Economie

Guerre commerciale : le Canada libère Meng Wanzhou la directrice financière chinoise de Huawei

Rebondissement spectaculaire : les Etats-Unis ont abandonné leurs poursuites contre la directrice financière de Huawei détenue à leur demande depuis près de trois ans au Canada. Deux ressortissants canadiens détenus en Chine ont aussi été libérés.

La directrice financière de Huawei, Meng Wanzhou, est rentrée en Chine le 25 septembre, après avoir pu quitter le Canada où elle était maintenue en résidence surveillée depuis près de trois ans, dans l’attente d’une décision de justice sur son extradition aux Etats-Unis. Elle avait été arrêtée en décembre 2018, à l'aéroport international de Vancouver, à la demande de Washington. Le département de la Justice des Etats-Unis l’accusait de fraude bancaire et électronique, pour avoir prétendument trompé la banque britannique HSBC, en 2013, sur les relations commerciales de Huawei en Iran, sous sanctions américaines.

Lors d'une audience, le 24 septembre, devant le tribunal fédéral de Brooklyn (New York), à laquelle Meng Wanzhou a assisté par vidéoconférence, le procureur adjoint des Etats-Unis, David Kessler, avait annoncé que les accusations portées contre elle seraient abandonnées si elles se conformait à toutes les obligations d’un accord valable jusqu’en décembre 2022 signé avec la justice des Etats-Unis. Il a ajouté que Meng Wanzhou serait libérée sous caution et que les Etats-Unis allaient retirer leur demande d'extradition au Canada. L'accord ne concerne que Meng Wanzhou, et le département américain de la Justice a déclaré qu'il se préparait à un procès contre Huawei.

Quelques heures après l'annonce de cet accord, deux Canadiens, Michael Kovrig et Michael Spavor, interpellés en Chine peu après l'arrestation de Meng Wanzhou en décembre 2018, et accusés d’espionnage, ont été libérés. Ils ont pu rentrer au Canada, après avoir signé des aveux. Kovrig et Spavor ont été accueillis à leur descente de l’avion à l’aéroport de Calgary, dans l’ouest du pays, par le Premier ministre Justin Trudeau.

En tant que citoyen chinois [...] il n'y a jamais eu un moment où je n'ai pas ressenti l'attention et la chaleur du Parti, de la patrie et du peuple

La directrice financière de Huawei, rapatriée par avion spécialement affrété par le gouvernement chinois, a atterri à Shenzhen, dans le sud de la Chine, où se trouve le siège de Huawei. «En tant que citoyen chinois ordinaire qui a souffert de cette situation et est resté bloqué à l'étranger pendant près de trois ans, il n'y a jamais eu un moment où je n'ai pas ressenti l'attention et la chaleur du Parti, de la patrie et du peuple », a-t-elle déclaré lors d’une brève allocution devant la centaine de personnes, parents collègues et responsables régionaux qui étaient venus l’accueillir.

«Détention arbitraire»

Les autorités chinoises ont célébré le retour de Meng Wanzhou comme une victoire de la Chine dans sa guerre commerciale avec les Etats-Unis mais ont aussi exprimé leur ressentiment. En conférence de presse le 25 septembre, Hua Chunying porte-parole du ministère des Affaires étrangères a estimé que les accusations contre la directrice financière de Huawei avaient été «fabriquées» et visaient à bloquer le développement des industries de haute technologie chinoises. «Ce qu’ont fait les Etats-Unis et le Canada est un cas typique de détention arbitraire», a-t-elle ajouté.

A propos de l’arrestation au Canada de Meng Wanzhou, les principaux médias chinois, comme le magazine China Daily n’hésitent pas à évoquer un «enlèvement ». Dans un éditorial particulièrement virulent, le magazine en langue anglaise destiné à un lectorat international n’hésite pas à écrire : «Sa libération, qui n'a pas été obtenue en échange d'un aveu de culpabilité, montre que son calvaire n'a jamais été autre chose qu'un sale tour de les Etats-Unis, qui la voulaient comme otage politique dans le cadre de leurs efforts pour casser Huawei, l'acteur leader sur le marché mondial de la 5G

Aux Etats-Unis, l’abandon des charges contre Meng Wanzhou a été considéré comme un renoncement par certains. Ainsi, sur son compte twitter, le sénateur républicain Tom Cotton, n’a pas masqué son dépit en commentant : «Sous Joe Biden, l'Amérique se plie à la Chine comme un costume bon marché.» Prenant aussi pour cible le chef de la diplomatie de l’administration Biden le responsable politique ironise : «De toute évidence, John Kerry semble avoir convaincu l'administration de minimiser le génocide de la Chine contre les Ouïghours en échange de vagues promesses de coopération sur le changement climatique.»