Défense : des parlementaires s'opposent à un rachat du français Photonis par l'américain Teledyne

Défense : des parlementaires s'opposent à un rachat du français Photonis par l'américain Teledyne Source: Reuters
Un soldat de l'US Army essaye des jumelles de vision nocturne au camp de Pendleton, en Californie, le 19 mars 2018 (image d'illustration).
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Leader mondial de la vision nocturne et fournisseur de l'armée française, le bordelais Photonis devrait finalement être vendu au groupe américain Teledyne. Une potentielle perte de souveraineté pour la France qui inquiète à droite comme à gauche.

Leader mondial de la vision nocturne et de la photodétection, Photonis est une entreprise basée près de Bordeaux, et dont l’une des principales usines se situe à Brive-la-Gaillarde. Son savoir-faire se déploie notamment dans le domaine militaire, qui représente les deux tiers de ses ventes. Un joyau national, fournisseur de l’armée française. Or, depuis quelques mois, le géant californien Teledyne envisage le rachat de Photonis. Une perspective de vente qui a subi de nombreuses péripéties, mais qui a pris une nouvelle tournure avec la récente déclaration de la direction de Teledyne sur l'obtention d'un «accord de principe» sur la vente – au grand dam de nombreux politiques qui craignent une perte de souveraineté technologique pour l’Hexagone.

Une union des souverainistes contre une vente à Teledyne 

Le 27 octobre, le député Les Républicains (LR) du Vaucluse Julien Aubert a ainsi adressé une lettre au Premier ministre Jean Castex, après deux lettres au ministre de l’Economie Bruno Le Maire apparemment restées sans réponse. Le député y met en garde contre le risque «d’une aspiration du savoir-faire» de Photonis par Teledyne, et évoque un dossier qui «revêt une importance particulière pour notre souveraineté». Et pour cause : en plus de l’optronique – les équipements alliant optique et électronique – les activités de Photonis intéressent également la dissuasion nucléaire.

Ce point de vue est partagé par sept autres parlementaires ou anciens parlementaires LR, cosignataires du document : Bernard Carayon (ancien député du Tarn), Bernard Fournier (sénateur de la Loire), Jean-Philippe Maillé (ancien député des Yvelines), Sébastien Meurant (sénateur du Val-d’Oise), Jacques Myard (ancien député des Yvelines), Bérengère Poletti (député des Ardennes) et Philippe Vitel (vice-président de la région Sud-PACA et député honoraire)

En guise d’alternative au rachat par Teledyne et afin d’éviter qu’une telle situation ne se reproduise, le député du Vaucluse s’appuie sur les travaux de plusieurs sénateurs et propose de pérenniser le renforcement de la base industrielle et technologique de défense (BITD) française en l’incluant dans le plan de relance. Les parlementaires et anciens parlementaires signataires de la lettre font valoir que l'Etat pourrait «prendre le contrôle de Photonis par une participation financière chiffrée au moins à 425 millions d'euros dans le cadre de la mission plan de relance du projet de loi de finances». Ils souhaitent également la création d’un «fonds souverain stratégique de défense, sanctuarisé de l’actuel cadre juridique européen» qui puisse apporter un soutien financier à toute entreprise de la BITD.

Cette inquiétude concernant la perte de savoir-faire français et la dépendance à une puissance étrangère – les Etats-Unis, en l’occurence – en matière de défense se fait également sentir à gauche. L’ancien membre de la France insoumise et actuel président de République souveraine, Djordje Kuzmanovic, s’est exprimé en ces termes sur Twitter, commentant une intervention sur Sud Radio : «La vente de Photonis est une preuve de plus de la trahison des élites politiques et économiques françaises, qui bradent l'industrie, la défense, l'énergie et tout ce qui fait la souveraineté de la Nation sans autre souci que la rentabilité du capital, y compris étranger.»

Lors de l’émission, Djordje Kuzmanovic s’est réjoui que Bruno Le Maire ait dit non à la vente de Photonis en avril alors que, à la faveur de la crise sanitaire liée au Covid-19, «le mot souveraineté n'était plus sale». La concrétisation de la vente quelques mois plus tard est, pour l’ancien conseiller de Jean-Luc Mélenchon, «un immense foutage de gueule» de la part du ministre de l’Economie, qui, selon lui, «s'illustre à nouveau dans l'impuissance la plus complète». 

Une situation similaire avait en effet eu lieu en décembre 2019, lorsque le fonds américain Searchlight Capital Partners avait lancé une OPA sur l'entreprise française Latécoère, spécialiste de plusieurs technologies de pointe dont le Li-Fi, une technologie de communication sans fil qui peut être qualifiée de «super Wi-Fi». 

Cette problématique de perte de souveraineté technologique et militaire ne fait cependant par l’unanimité dans l’opposition. Le sénateur LR du Calvados Pascal Allizard et son homologue socialiste Michel Boutant affirment ainsi, dans un rapport d’information «sur l’industrie de défense dans l’œil du cyclone» daté du 8 juillet 2020, que «le problème principal que soulève la situation de cette pépite technologique n’est pas un risque de prédation par un acheteur étranger [15% des salariés de Photonis étant implantés aux Etats-Unis] mais surtout l’incapacité de l’économie française de proposer à cette entreprise un financement français de son développement».

Les péripéties d’une vente polémique

L’épopée a débuté lorsqu’en septembre 2019, le fonds d’investissement français qui possède Photonis, Ardian, décide de mettre en vente la société girondine qui avait pourtant doublé ses performances financières en 2018, selon le site spécialiséOpex360. Le groupe californien Teledyne se dit prêt à débourser 500 millions d’euros pour faire l’acquisition de la pépite française… et de ses brevets.

Le gouvernement demande alors aux groupes français Thales et Safran d’examiner la possibilité de reprendre Photonis, mais ni l’un ni l’autre n’aurait alors manifesté d'intérêt pour une telle opération. Une situation résumée par Pascal Allizard et Michel Boutant dans leur rapport susmentionné : «On se trouve devant une version industrielle du "dilemme du prisonnier" : tous auraient intérêt à coopérer, mais aucun n’a intérêt à fournir seul l’effort». Néanmoins, étant donné qu’il s’agit d’un investissement étranger dans un domaine stratégique, le gouvernement a pu imposer des conditions drastiques à l'américain Teledyne. L’une d’elle était l’entrée de Bpifrance au capital de Photonis, avec la possibilité d’user d’un droit de veto dans le cas de décisions allant à l’encontre des intérêts français, comme le rappelle Opex360.

Dans un communiqué révélé par La Tribune le 28 septembre 2020, Teledyne déclarait à la Securities and Exchange Commission américaine avoir «décidé de mettre fin à ses discussions en vue de l'acquisition envisagée de Photonis» et «volontairement accepté de retirer sa demande d'autorisation» à Bercy au titre du contrôle des investissements étrangers.

Mais il ne s’agissait que d'un tour de manche visant à faire baisser le prix d’achat : le 21 octobre, le président exécutif Teledyne annonçait que le groupe américain était parvenu à «un accord de principe» avec le fonds français Ardian – propriétaire de Photonis – et qu'il restait «à finaliser les formalités administratives». Et ce, selon des sources proches du dossier citées par Les Echos, pour 425 millions d’euros – soit 15% de moins que le montant initialement prévu.

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