Dans une note intitulée «Mutations politiques et majorité de gouvernement dans une France à droite» publiée le 30 août, la Fondation pour l'innovation politique (Fondapol) se livre à une analyse des résultats de la dernière séquence électorale, marquée par un haut niveau de votes «protestataires». L'étude se penche plus particulièrement sur la percée du Rassemblement national (RN), qui a pu envoyer un groupe de 89 députés à l'Assemblée, à la faveur d'un affaiblissement du «front républicain» érigé depuis les années 80 par les autres forces politiques. Le RN aurait cependant, selon la Fondapol, un obstacle de taille à surmonter, à savoir l’idée que l'élection de Marine Le Pen menacerait l’euro, auquel une majorité de Français serait attachée.
Le RN aurait remporté «la bataille des populismes» contre LFI
La Fondapol constate que le RN a à la fois élargi son audience et amélioré son image : il a ainsi progressé dans les villes de plus de 100 000 habitants (hors Paris), dans lesquelles son poids (18%) lors du premier tour des législatives a rejoint sa moyenne nationale (19%). Parallèlement, le vote RN a augmenté dans les catégories sociales supérieures, avec un vote des cadres qui est passé de 5% à 13% entre le premier tour des législatives 2017 et celui de 2022, et un vote des professions intermédiaires qui a crû de 11% à 16%.
En termes d'image, près de la moitié des personnes sondées (47%) voient comme «une bonne chose» l'arrivée de 89 députés RN dans l'hémicycle. Et, plus largement, «le RN a remporté la bataille des populismes» dans l’opinion publique face à La France insoumise (LFI), puisque 39% des électeurs se disent «tout à fait d’accord» ou «plutôt d’accord» avec les idées du RN, alors que seuls 28% des électeurs affirment être «tout à fait d’accord» ou «plutôt d’accord» avec les idées de LFI.
De plus, les idées du RN bénéficient d'«un soutien à gauche et à droite» : il existe sans surprise une forte convergence avec l'électorat d'Eric Zemmour, et la moitié des électeurs LR se disent d'accord avec les propositions de la formation de Marine Le Pen. Mais le soutien se trouve aussi à gauche : 39% des proches de Lutte ouvrière (LO) et du Nouveau parti anticapitaliste (NPA), 24% de ceux de Europe Ecologie Les Verts (ELLV), 22% de ceux du Parti communiste (PCF) et de LFI et 17% de ceux du Parti socialiste se disent d'accord avec les propositions du RN.
Après le front républicain, un «front monétaire» ?
Néanmoins, «si Marine Le Pen ne suscite plus un "front républicain", elle inquiète une France favorable à l’Europe et à l’euro», poursuivent les auteurs de l'étude, selon qui «les réserves à son égard sont moins politiques ou morales que matérialistes et pragmatiques», et tiennent aux inquiétudes liées à une éventuelle sortie de l'Union européenne si elle parvenait au pouvoir. «Le barrage au RN, c’est l’euro», affirme ainsi le directeur de la Fondapol, Dominique Reynié, interviewé par Le Figaro, estimant qu'«il demeure une sorte de "front monétaire", plus pragmatique mais plus efficace, l’idée selon laquelle l’accès du RN au pouvoir menacerait l’euro, c’est-à-dire le patrimoine matériel des Français».
Cette peur des répercussions économiques d'une rupture avec l'UE serait donc le principal écueil pour le RN. Il reste néanmoins crucial au sein du parti : avec près d'un tiers d'électeurs du RN souhaitant que la France quitte l’Union, «l’abandon de ce thème serait [...] coûteux», estime Dominique Reynié. Le politologue juge cependant cette évolution nécessaire pour conquérir une majorité de Français, «puisque seuls 18% des électeurs adhèrent à ce projet de "Frexit", lequel ne convainc que 10% des électeurs de la Nupes, 7% des LR [Les Républicains] et 3% d’Ensemble!».
Les propositions du RN sur la rupture avec l'UE et la monnaie unique ont déjà nettement évolué. La proposition de sortie de l'euro, qui était un pilier du programme du parti en 2017, est largement considérée comme l'une des causes de l'échec de Marine Le Pen au second tour de l'élection présidentielle. Dans son programme de 2022, la candidate évoquait «la création d’une Alliance Européenne des Nations qui a vocation à se substituer progressivement à l’Union européenne», mais sans aucune référence à une sortie de la monnaie unique ou à un «Frexit» rapide.