L'Assemblée nationale a voté dans la soirée du 4 octobre la mesure clé du projet de réforme de l'assurance-chômage, ouvrant la voie à une possible modulation de la durée d'indemnisation selon la situation du marché du travail, sous les protestations de la gauche et du RN. En première lecture, les députés ont adopté par 203 voix contre 165 le premier article de ce projet de loi, dont ils poursuivent l'examen ce 5 octobre.
Cet article permet de proroger les règles actuelles de l'assurance-chômage, issues d'une réforme contestée du premier quinquennat d’Emmanuel Macron. Il ouvre aussi la possibilité, par décret, de moduler l'assurance-chômage afin qu'elle soit «plus stricte quand trop d'emplois sont non pourvus, plus généreuse quand le chômage est élevé», selon les mots d'Emmanuel Macron pendant la campagne présidentielle.
Après une phase de concertation de six à huit semaines avec les partenaires sociaux, le gouvernement décidera par décret de la forme que prendra cette modulation, pour une entrée en vigueur début 2023. L'exécutif martèle que la réforme est urgente, invoquant les difficultés de recrutement dans des secteurs comme l'hôtellerie, la restauration ou le BTP, et en fait l'une des conditions pour atteindre l'objectif de plein emploi en 2027.
La gauche et le RN dénonce un «blanc-seing» laissé au gouvernement
Pour la majorité, le député Renaissance Karl Olive a défendu une «société du plein emploi et du travail», plutôt que «la société du "rester chez soi" quand on peut aller travailler».
Au cours des débats du 4 octobre, l'élue écologiste Sandrine Rousseau, à nouveau remarquée lors de la séance lorsque l'affaire Quatennens a été évoquée, a répliqué à des membres de la majorité l'accusant de promouvoir «le droit à la paresse» en leur suggérant de s'en prendre aux «rentiers, parce que là se noue la paresse», plutôt qu'aux «droits acquis» par les chômeurs.
Plus globalement, la gauche et le RN ont fustigé un «blanc-seing» laissé au gouvernement pour cette réforme. Ce texte «déclare la guerre aux chômeurs», a cinglé la chef de file des députés LFI Mathilde Panot. «Les assistés ne sont pas ceux que vous persécutez, mais ceux qui trônent au sommet, à qui vous faites des courbettes», a-t-elle lancé à la majorité. La députée du RN Caroline Colombier a quant à elle contesté la «méthode autoritaire» du gouvernement.
Le ton est encore monté d'un cran quand le communiste Sébastien Jumel a reproché aux macronistes d'avoir choisi comme rapporteur de ce texte sur l'assurance-chômage «le député des Français de Suisse» Marc Ferracci [élu de la 6e circonscription des Français de l'étranger], soulignant la «déconnexion» entre son profil et celui des chômeurs visés par le texte. Les élus Philippe Vigier (MoDem) et Astrid Panosyan-Bouvet (Renaissance) ont dénoncé en retour des «attaques personnelles», alors que tous les députés disposent selon eux de la «même légitimité».
Le RN soutient une motion de rejet déposée par les insoumis au nom de «l'intérêt des Français»
Les discussions ont été houleuses dès leur lancement, le 3 octobre : le groupe LFI a défendu en vain une motion de rejet préalable au texte par la voix d'Hadrien Clouet qui a vivement dénoncé un «projet brutal» prévoyant selon lui «d'accorder au gouvernement les pleins pouvoirs». «Tout le monde a peur des mois à venir», a relevé le député de Haute-Garonne à propos de la situation sociale actuelle, critiquant le fait que la majorité choisisse ce moment pour lancer «la grande chasse aux chômeurs et la grande braderie aux salaires».
Les députés RN ont soutenu cette motion de rejet, malgré les protestations de certains à gauche. «Nous pensons à l'intérêt des Français et ne regardons pas les étiquettes», a justifié Kévin Mauvieux au nom son groupe, appuyant la critique d'une «réforme injuste», qualifiée «d'amas de mesures sans cohérence». «C'est la hausse des salaires qui incitera les gens à travailler», a développé le député de l'Eure, exprimant son accord avec le «diagnostic» de la Nupes sur ce point. En précisant toutefois que le RN n'était pas d'accord quant aux remèdes au chômage proposés par la gauche : «La priorité nationale et le patriotisme économique feront revenir l'emploi en France», selon lui.
Malgré cette alliance de circonstance entre la Nupes et le RN, la majorité est parvenue à mettre en échec cette motion de rejet, par 211 voix contre 146, avec l’appui des députés Les Républicains (LR), que la majorité devra très probablement solliciter à nouveau pour faire adopter la réforme des retraites.
La réforme des retraites en ligne de mire
Dans ce dossier, les oppositions ont annoncé qu'elles convergeraient pour faire échouer le projet, que le gouvernement entend faire voter «avant la fin de l'hiver» selon les mots du Premier ministre Elisabeth Borne. Le RN avait ainsi indiqué que ses députés voteraient des motions de censure quel que soit le groupe qui les aura déposées si le gouvernement devait recourir à l'article 49.3 pour imposer la réforme.
Du côté de la gauche et de LFI, Mathilde Panot est revenue le 3 octobre sur la perspective évoquée par Manuel Bompard, député insoumis de Marseille, de voter une motion de censure déposée par le Rassemblement national (RN), expliquant que des discussions devaient encore être menées à ce sujet. Selon elle, la motion de la Nupes sera votée en premier et il reviendra alors aux élus RN de se prononcer «en conscience». «Est-ce que si le RN vote notre motion, ça veut dire que nous sommes d'accord avec le RN ? Absolument pas», a-t-elle insisté.
Ne disposant que d'une majorité relative au palais Bourbon, les macronistes ont par ailleurs essuyé un revers sur le projet de budget 2023, avec le rejet par la commission des Finances de l'article liminaire du projet de loi de finances qui fixe l'objectif de contenir le déficit public à 5% du PIB en 2023. Toutes les oppositions présentes se sont liguées contre ce texte dans la soirée du 4 octobre, y compris les députés LR. Le gouvernement pourrait, afin de faire passer le budget sans vote, dégainer l'article 49.3.