RT France : Vous avez personnellement déposé un résolution au parlement français afin de lever les sanctions contre la Russie, parce que vous estimez qu’on ne peut pas à la fois punir un Etat alors qu’au même moment on collabore avec lui sur d’autres plans. Selon vous, quel sera le sort de cette résolution ? Pensez-vous que la France sera capable d’agit indépendamment de ses alliances ?
Thierry Mariani (T.M.) : J’ai déposé cette résolution pour trois raisons : parce que d’abord les sanctions sont inefficaces en matière de politique étrangère. Pourquoi ces sanctions ? Au départ, certains pensaient que ça allait faire évoluer la situation en Ukraine. On voit qu’en réalité, ces sanctions sur la situation en Ukraine ne servent à rien. Deuxièmement, ces sanctions sont négatives en termes économiques à la fois pour l’Europe et pour la Russie. On se tire une balle dans le pied. En réalité aujourd’hui, ce sont nos entreprises qui sont sanctionnées et dans le même temps, on s’aperçoit que les Etats-Unis, eux continuent, en s’arrangeant, toujours à commercer. Et troisièmement, parce qu’on pense qu’aujourd’hui la donne a changé, la Russie comme la France vient d’être frappée par le terrorisme, et je n’oublie pas les victimes russes et je remercie les Russes pour leur témoignage de solidarité quand il y eu des victimes en France. On est en guerre ensemble avec le même ennemi.
Donc, aujourd’hui la France a un peu une attitude schizophrénique. La semaine dernière, on demande l’appui de la Russie pour combattre ensemble le terrorisme et cette semaine on la sanctionne. Je trouve franchement que Vladimir Poutine et la diplomatie russe sont très conciliants parce que c’est totalement contradictoire. Alors, pourquoi on dépose cette résolution ? Parce que jusqu’à présent il n’y a jamais eu de débat au parlement national français. Vous savez, ces sanctions ont été décidées dans un cadre européen, où on voit qu’elles sont presque reconduites automatiquement. Je salue d’ailleurs l’action de l’Italie, grâce à qui il y a enfin un début de discussion sur ces sanctions. En réalité, mon objectif est le suivant : il est que pour le prochain renouvellement, je ne parle pas bien sûr de celui qui interviendra dans les heures à venir, mais pour le prochain renouvellement, la France ait une autre attitude.
Et ce que je demande par cette résolution, ce qu’il y ait enfin, pour la première fois, un débat au parlement français, pour que les députés français puissent donner leur opinion. C’est bien d’avoir l’opinion des fonctionnaires de Bruxelles, c’est bien d’avoir l’opinion de la diplomatie américaine, ça serait bien si dans chaque pays les parlementaires pouvaient aussi s’exprimer. Et donc, quelle est la suite de cette résolution ?
La diplomatie française veut se rapprocher de la Russie ou sanctionner la Russie ?
Je pense que nous aurons facilement à peu près 200 signatures, nous en avons déjà plus d’une centaine à cette heure-ci en moins d’une semaine. Après, j’espère que le groupe de l’opposition permettra à cette résolution d’être discutée et dans ce cas, on verra bien qui vote pour, qui vote contre, mais on ne peut pas avoir un double langage en permanence. Je ne comprends pas, la diplomatie française veut se rapprocher de la Russie ou sanctionner la Russie ? Je pense qu’à un moment, il faut avoir une attitude claire.
RT France : Mais si la France adopte votre résolution, est-il possible qu’elle agisse indépendamment des autres pays de l’Union européenne, par exemple, indépendamment du cadre de l’OTAN ?
T. M : On donne des leçons de démocratie à la planète entière. Si cette résolution arrive à être discutée dans les trois-quatre mois qui viennent au parlement français, et si le parlement français se prononçait contre ces sanctions… Je ne peux pas envisager que mon gouvernement défende une position différente à Bruxelles. Ou alors, il faut arrêter d’expliquer qu’on est une démocratie, on ne vaut pas mieux que l’Arabie saoudite. Franchement, s’il y a un vote au parlement français et si le parlement français donne son opinion, cela veut dire que c’est l’expression de la démocratie. Donc, même si je suis dans l’opposition, je pense que s’il y a un votre favorable, et bien, le gouvernement sera obligé d’en tenir compte. Mais, je vois que dans beaucoup de pays désormais on commence à se dire «Quand est-ce qu’on sorte de cette attitude ?». Les sanctions, elles vont durer quoi ? Un an, cinq ans, dix ans, vingt ans ? On ne sait même plus. Il n’y a plus d’objectif, on les reconduit, comme on reconduit bêtement un crédit, ça n’a strictement plus aucun sens, aucune efficacité.
