Economie

Affaire GameStop : les petits porteurs dans le viseur du gouvernement américain ?

La secrétaire d’Etat au Trésor américaine Janet Yellen a sollicité une réunion avec les autorités de régulation financière afin de discuter de la récente «volatilité des marchés» suite à l'affaire GameStop. Avec les petits porteurs en ligne de mire?

Le 2 février, la secrétaire d’Etat au Trésor américaine Janet Yellen a sollicité une réunion avec les autorités de régulation financière afin de discuter de la récente «volatilité des marchés». Une réunion qui fait suite à l'«affaire GameStop» dans laquelle des petits porteurs, qui partageaient leurs conseils financiers sur le site Reddit, ont participé à l'envolée – puis à la chute – du titre des magasins de jeux vidéo du même nom.

L'ancienne patronne de la FED Janet Yellen a donc demandé à rencontrer la Securities and Exchange Commission (l’organisme fédéral de réglementation des marchés financiers), la Réserve fédérale et la Commodities Futures Trading Commission (l’agence fédérale chargée de la régulation des Bourses de commerce), afin de «comprendre dans le détail» le déroulement de la frénésie boursière qui a lieu depuis fin janvier, et ce avant de prendre d'éventuelles mesures. Selon le communiqué relayé par Le Monde, Janet Yellen estime que «l’intégrité des marchés est importante et a demandé une discussion sur la récente volatilité des marchés financiers et la compatibilité des activités récentes avec la protection des investisseurs et des marchés équitables et efficaces».

Deux jours plus tard, ces régulateurs sont arrivés à la conclusion que les infrastructures de base des marchés financiers avaient démontré leur solidité ; mais le département du Trésor a également souligné la nécessité que la Securities and Exchange Commission (SEC) publie un rapport sur le déroulement précis des événements, comme le rapporte l'agence Reuters.

Les petits porteurs face à Wall Street

La Bourse de New York avait conclu le 28 janvier 2021 sa pire semaine depuis trois mois, ébranlée par la fronde des petits porteurs contre des fonds spéculatifs, forcés de vendre pour couvrir leurs pertes. Le VIX – indicateur mesurant la volatilité du marché financier américain parfois surnommé «indice de la peur» – s’était envolé au-dessus de 35 à la fin du mois de janvier, du jamais-vu depuis l'explosion de la crise sanitaire due au Covid-19, comme le rappelle Le Figaro.

En discutant en ligne sur le forum WallStreetBets de la plateforme Reddit, ces petits investisseurs en bourse sont parvenus à faire monter le cours de l'action du magasin de jeux vidéo GameStop de façon significative. Avec une idée bien simple en tête, prendre le contre-pied de fonds spéculatifs qui avaient «shorté» (parié à la baisse) l'action... à 140%. Ce qui signifie que les fonds spéculatifs se devaient d'acheter dans un futur proche 140% des actions de l'entreprise pour honorer leur position. Et ce quel qu'en soit le prix.

L'explosion du cours de GameStop les a donc placés dans une situation particulièrement inconfortable, s'exposant à des pertes potentielles de plusieurs milliards d'euros mais les fonds spéculatifs ont pu compter sur des alliés inattendus : dans la matinée du 28 janvier, plusieurs plateformes de courtage ont restreint les transactions sur les titres ayant bénéficié des faveurs des membres de WallStreetBets, tout particulièrement GameStop. Les petits porteurs pouvaient ainsi liquider leurs positions existantes sur l'action mais ne pouvaient plus en acheter. Conséquence immédiate, le titre valait 193 dollars à la clôture le 28 janvier, soit une baisse de 44% par rapport à la veille, avant d'entamer une chute jusqu'à 53 dollars le 4 février. 

Cette action visant à la «limiter la casse» chez les gros investisseurs a suscité la colère noire des petits porteurs qui multiplient les procès contre l'une de ces plateformes, la bien nommée Robinhood. Le patron de cette dernière devra par ailleurs témoigner devant le Congrès le 18 février, selon Le Monde.

La SEC mène l'enquête sur les réseaux sociaux

La porte-parole de la Maison Blanche, Jen Psaki avait annoncé fin janvier que la SEC surveillait de près cette situation que l'éphémère directeur de la communication de l'ancien président Donald Trump Anthony Scaramucci avait qualifiée de «révolution française de la finance».

La réunion sollicitée par Janet Yellen s'inscrit dans le prolongement d'une prise de position de leaders du parti démocrate allant dans le sens d'une plus forte régulation des marchés financiers. Reste à voir quelle sera l'approche du gendarme financier dans cette affaire. Selon des informations de Bloomberg, qui cite des sources proches du dossier, les enquêteurs de la SEC «analysent les réseaux sociaux et les messages sur les forums pour détecter des signes de fraude [qui ont mené] aux fluctuations vertigineuses des titres GameStop et d'autres sociétés». 

Une décision qui risque de mal passer auprès de la gauche du parti démocrate, pour qui la responsabilité se situe ailleurs. «Ce qui se passe avec GameStop n'est qu'un rappel de ce qui se passe à Wall Street depuis des années [...] C'est un jeu truqué, et c’est un ensemble de joueurs qui viennent et manipulent le marché [...] Nous avons besoin d'un marché qui soit transparent, qui soit équitable et ouvert aux investisseurs individuels. Il est temps que la SEC se lève et fasse son travail», avait ainsi confié la sénatrice et candidate malheureuse à la primaire démocrate Elizabeth Warren sur CNN, le 31 janvier.

Même si l'affaire GameStop fait grand bruit outre-Atlantique, un scénario comparable est peu probable en France : les courtiers de ce côté de l'Atlantique ne laissent pas leurs clients utiliser certains instruments financiers complexes, contrairement à leurs homologues américains tels que Robinhood, qui a dû être renfloué à hauteur de 2,4 milliards de dollars afin de pouvoir couvrir les positions risquées de ses clients. Par ailleurs, les ordres de bourses restent payant en Europe, ce qui n'est pas le cas aux Etats-Unis où la frénésie d'achat et de ventes d'actions des petits porteurs est ainsi encouragée, comme le rappelle Le Monde.