France

Benoît Hamon, la fin d'un chemin de croix

Depuis sa désignation lors de la primaire à gauche, le candidat officiel du Parti socialiste n'a cessé de dégringoler dans les sondages. Mais c'est à son propre parti qu'il doit les chausse-trappes et les trahisons qui l'ont amené à 6,35%.

Benoît Hamon a-t-il malgré lui endossé le rôle du bouc émissaire responsable de toutes les fautes du Parti socialiste (PS) afin de les expier ? Quoi qu'il en soit, le candidat socialiste, droit dans ses bottes, est allé au casse-pipe.

Pris en tenaille entre Jean-Luc Mélenchon sur son flanc gauche et Emmanuel Macron sur sa droite, le général Hamon, avait déjà peu de marge de manœuvre. Mais il a, de surcroît, dû faire face non seulement aux désertions de ses troupes mais aussi aux trahisons.

C'est la double peine : Benoît Hamon s'est retrouvé à la fois épinglé par les électeurs d'un PS plombé par le mandat de François Hollande et, dans le même temps, désavoué par la «gauche de gouvernement».

Laquelle n'a pas longtemps caché qu'elle lâcherait le candidat de la «Belle Alliance» en rase campagne pour rejoindre un Emmanuel Macron incarnant la continuité avec François Hollande. Aussi, Benoît Hamon ne pouvait qu'être le liquidateur du Parti socialiste. Un parti réduit à peau de chagrin, avec seulement 6,35% (selon les résultats quasiment définitifs) et qui pourrait bien suivre Europe écologie les verts (EELV) dans les abysses.

La légitimité que lui ont donnée les électeurs de la primaire de la gauche et du centre ne lui aura pas suffi pour rassembler le PS autour de lui.

Mais c'est aussi le programme de Benoît Hamon qui l'aura entraîné vers le fond. Elaborées pour un congrès du PS plutôt que pour une campagne présidentielle, dans une ultime tentative de renouvellement d'un parti essoufflé, les mesures du candidat, comme le revenu universel ont rapidement été jugées utopiques et irréalisables. En particulier par l'aile sociale-libérale du PS, qui de plus, n'a pas oublié que Benoît Hamon, ministre de l'Education, une fois évincé du gouvernement en 2014 en compagnie d'Arnaud Montebourg et d'Aurélie Filippetti, avait rejoint la fronde à l'Assemblée nationale contre François Hollande.

Finalement, Benoît Hamon aura surtout convaincu un électorat «bobo» et parisien, friand d'idées, voire d'idéaux, mais déconnecté du réel et du terrain. En témoigne le succès d'estime du candidat auprès de la rédaction du magazine musico-politique Les Inrocksqui se prononçait le 19 avril 2017 massivement pour Benoît Hamon dans un tweet depuis supprimé.

Le Parti socialiste déjà ailleurs

Mais à la défaite stratégique s'est aussi ajoutée l'humiliation de l'abandon par Manuel Valls ou le maire de Lyon, Gérard Collomb. Parmi toutes les défections, c'est celle de Jean-Yves Le Drian qui lui a donné le coup de grâce. Dès le 19 mars 2017, malgré les appels du pied de Benoît Hamon à son compatriote breton, le populaire ministre de la Défense s'affichait aux côtés d'Emmanuel Macron lors d'un meeting à Nantes, avant d'officialiser son soutien au candidat d'En Marche! – un secret de polichinelle – quelques jours après.

Jean-Luc Mélenchon, un temps invité en vain à se rallier au Parti socialiste, a eu raison : le PS était bien un «corbillard» auquel il ne fallait pas s'accrocher.

Qui plus est, aux abois ou victime consentante, le PS aurait déjà entamé, comme le rapporte entre autres Le Parisien, des négociations avec En Marche! en vue des législatives. Une sorte de pacte de non-agression, qui permet aux fuyards du PS de rejoindre les rangs du mouvement d'Emmanuel Macron, destiné à devenir un véritable parti.

Le PS pourrait ainsi connaître le sort de son homologue grec, le Pasok, passé de l'exercice du pouvoir à la marginalisation. Après le quinquennat de François Hollande et la déroute de Benoît Hamon, il n'est pas sûr que ce qui reste du vieux parti de Jean Jaurès parvienne à se relever.

Alexandre Keller

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