RT France : Concernant la paysage politique français après les régionales, qu’en pensez-vous, est-ce que les régionales ont changé la donne dans la politique française ?
T.M : Je fais trois constats avec ces régionales. Premièrement, les Français sont exaspéré… par le terrorisme, par la crise migratoire et par la crise économique. Le gouvernement français est en situation d’échec total en matière économique. Le mois dernier, c’est un record. C’était 44 000 chômeurs de plus en un mois. C’est-à-dire 1 500 chômeurs de plus par jour. Malheureusement, nous avons eu ces attentats qui, bien sûr, sont encore pire. Mais il ne faut pas oublier le bilan économique. Alors, maintenant quel est le bilan politique ? La France est un pays dans lequel la délinquance grandit, et surtout, que voient les Français et que voient tous les Européens ? On est la seule zone au monde qui n’ose pas protéger ses frontières. C’est-à-dire qu’en clair on est un espace où tout le monde a le droit d’entrer. Et puis quand vous êtes entrés chez nous, on va voir si on vous garde ou pas. Mais de toute façon, même si on vous dit demain qu’on ne vous garde pas, vous restez, et puis on vous dit : «Ah, bah, restez». Ce qui vous dire quand même que cette année, je vous rappelle que je préside la Commission des migrations au Conseil de l’Europe, l’Union européenne aura accueilli malgré elle plus d’un million de réfugiés supplémentaires. Et les spécialistes des organisations nous annoncent pour l’année prochaine 1,5 million. Est-ce que l’Europe va être le seul espace ouvert au monde ? C’est intolérable, et je pense que les Français comme beaucoup d’Européens ne l’acceptent plus.
Et dans le vote des régionales, je voie une immense lassitude des Français de bons sens qui ont voté, je ne partage pas leur vote mais je le comprend, pour le Front national, pour dire : c’est assez ! Premier enseignement : la lassitude. Deuxième enseignement, la responsabilité. Parce que si au premier tour le Front national a été majoritaire, il n’a pas gagné une seule région au second tour. Pas une seule, parce que le Front national n’est pas une solution, et les Français le savent, parce qu’en réalité il n’a aucun programme économique. Autant les Français manifestent leur mécontentement au premier tour, autant au second tour à chaque fois, la raison l’emporte. Je dis ça très solennellement, parce que certains de mes amis russes pensent que le Front national peut arriver au pouvoir en France. Je suis prêt à parier avec chacun d’eux : pas avant de très nombreuses années. Deux exemples. Regardez les cantonales, ce qu’on appelle les élections départementales. Il y avait 4 600 conseillers généraux, c’est-à-dire départementaux à élire. Le Front national est arrivé en tête au premier tour, mais au deuxième tour combien de sièges a-t-il gagné parmi ces 4 600 ? 62. Il est en tête au premier tour des régionales, mais au deuxième tour il ne gagne aucune région. Donc, je représente l’opposition, le parti des Républicains qui je pense est la seule alternative crédible, en tout cas, je ne sais pas comment s’appellera le futur président de la République dans un an et demi. Mais ce que je sais, c’est qu’il ne s’appellera pas Marine Le Pen.
Le vote de mécontentement au premier tour c’est rarement un vote d’adhésion définitive au second tour. Mais ce qui est sûr, c’est que ça oblige les formations classiques comme la mienne à prendre en compte les préoccupations des Français. Et pour ma part, j’en suis très heureux, puisque au sein de ma formation, c’est ce que je défends depuis un certain nombre d’années. La crise migratoire, ce n’est pas une fatalité. On ne peut pas indéfiniment être le seul espace au monde qui ne se protège pas. Et qu’est-ce qu’on attend dans la priorité d’un Etat ? On attend un minimum d’ordre et un cadre juridique qui nous protège. Aujourd’hui, je pense que c’est quasiment la faillite de l’Europe parce qu’on disait l’Europe, c’est la paix. L’Europe, c’est la prospérité. L’Europe nous protège. L’Europe, ce n’est plus la prospérité. Au contraire, c’est aujourd’hui la zone économique qui a la croissance la plus faible dans le monde. Et l’Europe nous protège, on n’est même pas capable de défendre nos frontières devant une invasion pacifique. Donc, là je crois que tous les citoyens européens aujourd’hui se demandent de plus en plus si cette Europe-là est la bonne solution et sincèrement je ne le pense pas.