Economie

Envolée des actions GameStop : la révolte des petits porteurs contre les fonds spéculatifs

Les actions des magasins de jeux vidéo GameStop ont grimpé à un rythme effréné, mettant en difficulté le fonds spéculatif qui pariait sur leur baisse. Une «révolte boursière» contre l'establishment cordonnée par un groupe de boursicoteurs sur Reddit.

Une réédition numérique du combat entre David et Goliath ? En se coordonnant en ligne sur la plateforme Reddit, de petits investisseurs en bourse sont parvenus à faire monter le cours de l'action du magasin de jeux vidéo GameStop, mettant ainsi en grande difficulté le fonds spéculatif qui avait parié à la baisse sur ce titre. Une situation inédite que surveille l'autorité américaine de contrôle des marchés financiers et qui suscite l'enthousiasme de l'aile gauche du parti démocrate. 

Nom historique pour les amateurs de jeux vidéo américains, GameStop est une enseigne désormais en difficulté. En cause ? Les achats sur internet, les téléchargements et les jeux en ligne qui ont pris le pas sur les ventes physiques. Pariant sur une détérioration inéluctable de la santé financière de GameStop, des fonds spéculatifs − ou hedge funds − dont l'entreprise new-yorkaise Melvin Capital Management ont vendu des actions de la chaîne de magasin à découvert. Anticipant une baisse de la valeur boursière de l’entreprise, ils ont emprunté des actions GameStop pour les vendre à un prix élevé puis les racheter une fois que la valeur de l’action avait atteint un niveau très bas (afin de rembourser les emprunts), engrangeant ainsi un profit conséquent. Cette stratégie a fonctionné pendant pendant 18 mois, permettant ainsi à Melvin Capital Management et ses amis de gagner des centaines de millions de dollars, comme le rappelle l'Express.

Une «révolte boursière» rendue possible par les réseaux sociaux

Or la situation a changé depuis quelques jours : avec ses quelques 3 millions d'abonnés, le forum WallStreetBets du site Reddit − où des internautes se vantent de leurs exploits ou de leurs déboires boursiers − a été le siège d'une «révolte boursière» des petits porteurs contre les gros investisseurs. Ces internautes se mis d'accord pour acheter massivement des actions GameStop, et le résultat ne s'est pas fait attendre : le titre a pris près de 20 % le 25 janvier, a doublé le lendemain, et a vu son cours multiplié encore par 2,35 le 26 janvier, pour atteindre 347,51 dollars à la clôture alors qu'il ne valait que 2,57 dollars en mars 2020, comme le rappelle Le Monde. Depuis le 1er janvier, l'action de GameStop a augmenté de plus de 700% et le groupe a désormais une capitalisation boursière de 24 milliards de dollars, soit plus du double du constructeur automobile Renault. 

Une ascension folle alimentée par Elon Musk − le patron de Tesla et SpaceX et désormais homme le plus riche du monde − qui avait tweeté un lien vers WallStreetBeets dans la soirée du 26 janvier, accompagné en commentaire du jeu de mots «GameStonk» (stonk étant un terme désignant une décision financière qui a entraîné un gain financier).

Face à cette brusque hausse, les fonds qui avaient parié à la baisse sur GameStop se sont vus contraints de racheter le titre pour limiter leurs pertes, provoquant une liquidation forcée − ou short squeeze − ce qui a fait davantage grimper l'action. Melvin Capital a même été contraint de quémander 2,75 milliards de dollars auprès de ses concurrents pour éviter une faillite.

Les membres de WallStreetBets exultaient face à ce tour de force, vu comme un doigt d'honneur aux grands fonds. Certains médias américains évoquaient même une rébellion contre le système. «Occupy Wall Street protestait contre le fait que les petites gens ne puissent pas participer au jeu boursier. Désormais, les petites gens ont trouvé un moyen de contourner le système de l'intérieur», pouvait-on y lire.

Les autorités financières surveillent la situation, la gauche américaine s'enthousiasme

L'affaire a fait grand bruit outre-Atlantique : la Securities and Exchange Commission, l'organisme fédéral américain de réglementation et de contrôle des marchés financiers, a annoncé surveiller la situation de près, de même que la porte-parole de la Maison Blanche, Jen Psaki. Le célèbre Wall Street Journal a quant à lui ouvert un «live» pour couvrir l’affaire, comme le rapporte Le Monde.

Dans le monde politique, l'élue démocrate à la chambre des représentants Alexandria Ocasio-Cortez s'est félicitée de la situation sur Twitter en ces termes : «C’est vraiment quelque chose de voir des gens de Wall Street qui ont longtemps traité notre économie comme un casino se plaindre d’un forum qui traite également le marché comme un casino», avant de conclure : «Qu’importe, taxez les riches.»

Sa collègue Elizabeth Warren, sénatrice et candidate malheureuse à la primaire démocrate, s’est également exprimée sur Twitter : «Pendant des années, ces mêmes fonds spéculatifs et investisseurs fortunés consternés aujourd’hui par les transactions sur GameStop ont traité le marché boursier comme leur propre casino alors que tout le monde en paie le prix», a-t-elle commenté, en ajoutant : «il est grand temps pour la SEC et les autres régulateurs financiers de se réveiller et de faire leur travail. Et avec une nouvelle administration et des démocrates qui dirigent le Congrès, j’ai l’intention de m’assurer qu’ils le feront».

Le seuil de 500 dollars que pourrait prochainement atteindre l'action GameStop pourrait cependant être un seuil suffisant pour que de nombreux boursicoteurs quittent la partie, ce qui, comme le craint investing.com, entraînerait potentiellement une chute de l'action encore plus rapide que son décollage. Il y a néanmoins fort à parier que l'épisode GameStop ne restera pas un cas isolé : comme le rappelle Le Monde, les boursicoteurs ont d'ores et déjà fait s’envoler d’autres entreprises en crise, telles que les salles de cinéma AMC et le fabriquant de téléphones Blackberry, dont les valeurs ont respectivement triplé et pris 80% lors de la seule journée du 27 janvier.