France : le projet de loi immigration en partie censuré par le Conseil constitutionnel
- Avec AFP
Le Conseil constitutionnel français a très largement censuré ce 25 janvier la loi immigration, en particulier les mesures visant à durcir le texte du gouvernement adoptées en décembre, sous la pression de la droite, qui ont fait tanguer le camp présidentiel.
Un mois après une adoption chaotique au Parlement, les neuf «Sages» du conseil chargé notamment de se prononcer sur la conformité à la Constitution des lois ont ce 25 janvier retoqué la plupart des mesures les plus décriées : durcissement de l'accès aux prestations sociales pour les étrangers non européens, quotas migratoires annuels, resserrement des critères du regroupement familial, «caution retour» étudiante...
«Le Conseil constitutionnel valide l’intégralité du texte du gouvernement», a réagi le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin sur X (ex-Twitter), ajoutant que l'exécutif prenait acte «de la censure de nombreux articles ajoutés au Parlement, pour non-respect de la procédure parlementaire».
Loi immigration : le Conseil constitutionnel valide l’intégralité du texte du Gouvernement : jamais un texte n’a prévu autant de moyens pour expulser les délinquants et autant d’exigence pour l’intégration des étrangers !
— Gérald DARMANIN (@GDarmanin) January 25, 2024
Le Gouvernement prend acte, comme j’ai pu l’indiquer lors…
Une censure à laquelle il s'attendait – et que certains au sein de l'exécutif espéraient en partie – puisque de l'aveu même de Gérald Darmanin, plusieurs dispositions étaient «manifestement et clairement contraires à la Constitution».
À l'inverse, le président du Rassemblement national (RN), Jordan Bardella, a dénoncé «un coup de force des juges, avec le soutien du président de la République lui-même». «La loi immigration est mort-née. La seule solution, c’est le référendum sur l’immigration», a insisté le patron d'un parti qui avait salué une «victoire idéologique» après l'adoption du texte.
La décision du Conseil constitutionnel, scrutée par les associations de défense des sans-papiers comme par toutes les forces politiques du pays, rebat les cartes, avant la promulgation du texte par Emmanuel Macron. En effet, 35 des 86 articles du projet de loi ont été totalement ou partiellement censurés, selon la décision consultée par l'AFP. Le Conseil a estimé pour l'essentiel d'entre eux – 32, précisément – qu'ils n'avaient pas leur place dans le périmètre de ce texte de loi. Il s'agit de «cavaliers législatifs», qui pourraient toutefois réapparaître plus tard dans d'autres textes.
Les mesures emblématiques de la droite censurées
Un soulagement pour certains, y compris au sein même de la majorité, dont 27 des 248 députés s'étaient opposés au texte, tandis que le ministre de la Santé Aurélien Rousseau, tenant de l'aile gauche du gouvernement, démissionnait après son adoption.
«C'est une victoire ce soir», a aussi réagi lors d'un rassemblement associatif près du Conseil constitutionnel le président de l'ONG Amnesty International, Jean-Claude Samouiller. Des associations, collectifs, juristes et syndicats avaient prévu de dénoncer ce 25 janvier près du Conseil à Paris un texte «portant gravement atteinte aux droits des personnes exilées».
Pour Les Républicains (LR, opposition) et le Rassemblement national, la large censure de nombreuses mesures emblématiques de la droite risque de relancer le débat sur une éventuelle réforme constitutionnelle, brandie sans cesse par ces partis sur les questions migratoires. Le coordinateur de La France insoumise (LFI) a lui estimé que la loi, «totalement amputée» par la censure, n'avait «aucune légitimité» et devait dorénavant «être retirée» par le gouvernement.
Très controversée, la mesure allongeant la durée de résidence exigée pour que des non-Européens en situation régulière puissent bénéficier de certaines prestations sociales (allocations logement ou familiales...) a ainsi été totalement censurée.
Idem pour le resserrement des critères du regroupement familial (avec une durée de résidence requise passant de 18 à 24 mois), l'instauration d'une «caution retour» pour les étudiants étrangers ou la fin de l'automaticité du droit du sol pour les enfants d'étrangers nés en France. L'instauration de quotas migratoires annuels déterminés par le Parlement après un débat obligatoire, elle, a été jugée inconstitutionnelle, ce qui fera jurisprudence.
Le projet de loi conserve néanmoins la structure initialement souhaitée par le gouvernement, avec un large volet de simplification des procédures pour expulser les étrangers délinquants, l'un des objectifs du ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin. Un article sur les régularisations de travailleurs sans papiers dans les métiers en tension, qui avait cristallisé les débats de l'automne, est bien validé par les Sages.