Une fois de plus, RT attire l'attention des médias français : il s'agit cette fois d'un article publié sur Lexpress.fr et sobrement intitulé «RT, chaîne de désinformation» - un titre qui laisse présager d'une objectivité journalistique à l'épreuve de tout soupçon.
Comme l'impose l'exercice à la mode ces derniers temps, l'article en question reprend tous les poncifs du genre : exemples élevés au rang de démonstration, raccourcis fallacieux et accusations formulées à demi-mot. Ce sont ces dernières qui prêteraient le plus à sourire si elles ne témoignaient pas franchement d'un procédé presque indécent. Ainsi, RT n'est pas «dirigé», «conduit» ou même «managé» par Margarita Simonyan, sa rédactrice en chef, non. RT est «sous la coupe de cette ancienne reporter chargée du Kremlin». Evoquant le fait que RT serait «souvent accusée de déformer les faits, parfois gravement», l'article ne donne pas davantage d'exemples qu'il ne cite les auteurs de ces accusations. Serait-ce parce qu'elles émanent de son auteur? Le qualificatif d'agence de presse, appliqué à Sputnik, se retrouve subitement affublé de guillemets, sans qu'aucune forme de justification ne vienne expliquer ce biais flagrant de l'information.
A propos des courriels d'Hillary Clinton révélés par Wikileaks, l'article cite Ekaterina Mavrenkova, chef d'édition pour la chaîne anglaise de RT : «Le contenu des courriels a été largement ignoré par les médias grand public.» Immédiatement, le journaliste de l'Express ajoute : «Ce qui reste à prouver.» Mais il lui suffirait de se pencher sur les articles publiés par son propre hebdomadaire pour s'en rendre compte.
Mais l'élément qui, dans cet article, ne manque pas d'attirer l'attention, c'est bel et bien cette phrase qui en dit bien plus qu'il n'y paraît : «RT est passée maître dans l'art de retourner les arguments de l'Occident». On imagine qu'il s'agit là, dans l'esprit de son auteur, d'une critique ajoutée à un amoncellement déjà laborieux de reproches. Ne serait-ce pas plutôt un aveu quasi inconscient? Car, n'est-ce pas l'essence même de l'analyse que d'inspecter les présupposés de la pensée toute faite? N'est-ce pas précisément ce devoir intellectuel qui fait aujourd'hui défaut dans le paysage médiatique international et qui pousse légitimement les lecteurs à se tourner vers des sources plus critiques, donc plus objectives?
Pourquoi donc RT se trouve-t-il être et l'objet d'un engouement et le centre d'une attention parfois agressive ces derniers temps ? Au détour d'une phrase de cet article, une piste d'éclaircissement apparaît : «L'objectif de RT est clair: "casser le monopole" des médias.» Dans un contexte de morosité économique suscitant l'inquiétude toute compréhensible de certains médias, peut-être est-ce là la véritable explication?