France

Programmation budgétaire : les oppositions parviennent à se coaliser contre l'exécutif

Au grand dam de l'exécutif, les oppositions se sont mobilisées pour le mettre en échec plusieurs fois lors du vote de la programmation budgétaire 2023-2027, exaspérant notamment Gabriel Attal qui a épinglé «l'irresponsabilité» des députés.

Le gouvernement a eu un avant-goût du débat houleux sur le budget qui l'attend dès le 12 octobre à l'Assemblée nationale, l'opposition ayant détricoté le projet de loi de programmation budgétaire 2023-2027 avec le rejet de plusieurs articles clé.

Vous n'avez pas, M. le ministre, le droit de traiter les députés d'irresponsables

«Ce qui s'est passé ici ce soir est grave !», s'est indigné le ministre des Comptes publics Gabriel Attal, au terme du débat dans un tumulte général. «Le message qui a été envoyé c'est qu'une coalition de l'irresponsabilité a renvoyé l'image d'un pays qui est incapable de se fixer comme objectif de maîtriser sa dépense publique», s'est-il emporté, furieux.

«Vous n'avez pas, M. le ministre, le droit de traiter les députés d'irresponsables», a rétorqué aussitôt le patron des élus communistes André Chassaigne. «Vous vous comportez comme un insolent qui ne respecte pas la représentation nationale», a-t-il ajouté. «Ce ne sont pas l'intégralité des oppositions qui ont tort, c'est évidemment vous qui avez tort», a dénoncé à son tour la présidente du groupe RN Marine Le Pen. 

Le débat sur ce texte, qui avait été rejeté par la commission des Finances il y a une semaine, avait pourtant commencé sans accroc pour la majorité, qui a rejeté dans un premier temps tous les amendements de l'opposition et approuvé la trajectoire de réduction du déficit sous les 3% d'ici 2027.

Dans un Hémicycle surchauffé, la tendance s'est complètement inversée après la reprise des débats à 21h30, les revers pour le gouvernement se succédant article après article, souvent sous les hourras de l'opposition. Sept sur 26 ont été rejetés, un huitième ayant purement et simplement été supprimé par les députés. Gabriel Attal avait prévenu que la non-adoption de ce plan pouvait provoquer «un retard, un délai, voire une amputation des fonds européens qui nous sont versés dans le cadre du plan de relance».

Le premier article rejeté, par 157 voix contre 149, fixait la stabilité des effectifs de la fonction publique sur le quinquennat.

La majorité a également été mise en minorité (184 contre 194) sur l'article fixant les budgets alloués aux missions de l'Etat, puis sur trois articles concernant les collectivités territoriales, qui établissaient à la fois le soutien de l'Etat et l'évolution de leurs dépenses de fonctionnement sur le quinquennat.

L'utilisation de l'article 49-3 de la Constitution réservée pour le vote du budget

«Vous déclarez la guerre aux collectivités locales», s'est emporté le PCF Sébastien Jumel. «En refusant l'article 16, l'Assemblée nationale dira son attachement aux collectivités territoriales de la République», a renchéri le PS Philippe Brun.

«Cessons d'opposer l'Etat aux collectivités», a rétorqué Gabriel Attal. «La réalité c'est qu'ils sont là l'un pour l'autre [...]. Pendant la crise Covid, les collectivités étaient bien contentes que l'Etat puisse venir les soutenir ! Dix milliards d'euros de soutien direct», a-t-il rappelé.

La trajectoire de l'Objectif national de dépenses d'assurance maladie (Ondam) n'a pas trouvé grâce non plus auprès des députés (190-188).

Au début du débat, le rapporteur général du budget, Jean-René Cazeneuve avait assuré que ce texte permettait de ne pas «ralentir trop brutalement notre trajectoire» pour éviter une hausse du chômage et un ralentissement de la croissance. Le rejet en commission n'a pas empêché l'arrivée à l'Assemblée du projet de loi initial. Le vote solennel du texte par les députés est prévu le 25 octobre. 

Comme sur les autres textes, l'exécutif est confronté à l'absence de majorité absolue à l'Assemblée nationale. Et contrairement à ce qu'il prépare pour le projet de budget 2023, le gouvernement n'a pas l'intention d'utiliser l'article 49.3 de la Constitution – qui permet une adoption sans vote – pour la loi de programmation. Car hors projet de loi de finances et budget de la Sécurité sociale, le gouvernement ne peut recourir au 49.3 qu'une fois par session et il ne souhaite pas griller cette cartouche dès cette loi de programmation.

Le Conseil des ministres réuni ce 12 octobre a d'ailleurs a autorisé le gouvernement à actionner l'article 49.3 de la Constitution pour l'adoption du budget «si la situation devait exiger qu'on y ait recours», a indiqué le porte-parole du gouvernement, Olivier Véran. «Le Conseil des ministres a délibéré ce matin sur cette possibilité si la situation, j'insiste là-dessus, devait exiger qu'on y ait recours», a précisé Olivier Véran, pour qui il est «très à craindre que des oppositions soient tentées de conduire la France au blocage».