a déjà été candidate dans cette même circonscription en 2007 et en 2012. Au cours de ces deux mêmes années, elle n'était pas parvenue à recueillir les 500 parrainages nécessaires pour pouvoir se présenter à l'élection présidentielle.

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