Entretiens

«L'UE suivant à chaque fois le grand frère américain, notre politique nuit à nos propres intérêts»

En Russie pour observer les élections municipales, le député belge Aldo Carcaci déplore le manque d'indépendance de la diplomatie européenne, qui préfère suivre Washington plutôt qu'une politique de «protection de ses citoyens et d'elle-même».

Faisant partie d'une délégation d'experts et d'élus européens venue à Moscou pour observer le déroulement des élections municipales russes le 10 septembre 2017, le député fédéral belge Aldo Carcaci a reçu une équipe de RT France le soir même à son hôtel. L'occasion pour nous d'interroger ce parlementaire, grande figure du Parti populaire (PP), sur les sanctions russes et sur la lutte anti-terroriste, en Europe comme en Syrie. Morceaux choisis.

Tenue des élections municipales en Russie

Parler d'élections en Russie suscite toujours fantasmes et suspicions. Aldo Carcaci balaie ces derniers du revers de la main. «J'ai pu me rendre compte de mes propres yeux que tout se déroule merveilleusement bien», explique-t-il. Des listes électorales aux bulletins en passant par l'enregistrement du vote en lui-même, le député belge décrit «un système tellement transparent –comme les urnes – qu'il est impossible de frauder».

L'avenir des sanctions contre la Russie

Aldo Carcaci avait déposé en 2016 une résolution demandant au gouvernement fédéral belge d'intervenir auprès de l'Union européenne afin de faire lever les sanctions frappant la Russie. Il se montre aujourd'hui bien plus pessimiste quant à l'éventualité d'en voir la fin dans un futur proche. Le député belge se dit déçu tant par Donald Trump, en qui il avait fondé «beaucoup d'espoir», que par l'Europe «qui aurait pu prendre une position personnelle [...] mais qui considère encore être à la traîne des Etats-Unis».

Vers une diplomatie européenne indépendante des Etats-Unis ?

Quand on l'interroge sur la possibilité pour l'Union européenne de développer une stratégie diplomatique propre, en dehors du leadership américain, Aldo Carcaci ne s'avère pas beaucoup plus optimiste. Pour lui, avec des dirigeants non élus au suffrage universel à l'instar du président du Conseil européen Donald Tusk, «l'Europe n'est pas très démocratique». Cela explique, selon le député, l'absence de position commune sur la plupart des dossiers notamment internationaux à l'image des débats actuels sur les flux migratoires.

Souvent décrit comme un eurosceptique pour ses positions critiques, notamment sur l'espace Schengen, Aldo Carcaci préfère se présenter comme un élu plaidant pour «une Europe différente, une Europe des citoyens» qui mettrait la priorité sur la protection de ces derniers.

Radicalisation et menace terroriste en Belgique

Selon le ministère de l'Intérieur belge, le nombre de personnes fichées dans la banque de données de la police pour des liens avec le terrorisme s'élève à 18 884 en 2017 contre 1 875 en 2010. Pour expliquer cette explosion de la radicalisation, l'élu du PP mentionne d'abord les bouleversements socio-économiques dont le pays, à l'instar de nombreux autres états d'Europe de l'Ouest, souffrent depuis plusieurs décennies. «L'immigration de l'époque de mes parents n'est pas celle d'aujourd'hui. C'était après la seconde guerre mondiale, il y avait toute une économie à reconstruire. Il y avait des accords d'Etat à Etat [...] Aujourd'hui, il y a une crise, beaucoup de chômage, les jeunes ne trouvent pas de travail», explique-t-il.

Si, selon lui, les problèmes sociaux et les difficultés à l'emploi que rencontrent les jeunes Belges issus de la deuxième ou troisième génération d'immigration ne justifient aucunement la radicalisation, ils font de ces derniers des cibles faciles pour «être pris en mains soit par des réseaux de trafiquants de toute sorte, soit par des prêcheurs, des prédicateurs, la plupart du temps salafistes, qui radicalisent cette jeunesse en disant qu'ils n'ont rien à faire dans une Europe comme celle-ci et qu'il faut la détruire». Ainsi, Aldo Carcaci prône-t-il une lutte plus encadrée du financement étranger des mosquées ainsi qu'une politique stricte d'expulsion des «imams prêcheurs de haine».

Conflit syrien et lutte contre Daesh

A l'heure où «Daesh perd du terrain» en Syrie, le député belge, qui s'est rendu en février dernier à Alep et Damas, souhaite poser une analyse rétrospective sur le conflit qui ensanglante le pays depuis plus de cinq ans. Le péché originel demeure selon lui dans la conviction chez certains leaders européens et occidentaux de «vouloir imposer leur démocratie» : «Une démocratie ne s'impose pas, elle s'acquière. C'est au peuple, qui est souverain, de vouloir la démocratie et de faire en sorte qu'elle soit appliquée, pas à un pays étranger», explique-t-il.

Pour Aldo Carcaci, l'enjeu de la lutte contre le terrorisme va se décaler du Moyen-Orient vers l'Europe : «Ce mal, ce cancer, n'est pas éradiqué. Ses métastases vont se répandre en Europe par leur système d'infiltration, notamment via les flux migratoires.» Afin de combattre ce phénomène et limiter la multiplication d'attentats du fait de «petites cellules» sur le sol européen, l'élu préconise une plus grande coopération avec la Russie.