Mustapha Berraf (président de l’ACNO) : « L’Afrique a demandé à ce que les athlètes russes participent aux JO de Paris »

Mustapha Berraf (président de l’ACNO) : « L’Afrique a demandé à ce que les athlètes russes participent aux JO de Paris »© RT
INTERVIEW
Mustapha Berraf, président du comité olympique d'Afrique (ACNOA) se livre à RT dans une interview exclusive
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Notre correspondant Igor Kourachenko a rencontré Mustapha Berraf, président de l’ACNO (comité olympique d'Afrique) et membre du CIO. Ouverture des JO, pollution de la Seine, polémiques France-Algérie, exclusion des athlètes russes… Le responsable algérien a répondu sans ambages aux questions de notre journaliste. Voici son récit d’interview.

Si j’étais arrivé quelques minutes plus tard, cette interview n’aurait probablement pas eu lieu. J’ai vu sa voiture démarrer, elle quittait l’hôtel du Collectionneur à Paris, le lieu de notre rendez-vous. C’était ma faute : je suis arrivé en retard, mais Mustapha Berraf, sans trop hésiter, m’a donné une seconde chance en m’invitant à le rejoindre dans sa voiture.

C’est là, sur les sièges arrières d’un luxe flambant neuf, qu’il m’a proposé la solution: on allait d’abord aller chercher son assistant à un hôtel, puis récupérer les costumes pour l’Assemblée générale de demain. Ce n’est qu’ensuite qu’il pourrait m’accorder une interview. Heureux de ce dénouement, je me suis empressé d’accepter sa proposition. Chemin faisant, on échangeait sur le déroulement de ces jeux, du sport en Afrique et de son propre parcours professionnel. Les circonstances de cette rencontre ont été exceptionnelles, il est rare qu'un haut fonctionnaire accorde avec tant de simplicité et de bienveillance une entrevue à un journaliste qu'il rencontre pour la première fois et lui réserve un accueil si chaleureux.

Pourquoi cette introduction ? Elle explique en quoi cette interview est une exclusivité absolue. Exclusive non seulement par les circonstances inhabituelles de notre rencontre, mais surtout par l’égard dont Mustapha Berraf a fait preuve envers un journaliste venu le torturer pendant dix ou vingt minutes avec des rafales de questions, et cela, après plusieurs autres rencontres importantes lors de la journée. D’ailleurs, ni Mustapha Berraf, ni son assistant ne m’ont demandé les questions en avance. C’est un facteur de plus qui montre à quel point notre échange s’est avéré franc, honnête et intéressant.

Nous avons abordé, me semble-t-il, tous les sujets brûlants du sport international, à commencer par l’organisation de ces Jeux et la cérémonie d’ouverture. « L’organisation de ces JO a été parfaite. La cérémonie d’ouverture a été une cérémonie exceptionnelle » a soutenu mon interlocuteur au tout début de l’interview. Mais si elle était à ce point parfaite d’où viennent les critiques dans la presse fustigeant notamment la séquence où les drag-queens incarnent la Cène ? C’était ma question suivante. Mustapha Berraf n’a pas commenté ce scandale préférant se limiter à une réponse plus générale : « Il ne faut pas tenir compte de ces aléas, il faut tenir compte du positif ».

Pollution de la Seine ? L’opération nettoyage est en soi un acquis

Et quid de la pollution de la Seine ? Au début des JO, ce sujet était sur toutes les lèvres. Les organisateurs ont annulé deux entrainements de suite et ont reporté une fois la compétition. Le jour où ils l’ont autorisée, les athlètes se sont plaints de la qualité de l’eau. Le monde entier a vu en direct un triathlète canadien vomir devant les caméras après avoir nagé dans le fleuve. Pour Mustapha Berraf, l’opération ‘nettoyage’, quoique difficile dans sa réalisation, est déjà en soi un acquis important : « Personnellement, je crois qu’il est extrêmement difficile et compliqué de mener à bien cette mission. Mais le fait d’y avoir pensé, le fait d’y avoir mis tous ses moyens, constitue déjà un grand pas en avant ».

Le sujet central de notre conversation portait sur le développement du sport en Afrique. « Vous savez que les choses dans le continent sont extrêmement compliquées », c’est par cette phrase que mon interlocuteur a commencé la discussion. Il a donné un exemple de ces défis dans le domaine de la logistique : « Si vous voulez aller de Bosnie en Croatie, vous prenez votre voiture et vous y allez. Si vous voulez aller de l’Ethiopie au Nigéria, il faudra faire trois escales ». S’y ajoutent les défis sécuritaires et économiques.

La France ? Un pays souverain

Malgré tout, le CIO ne baisse pas les bras. C’est du moins ce que réponse de Mustapha Berraf donne à penser : « Nous essayons, quant à nous, d’identifier les talents. Et nous essayons aussi de leur donner des moyens modestes, mais qui leur permettent aussi de se préparer convenablement à affronter les grands défis du sport de notre temps ». Comment cela marche concrètement ? Exemple concret : au lendemain de notre interview, l’ACNOA a conclu un accord de coopération avec la Fédération Internationale du sport scolaire. Ses filiales au niveau national organisent des compétitions scolaires, régionales et nationales. C’est là où on identifie les sportifs de talent qui participeront par la suite à des compétitions internationales dont s’occupe directement la Fédération Internationale du sport scolaire.

Je n’ai pas pu m’empêcher de poser la question à Mustapha Berraf, citoyen d’un pays musulman, de la décision des autorités françaises d’interdire les hidjabs pour ses sportives. L’interviewé semble avoir pesé chaque mot en répondant. « La France est un pays souverain avec un gouvernement souverain. Ils sont libres de prendre les décisions qu’ils veulent » a-t-il lancé au début. Très amical à l’égard de la France tout au long de notre interview, Mustapha Berraf se voit pourtant contraint d’exprimer, doucement, mais avec fermeté, son désaccord avec la position française : « Si quelqu’un met un foulard, je pense que ce n’est pas nécessaire de s’attacher à ces détails ». La logique est simple : c’est le résultat qui compte et pas l’apparence.

Le sport et la politique doivent être différenciés

La fin de l’interview a été marquée par une question sensible que je n’ai pas pu ne pas poser à mon interlocuteur : ne serait-ce pas mieux si la Russie pouvait participer à ces JO ? À ma surprise, Mustapha Berraf a exposé une position qui diffère de celle de Thomas Bach, ardent défenseur des sanctions antirusses. « L’Afrique a été le continent qui par ma modeste voix a demandé à ce que les athlètes russes participent aux JO de Paris », a déclaré l’interviewé. Selon lui, le sport et la politique doivent être différenciés. Mustapha Berraf a cité un exemple personnel pour appuyer sa position : « Du temps où j’étais athlète, de mon temps, il y avait le président de la République algérienne Boumédiène. J’étais en équipe nationale, je ne pouvais pas lui demander ce qu’il faisait au plan politique. Cela ne relevait pas de mes prérogatives, ce n’est pas de mes responsabilités ».

Vers la fin de notre interview, Mustapha Berraf a salué « toutes les dames et tous les hommes africains ». Mais le plus intéressant s’est produit, après avoir éteint nos caméras. Mon interlocuteur m’a gentiment invité à visiter l’Assemblée générale de l’ACNOA. Ce que j’ai fait le lendemain. Quant à notre entretien, il a duré en tout une vingtaine de minutes. Ce temps a suffi pour aborder de nombreux sujets qui intéressent à la fois le public africain et russe.

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