La secrétaire d'Etat Axelle Lemaire et le Conseil national du numérique contre le fichage
Axelle Lemaire et le Conseil national du numérique sont publiquement montés au créneau pour affirmer leurs désapprobations vis-à-vis de la mise en place par le gouvernement d'un mégafichier concernant des données de 60 millions de français.
S'agira-il d'un nouveau «couac» pour le gouvernement ? Axelle Lemaire, la secrétaire d'Etat au Numérique, a confié le lundi 7 novembre au journal L'Opinion qu'elle n'était pas d'accord avec la mise en place du mégafichier baptisé Titres électroniques sécurisés (TES).
Axelle Lemaire a ainsi critiqué la forme et le fond de l'initiative gouvernementale. La ministre affirme ainsi avoir découvert l’existence du fichier après sa parution au Journal Officiel le 1er novembre dernier : «Ce décret a été pris en douce par le ministère de l'Intérieur, un dimanche de la Toussaint, en pensant que ça passerait ni vu ni connu. C'est un dysfonctionnement majeur».
Selon la secrétaire d'Etat, la réflexion et la construction de ce fichier est «l'œuvre de la technostructure : l'administration a son propre agenda, elle se contrefiche du moment politique».
Un décret du gouvernement paru au Journal Officiel le 1er novembre, a officialisé la «création d’un traitement de données à caractère personnel commun aux passeports et aux cartes nationales d’identité». Le fichier TES réunit les données (identité, couleur des yeux, domicile, photo, empreintes digitales...) de tous les détenteurs d'un passeport français et d'une carte d'identité nationale française.
Le Conseil national du numérique hausse le ton et demande la suspension du mégafichier
Axelle Lemaire n'est pas la seule à élever la voix contre le mégafichier. D'autres «acteurs » du numérique ont également fait entendre leurs réserves et leurs critiques.
Le Conseil national du numérique (CNNum) a ainsi demandé la suspension de la constitution du mégafichier regroupant les données personnelles contenues dans les passeports et les cartes d'identité des Français.
Le CNNum indique dans un communiqué publié le 7 novembre que ce mégafichier de titres électroniques sécurisés (TES) pourrait à terme «conserver les données biométriques de près de 60 millions de Français dans une base centralisée».
Selon le Conseil national du numérique, «un dialogue avec les communautés d’experts aurait certainement pu permettre au gouvernement d’explorer des alternatives techniques plus résilientes et respectueuses des droits des citoyens, tout en permettant d’atteindre les mêmes objectifs».
[Communiqué de presse] Le CNNum appelle le Gouvernement à suspendre le #FichierMonstre >>https://t.co/6vFq5b0hWw cc: @BCazeneuve@JJUrvoaspic.twitter.com/x5hRRvNt9Y
— CNNum (@CNNum) 7 novembre 2016
Le Conseil national du numérique a également déploré «l'absence de toute concertation préalable à la publication de ce décret» et a invité le gouvernement à ouvrir «une réflexion interministérielle» sur le sujet.
Selon l'instance, ce fichier laisse en effet «la porte ouverte à des dérives aussi probables qu'inacceptables». Le Conseil national du numérique a également estimé que le gouvernement minimisait les conséquences que ce mégafichier pourrait avoir. Selon le CNNum, «l’identification systématique de la population avec les moyens de la reconnaissance faciale ou de la reconnaissance d’image, à des fins policières ou administratives» serait possible.
Le CNNum est un organe consultatif qui a pour mission de formuler des recommandations sur les questions liées à l'impact du numérique sur la société et sur l'économie.
La nouvelle base de données TES est décrite par le ministère de l’Intérieur comme une étape de «modernisation» nécessaire. Elle doit remplacer le précédent TES (consacré aux passeports) et le Fichier national de gestion (consacré aux cartes d’identité), qui seront combinés dans ce nouveau fichier.
La police, la gendarmerie, les douanes, les services de renseignement auront accès aux données du TES pour «prévenir les atteintes aux intérêts fondamentaux de la Nation». Selon le Code de la sécurité intérieure, ces «intérêts fondamentaux» vont de la lutte contre «les atteintes à la forme républicaine des institutions» à «la criminalité et la délinquance organisées» en passant par les «violences collectives de nature à porter gravement atteinte à la paix publique».
Sous certaines conditions, des données issues du TES (à l’exception des empreintes digitales) pourront aussi être transmises à Interpol ou au système Schengen.
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