Economie

Et si la France se dotait d’un revenu universel vert ?

De nombreux pays ont mené des expérimentations pour un revenu universel de base. En France, le think tank Ekwee démarche actuellement pour la création d’un porte-monnaie virtuel pour tous, qui ne permettrait d'acheter que des produits éco-certifiés.

Avec leur concept de revenu universel vert sous le bras, les fondateurs du groupe de réflexion Ekwee comptent bien frapper à toutes les portes, jusqu'à celles du gouvernement. Mus par l'élan de la fin de l'épidémie, la promesse du fameux «monde d'après», ce think tank unissant diverses sensibilités politiques a imaginé une solution pour remédier aux pénuries d'emploi du futur et soutenir la transition éco-industrielle. «Le néolibéralisme absolu commence à avoir un coup dans l'aile», explique à RT France Alain Schott, spécialiste en moyens de paiement, le fondateur du groupe Ekwee.

Le collectif souhaite porter l'idée de la création d'un compte numérique attribué à tous les individus majeurs, sans conditions de ressources, sur le principe du revenu de base. Sa particularité ? Il ne pourrait servir qu'à acheter des produits éco-certifiés, via une plateforme de fléchage, sur le principe des bons. Le compte serait crédité d'environ 150 euros par mois, qui disparaitraient au bout d'un certain laps de temps s'ils n'ont pas été dépensés en biens verts. Le détenteur du compte disposerait d'une carte «Tous connectés» ou d'une appli dédiée pour effectuer ses achats éco-responsables.

«C'est la seule manière de relancer une économie qui ne soit pas qu'une frénésie de consommation, en faisant progresser le respect de l'environnement. Il ne suffit pas de balancer de l'argent à tout le monde», explique Alain Schott. «La transition éco-industrielle passera par le respect de normes draconiennes. Il ne s'agit pas de faire du greenwashing. De leur côté, les entreprises auront tout intérêt à devenir éco-reponsables, car on leur achètera davantage de produits. Mais décider de devenir propre a un coût : il faut injecter de l’argent», ajoute-t-il.

Il ne suffit pas de balancer de l'argent à tout le monde

Pour mettre en branle leur projet, les membres du think tank donc rédigé le 8 juin un appel au gouvernement. Alain Schott souhaite rester discret sur les contacts qu'ils ont démarchés. Une poignée de sénateurs et députés souhaiteraient l'expérimenter dans leur circonscription. Et le projet intéresse jusqu'au sommet du Parlement. «L'idée fait son chemin», estime le fondateur d'Ekwee.

Le revenu universel : une idée dans l'air du temps

«Nous avons la conviction que le revenu universel doit se mettre en place, car les gains de productivité colossaux réduisent les emplois ouvriers, et la quantité de métiers disponibles s'amenuise», explique-t-il.

L'idée du revenu universel, une allocation versée à tout citoyen sans condition de ressource, fait débat dans de nombreux pays. Certains Etats comme la Finlande ont expérimenté cette allocation sur un groupe test, d'autres l'ont institué, comme l'Alaska, qui s'est doté d'un fonds souverain alimenté par les revenus pétroliers et miniers. Macao a fait de même, en finançant ce revenu de base grâce à la manne des jeux de hasard. les différentes expériences présentent des conséquences positives, notamment sur la baisse de la criminalité, puisque les besoins de base sont assurés, et la création d'entreprises.

En France, le débat intéresse : le revenu universel a été plébiscité par le candidat socialiste Benoit Hamon et son parti Génération·s lors des dernières présidentielles, qui proposait à terme une allocation de 750 euros. Le concept, déjà évoqué par Voltaire, intéresse aujourd'hui autant les altermondialistes que les libéraux. Ainsi des personnalités politiques aussi diverses que les anciens ministres Nathalie Kosciusko-Morizet et Dominique de Villepin, Julien Bayou, le secrétaire général d'Europe-ecologie-Les Verts ou Christine Boutin ont tous plaidé pour la création de ce revenu, qu'ils ont paramétré chacun à leur façon. Julien Bayou a même mené en 2019 à titre d'expérimentation «Mon revenu de base», qui a permis à six personnes de toucher 1000 euros par mois durant un an. Et à l'heure de l'après Covid, sentant la crise poindre, 19 présidents de département socialistes ont plaidé en avril pour l'instauration d'un revenu universel tandis que l'Espagne va expérimenter sa version du revenu de base dans le cadre de la crise pandémique, qui pourrait être pérennisé.

Les détracteurs du revenu de base arguent quant à eux que la valeur travail se perdrait, que le retour à l'emploi ne serait pas encouragé, comme tend à le montrer une expérimentation finlandaise principalement basée sur ce critère. La question du financement d'un tel dispositif par des taxes a aussi fait reculer des politiques, comme Manuel Valls, intéressés à l'origine par un tel projet.

Comment financer un revenu universel vert ?

Mais pour Ekwee, nul besoin d'inventer une nouvelle taxe. Il suffit selon Alain Schott de prélever les fonds du budget européen pour la transition écologique. «Le financement du Revenu vert universel s’inscrit naturellement et logiquement dans le cadre des 1 000 milliards d’euros du "Pacte vert européen" annoncé le 14 janvier dernier par madame Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne», ont projeté les membres d'Ekwee. 50% de la somme reviendrait au circuits bancaires et financiers conventionnels, les 50% restants seraient directement injectés via le Revenu vert universel. «Le compte, régalien, serait géré par la Caisse des dépôts», imagine Alain Schott. «Essayons de mettre 500 milliards dans la poche des consommateurs. Il faut soutenir le pouvoir d'achat autant que les boîtes», poursuit-il.

Essayons de mettre 500 milliards dans la poche des consommateurs

A l'heure de l'après Covid, Emmanuel Macron a écrit aux présidents des trois chambres pour leur demander de «tracer de nouvelles perspectives, redéfinir les solidarités, dessiner un nouvel horizon» pour la suite de son mandat. Alain Schott et ses alliés d'Ekwee feront tout pour être audibles. Reste à convaincre avec une idée verte et innovante : jusqu'ici le gouvernement n'a fait ni de l'environnement, ni du revenu de base l'une de ses priorités.