Une version de La Belle et la Bête de Jul jugée «inadaptée» aux CM2 par Élisabeth Borne

Le ministre de l’Éducation Élisabeth Borne a estimé que la version modernisée de La Belle et la Bête par le dessinateur Jul, annulée par l’Éducation nationale, n’est «pas adaptée» aux élèves de 10 ans sans accompagnement, malgré son «talent».
Une polémique inattendue secoue le monde de l’éducation et de l’édition. La nouvelle version illustrée de La Belle et la Bête, commandée par l’Éducation nationale à Julien Berjeaux (Jul) pour l’opération «Un livre pour les vacances», ne verra pas le jour sous sa forme initiale. Prévue pour 800 000 élèves de CM2, cette édition a été annulée à la dernière minute, jugée «pas adaptée» par la ministre Élisabeth Borne. Invitée sur CNews ce jeudi 20 mars, elle a expliqué : «Jul a beaucoup de talent, il manie l’ironie, le second degré. Mais sans accompagnement pédagogique, je pense que ça n’est pas adapté.»
Un contenu revisité et pas adapté à un public jeune
L’ouvrage, basé sur le texte de Jeanne-Marie Leprince de Beaumont (1756), revisite le conte avec une touche contemporaine : un marchand algérois ruiné, des princesses en baskets adeptes des réseaux sociaux, et un père chantant du Sardou un verre à la main. Pour la directrice générale de l’enseignement scolaire, Caroline Pascal, ces éléments – alcool, réseaux sociaux, réalités sociales – sont trop complexes pour des enfants de 10-11 ans en lecture autonome. «L’ouvrage pourrait susciter des questions sans réponses adaptées», a-t-elle écrit dans une lettre à Jul le 17 mars, stoppant net l’impression.
Jul, connu pour «Silex and the City», bande dessinée adaptée en série télévisée crie à la «censure». «Les prétextes fallacieux invoqués ne tiennent pas une seconde», s’indigne-t-il, défendant un livre «tendre et féerique». Il pointe du doigt une frilosité face à sa modernisation : des héroïnes «frisées, à la peau mate», loin des stéréotypes blonds des contes traditionnels. «On croirait Trump censurant des livres», ironise-t-il, évoquant une dérive politique.
L’Éducation nationale, qui avait validé le projet sous Nicole Belloubet puis Anne Genetet, fait machine arrière. Borne nuance : «Le travail de Jul n’est pas remis en cause», mais l’ouvrage, initialement préfacé par ses soins, nécessiterait un cadre scolaire pour être exploité. GrandPalais-RMN Editions prévoit de l’éditer indépendamment. En attendant, les élèves recevront une réédition de L’Odyssée. «C’est une belle histoire qui mérite d’être connue», conclut la ministre, éteignant, pour l’instant, la polémique.